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Georges Vinh San : "Mon père, ce héros"

Le prince Nguyên Phuc Bao Ngoc (Georges Vinh San) est un des fils de Duy Tân, l'empereur patriote qui fut déposé par les Français en 1916 et déporté à l'île de la Réunion. C'est ce prince qui, en 1987, ramena à Huê les cendres de son père, 71 ans après qu'il eut été chassé de son trône. Dynastie Nguyên Phuc - 4e Branche principale - Famille de l'empereur Duy Tân. Tel est le titre royal du prince Nguyên Phuc Bao Ngoc, alias Georges Vinh San, fils aîné de l'empereur Duy Tân qui fut condamné en 1916 par les autorités françaises à la déportation avec toute sa famille à l'île de la Réunion.

Bao Ngoc considère que son père fut un "empereur patriotique qui, outre le refus catégorique de collaborer avec les Français, osa même prendre la tête d'une révolte contre les autorités coloniales", ajoutant qu'"il aimait ses compatriotes et nourrissait l'espoir que toutes les ethnies vietnamiennes soient conscientes de leur union et s'unissent afin de vivre, combattre pour l'émergence d'une nation libre et indépendante". Duy Tân fut un empereur épris de liberté pour son peuple, indocile, désireux de se libérer de la tutelle française et qui, pour cette raison, fut destitué et condamné à l'exil. Il fut remplacé par un souverain plus malléable : Khai Dinh, fils unique de l'empereur Dông Khanh (règne : 1885-1889).

Bon nombre de Réunionnais se souviennent encore de cet empereur d'Annam chassé de son trône. Un homme droit, honnête et serviable, qui participa activement à la vie artistique et sportive locale. Musicien de talent, il donna des conférences littéraires, fut un excellent escrimeur et un cavalier accompli. Vivant dans une modeste demeure à l'antipode des ors et du faste de la Cité interdite de sa jeunesse, Duy Tân reçut une modique subvention du gouvernement français, à peine suffisante pour vivre et payer ses études. Un exil durement ressenti certes, mais qui ne l'empêcha pas de se plonger dans les études, notamment scientifiques et techniques, de décrocher le BAC, de se passionner pour le droit, l'anglais et l'espagnol (qu'il parlait avec aisance, en plus du français qu'il maîtrisait). Mais son grand violon d'Ingres sera la radioélectricité qui, à l'époque, n'en était qu'à ses balbutiements. Sa compétence était à ce point reconnue que le gouvernement de la Réunion lui-même le chargea de construire le premier émetteur-récepteur de l'île. Il en faisait d'ailleurs sa profession, permettant d'améliorer le modeste pécule que lui versaient les autorités coloniales. Il était aussi un pionnier dans le domaine radioamateur et réalisait des émissions de radiodiffusion.

Lorsque éclata le second conflit mondial, depuis des années déjà le prince manifestait sa volonté de servir la France menacée par le fascisme. Grâce à ses installations radioélectriques, il capta le message du 18 juin 1944 du général de Gaulle et décida de s'engager dans la France libre. On peut être surpris devant le choix de ce souverain déchu de défendre cette France responsable de tant de bouleversements dans sa vie. Mais Duy Tân était un fervent défenseur de la liberté, et la lutte contre le fascisme allemand représentait pour lui une juste et noble cause. Sa demande d'engagement dans la France libre aboutît finalement en janvier 1944, mais il ne pouvait rejoindre l'Europe qu'en mai 1945. Il participa à la libération et reçut la médaille de la Résistance. Après un rendez-vous à Paris avec de Gaulle en décembre 1945, lors duquel un retour en Indochine fut planifié, il décéda dans un accident d'avion à M'Baiki en République centrafricaine, à l'âge de 45 ans. Il fut inhumé dans un cimetière local où ses cendres reposaient pendant 42 ans.

Retour à Huê des restes de l'empereur patriote

Duy Tân eut 7 enfants. C'est Nguyên Phuc Bao Ngoc, né en 1933 d'une mère réunionnaise, qui décida de ramener en avril 1987 les cendres de son père dans la Plaine des tombeaux à Huê, ancienne capitale impériale du Vietnam, pour qu'il puisse reposer auprès de ses illustres ancêtres. Un acte conforme aux traditions nationales selon lesquelles, quelque soit le lieu où l'on meurt, il faut être enterré sur sa terre natale. V Bao Ngoc n'oubliera jamais cette première visite au Vietnam, un pays dont il n'avait jamais entendu parler au cours de son enfance, même de la bouche de son père. Il fut profondément impressionné de la ferveur des Huêens qui suivirent la cérémonie d'inhumation dans une grande solennité. "Je fut vraiment ému par les bons sentiments que l'ex-Premier ministre Pham Van Dông, la population et le gouvernement vietnamiens réservèrent à Duy Tân et à moi-même". Bien que né à des milliers de kilomètres du pays de ses aïeuls, Bao Ngoc a toujours ressenti un lien intense avec les Vietnamiens dominés par des puissances étrangères, comprenant leurs souffrances et leurs aspirations. C'est pour cette raison qu'il participait activement aux activités contre la guerre. Dans les années 1967-1969, après avoir adhéré à l'Association des Vietnamiens patriotiques, il allait distribuer des documents émanant du Front de libération du Sud du Vietnam appelant à la solidarité entre Vietnamiens et à la lutte contre la guerre. V Retraité des douanes et membre actif de l’Union générale des Vietnamiens de France, Bao Ngoc vit actuellement dans un appartement de Boussy-Saint-Antoine, une petite commune de l'Essonne située à 40 km au sud de Paris. Simple, cette demeure impressionne par les nombreux objets typiquement vietnamiens qu'elle abrite, en plus des images de la famille royale. V En 2005, lors d'un retour au Vietnam, Bao Ngoc a été impressionné devant la nouvelle physionomie de la société, l'essor prodigieux de l'économie. Né à la Réunion, mais de cœur vietnamien, Nguyên Phuc Bao Ngoc est heureux de saluer ici la mémoire de son père, personnalité à la fois fascinante et attachante, resté fidèle toute sa vie aux valeurs fondamentale que sont la loyauté, la liberté et la défense des causes justes.

Par Nguyên Thi Trang - Le Courrier du Vietnam - 15 avril 2007