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De Dông Son à Lê, l'art ancien du Vietnam


EXPOSITION. Bronzes et céramiques présentent un charme tout particulier, lié aux libertés prises par les artistes et les artisans tant par rapport à la rigueur géométrique que par rapport au réalisme. Démonstration à Genève.

Dédiées aux cultures du Sud-Est asiatique, à commencer par la Chine et le Japon, les Collections Baur présentent ce printemps à Genève une région qui a peu fait, jusqu'ici, l'objet d'expositions dans les musées européens: le Vietnam. Deux périodes et deux types d'objets ont été sélectionnés. Les bronzes de la culture de Dông Son d'une part, en gros entre 500 et 200 avant notre ère, et les céramiques des dynasties des Ly, des Trân et des Lê, du XIe au XVIe siècle. Ces ensembles, conservés pour la plus grande part dans les musées Guimet et Cernuschi de Paris, mettent en lumière l'originalité des arts anciens du nord du Vietnam, fondée sur un alliage de stylisation et de naturalisme, de formes pures et de grande expressivité.

Les bronzes exhumés notamment par l'archéologue Olov Janse l'ont été dans des tombes. Il s'agit d'objets culturels qui remontent à la période précédant la longue domination chinoise au Vietnam. C'est-à-dire celle de Dông Son, du nom d'une bourgade du nord où de nombreux vestiges furent retrouvés dès les années 1920. Elle connut son apogée entre le Ve et le IIIe siècle, comme en témoignent ces pièces recueillies dans des sépultures localisées dans les vallées des grands fleuves, en particulier le fleuve Rouge qui fait le lien avec la Chine du Sud. Les décors gravés dans le bronze incluent des pirogues, conduisant le mort vers l'au-delà, divers animaux, des cerfs aux grenouilles, et des processions de personnages armés, coiffés de longues plumes et dont les visages étroits arborent de grands yeux bien différents du type chinois.

Le Musée Barbier-Mueller a prêté des œuvres majeures, dont un grand tambour tout en bronze, instrument sacré des rites de fertilité, réalisé selon la technique de la fonte à la cire perdue. Son plateau comporte, au centre, une étoile ou un soleil rayonnant, tandis que ses parois sont finement ciselées. D'autres pièces, retrouvées en dehors de la région concernée, lui sont rattachées par leur style, comme cette urne ou flasque, toujours en bronze, de la forme d'une nasse. Peu à peu, suivant l'avancée de l'annexion chinoise, des influences subtiles se font sentir, en particulier dans la forme des vases et autres récipients, tandis que les décors, tantôt géométriques, tantôt naturalistes, restent caractéristiques.

Les céramiques, plus tardives, ont hérité pour leur part du savoir-faire chinois, et restent vietnamiennes dans leur style vivant et épuré. Il s'agit de grès de teinte blanche ou beige, d'une terre fine et homogène, jamais de porcelaines. Leur couverte vitrifiée contribue au charme de ces pièces lustrées, dont la forme sobre comporte des détails séduisants, des couronnes de pétales de lotus (le bouddhisme était alors arrivé au Vietnam), l'humour de ces crevettes quelque peu anthropomorphes, la rusticité et tout à la fois le raffinement des récipients.

Plus tardifs encore, de grands plats, atteignant jusqu'à 50 cm de diamètre, au décor bleu et blanc, qui renvoient à la période des Lê, aux XVe et XVIe siècles. Ici encore, on est loin de l'art très codifié des potiers chinois. Au centre de frises ornementales et végétales, une scène est peinte avec un réalisme tempéré, qui comporte des oiseaux parmi des éléments de paysage, des animaux mythiques, des poissons ou des dragons. Parfois, des rehauts d'oxydes métalliques créent une sorte de dialogue chromatique tout à fait séduisant. Le crapaud n'est pas oublié dans cette iconographie, animal petit et laid, et courageux, qui appelle la pluie de ses coassements. La découverte d'épaves chargées de cargaisons de céramiques d'exportation a largement contribué au regain de célébrité de cet art, au niveau international.

Quant aux centres de production de ces grès porcelaineux bleu et blanc, destinés à la cour et à l'exportation, ils ont été localisés dans la région de Hai Duong, ainsi qu'à Thang Long ou encore Bat Trang, village réputé aujourd'hui encore pour ses céramiques.

Art ancien du Vietnam. Bronzes et céramiques. Collections Baur, Musée des arts d'Extrême-Orient (rue Munier-Romilly 8, Genève, tél. 022/704 32 82). Ma-di 14-18h (me 20h). Jusqu'au 4 mai.

Par Laurence Chauvy - Le Temps (.ch) - 12 Février 2008