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Pour le Têt au Vietnam, des offrandes de luxe partiront en fumée

Villas, écrans plats de télévision, téléphones portables : tous les signes extérieurs de richesse, en reproduction papier, sont partis en fumée hier soir au Vietnam à l’occasion du Nouvel An lunaire, le Têt.

Au Vietnam, le culte des ancêtres est encore sacré. Et pour l’entrée dans la nouvelle année lunaire, celle du rat, nombreuses ont été les familles à brûler ces répliques sur papier votif (« hang ma » en vietnamien) d’objets quotidiens. Longtemps interdit par le régime communiste, mais aujourd’hui toléré, le rituel doit permettre aux vivants d’envoyer à leurs défunts tout ce dont ils ont besoin dans le monde des morts. La tradition est ancestrale, mais s’est adaptée aux évolutions du pays, à son enrichissement et son plongeon dans la société de consommation. Les offrandes, autrefois de simples articles ménagers, se sont transformées en produits de luxe.

Parmi les modèles en vogue : des deux-roues à moteur dernier cri, des lecteurs de DVD, des kits pour karaoké, ou encore des villas miniatures. « Les gens veulent des motos plus puissantes et plus chères », raconte Nguyen Huu Nang, 60 ans, artisan du village de Dong Ho, spécialisé dans ces reproductions papier. « Nous faisons aussi parfois des voitures de luxe, mais seulement quand nous avons une commande spéciale parce que le directeur d’une entreprise ou un homme politique vient de mourir », poursuit-il. Dong Ho, un village proche de la capitale Hanoi, a longtemps été surtout célèbre pour ses peintures sur bois figurant des contes populaires. Mais les goûts ont changé et le nombre de foyers qui pratiquent encore cet art est passé de 150 dans les années 1950 à à peine 5 aujourd’hui.

Aujourd’hui, les familles, plutôt que de buriner les planches de bois, fabriquent des téléphones portables ou encore des casques pour moto en papier ou carton. « Dans les années 1990, les gens étaient contents d’offrir des “hang ma” simples comme des bicyclettes ou de la monnaie locale », raconte l’anthropologue Shaun Kingsley Malarney dans son livre Vietnam – Voyage du corps, de l’esprit et de l’âme. « Dix ans après, certaines familles offrent des mobylettes, des réfrigérateurs et même des voitures, alors que d’autres préfèrent brûler des copies du dollar américain, considéré comme une monnaie plus stable que le dong. » Deux décennies après le lancement de sa politique de renouveau (Doi Moi), d’ouverture, le Vietnam est aujourd’hui confronté à de radicaux changements économiques et sociaux. La population de ce pays de quelque 86 millions d’habitants est certes encore à large majorité rurale et pauvre. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant est lui encore inférieur à 900 dollars (euros) par an. Mais le pays enchaîne des taux de croissance annuelle de plus de 8 % et dans les grandes villes une nouvelle élite économique est apparue, qui, en particulier avant le Têt, n’hésite pas à dépenser son argent dans des magasins de luxe toujours plus nombreux.

Les Vietnamiens voient leur niveau de vie augmenter tous les ans, explique l’artisan de Dong Ho en travaillant des morceaux de carton, essentiellement d’anciens emballages industriels, pour les transformer en scooter rouge vif. « Les vivants ont une vie confortable, ils veulent que leurs proches décédés se sentent bien aussi. »

L'Orient Le Jour (.lb) - 7 Février 2008