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Nguyên Huu Ninh, “M. Nobel” du Vietnam

Il a consacré sa vie à l'étude de l'évolution du climat, un domaine encore méconnu. Il a suffi d'un jour pour qu'il devienne une célébrité. Nguyên Huu Ninh appartient au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2007. Il est aujourd'hui le "M. Nobel" du pays.

"Trois ans pour noircir une trentaine de pages". Ainsi Nguyên Huu Ninh décrit-il avec ironie sa participation aux travaux de recherche du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Recherche pour laquelle l'équipe scientifique, auteur du "4e rapport sur évolution du climat", a reçu avec l'ex vice-président américain Al Gore, le prix Nobel de la paix en décembre 2007.

L'équipe compte quelque 2.000 experts qui jouent pour beaucoup le rôle consultatif. Ils échangent en continu, argumentent, étudient le rapport et répondent aux questions des gouvernements. "Un travail sans fin", avoue le scientifique Nguyên Huu Ninh. Par exemple, à la question du gouvernement chinois : "Pourquoi dit-on +zone climatique Xinjiang+, et non +zone Xinjiang, de Chine+ ?", il a répondu : "Sur le plan climatique, Xinjiang est une zone à part entière. La zone climatique Xinjiang est un terme purement scientifique, qui ne concerne pas la politique." De nombreux scientifiques internationaux l'ont également interrogé sur le tassement du delta du fleuve Rouge. Pour répondre à cette question, l'homme a dû se rendre dans divers instituts nationaux. Or dans le pays, seule une station a mesuré des "tassements du sol", et elle a cessé son activité depuis longtemps... Autant d'obstacles auxquels le scientifique a dû se heurter, avant de coucher sur le papier le fruit de ses efforts... et, parfois, ses sautes d'humeur ! "Il m'arrivait de devenir insupportable !", reconnaît-il.

Le travail de titan du GIEC a abouti à un rapport de 3.000 pages et 20 chapitres, traitant des problèmes liés à l'évolution climatique, de ses conséquences sur la vie humaine, et de l'environnement. Il se divise en 3 livres de 1.000 pages. Le scientifique vietnamien est quant à lui l'un des 10 auteurs principaux du 10e chapitre consacré à l'Asie, qui appartient au 2e livre intitulé Changement climatique : réaction, adaptation et sensibilisation. Le 10 décembre 2007, lors de la remise du prix Nobel de la paix à Stockholm, le nom de Nguyên Huu Ninh a été cité parmi les scientifiques honorés du GIEC.

Une vingtaine d’années consacrées à la climatologie

Ayant opté pour la biologie à l'Université de Hongrie dès 1971, Nguyên Huu Ninh choisit une dizaine d'années plus tard de consacrer sa thèse de doctorat à un sujet relatif à l'environnement. Depuis 1986, il s'est spécialisé dans les études sur l'évolution du climat mondial. Il est invité à Colorado en 1987, par le Centre américain de recherche atmosphérique, dans le cadre d'un échange scientifique. En 1991, il fonde le Centre pour la recherche, l'éducation et le développement de l'environnement (Center for Environment Research, Education and Development, CERED), dont le siège se trouve... chez lui. La même année, il organise à Hanoi une conférence internationale intitulée "Effets du changement climatique et montée des eaux", sujet qui à l'époque n'avait pas attiré grand monde...

Plus de 15 ans après, le changement climatique ne suscite toujours pas l'intérêt qu'il mérite. Mais Nguyên Huu Ninh, en vrai passionné, reste intarissable sur le sujet : "Nous pouvons éviter des pertes considérables. On va revoir le programme des moissons et le choix des espèces végétales, optimiser les programmes de renforcement des digues et les plans de pêche… en se basant sur les résultats de nos recherches sur le changement du climat", affirme-t-il. Et de continuer : "le Vietnam pourrait gagner des milliards de dollars en se donnant les moyens d'endiguer les effets du changement climatique. Chaque tonne de CO2 est vendue 50 dollars. Si les Vietnamiens reboisaient et vendaient leurs +quotas+ de rejet de CO2 , ils pourraient obtenir plusieurs milliards de dollars par an et l'environnement du pays s'améliorerait".

Parmi les sujets nationaux dont il faut se préoccuper, l'expert cite la marée de vive-eau de Hô Chi Minh-Ville et les fumées polluantes dans les villes vietnamiennes. "La vive-eau de Hô Chi Minh-Ville augmente d'année en année. L'hiver est une peau de chagrin, les pluies et les crues sont capricieuses, les vagues de chaleur estivales plus fréquentes et les épidémies plus nombreuses. Voilà de tristes signes du changement climatique, que notre pays subit directement", avertit Nguyên Huu Ninh. Et de citer que la ville portuaire de Hai Phong et Hô Chi Minh-Ville viennent d'être placées dans la liste des 10 villes du monde qui seront affectées par le changement climatique d'ici 20 à 50 ans. "Comment faire pour sensibiliser le pays à l'évolution climatique, s'interroge-t-il. Car le changement climatique est à l'origine d'épidémies, de crues, d'inondations et de pertes de moissons… Si mes résultats de recherche ne sont pas appliqués, toute décoration, y compris le prix Nobel, devient insignifiante".

Le Vietnam, aussi une victime du changement climatique

Nguyên Huu Ninh est fier du prix Nobel, mais il se fait du souci. "Notre rapport a prouvé que 90% du réchauffement de la Terre relevaient des activités humaines. On sensibilise la population et rien ne se passe. Faire bouger les choses, voilà qui est bien plus difficile que d'avoir le prix Nobel." La récompense du prix Nobel de la paix 2007 (1,5 million de dollars) sera divisée en 2. Une moitié revient à l'ex vice-président américain Al Gore, l'autre au groupe d'experts du GIEC. Où vont aller ces quelques 750.000 dollars ? "M. Nobel” du Vietnam répond : à l'investissement dans les projets de recherche sur l'évolution du climat, pour aider les habitants à s'adapter à l'environnement et à ses changements, comme l'effet de serre.

D'ores et déjà, le ministre des Ressources naturelles et de l'Environnement, Pham Khôi Nguyên, prévoit de mettre en placé dans les 2 mois qui viennent un programme national pour faire face au changement climatique. "Le Vietnam est l'un des pays à subir de plein fouet les effets du changement climatique. Si le pays ne réagit pas tout de suite, outre la vive-eau de Hô Chi Minh-Ville, il pourra invoquer bien d'autres raisons encore à son gros mal de tête", prévient le nouveau “M. Nobel” du Vietnam.

Agence France Presse - 28 Janvier 2007