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Légumes et sauce toxiques... les assiettes vietnamiennes font grise mine

Plantée devant un étalage de produits frais sur un marché de Hanoi, Nguyen Thi Huong fronce les sourcils. Une série de scandales alimentaires vient de frapper le Vietnam et elle se demande ce que sa famille pourrait bien manger sans risque.

Pesticides toxiques dans des fruits et légumes, produits chimiques cancérigènes dans les sauces de soja, formaldéhyde dans le « pho », la célèbre soupe du pays, les mauvaises nouvelles se sont enchaînées dans les assiettes ces derniers temps au Vietnam. « Que pouvons-nous acheter maintenant ? se demande cette mère au foyer de 55 ans. Toute la nourriture semble fraîche et bonne, mais je ne peux pas être sûre que ce soit sain pour ma famille. » Les Vietnamiens sont fiers de leur cuisine, connue pour ses saveurs et pleine de verdures. Chaque matin, des milliers d’agriculteurs viennent de loin en camion, mobylette ou vélo pour livrer des produits frais dans les zones urbaines.

Le Vietnam est encore à majorité rurale – les trois quarts de sa population vivent en dehors des villes. Mais à mesure que le pays communiste s’industrialise, et entre dans l’économie de marché, les problèmes alimentaires se multiplient. Une récente étude du département public de Protection des plantes a montré qu’en fonction des variétés, 30 à 60 % des légumes testés sur les marchés de Hanoi contenaient des pesticides, dont certains sont interdits au Vietnam. Car, même s’ils sont conscients des risques, beaucoup d’agriculteurs utilisent les pesticides à forte dose pour doper une production qui ne leur offre que de faibles marges.

« Ma famille ne mange pas les légumes que je vends tous les jours sur le marché », reconnaît Nguyen Thi Nhuong, sur le stand où sont exposés les produits qu’elle cultive à l’extérieur de Hanoi. « Pour notre consommation quotidienne, nous réservons une partie de notre jardin pour faire pousser naturellement des légumes. Nous avons peur des produits chimiques qui vont nuire à notre santé », explique-t-elle.

Face à la multiplication des scandales, la presse a haussé le ton. « Les agences sanitaires savaient que la sauce de soja vietnamienne, la sauce la plus populaire dans le pays après la sauce de poisson (nuoc-mam), était remplie d’agents cancérigènes depuis au moins 2001 », a notamment dénoncé le quotidien Thanh Nien. « Pourquoi personne ne nous a rien dit ? »

Selon la télévision vietnamienne, tous les ans le Vietnam recense 250 à 500 affaires d’intoxications alimentaires qui touchent jusqu’à 10 000 personnes, des chiffres probablement encore sous-estimés. Sur les six premiers mois de l’année, le ministère de la Santé a affirmé que 25 personnes étaient mortes d’intoxication alimentaire. L’Association vietnamienne contre le cancer estime elle qu’un tiers des 150 000 cas annuels de cancer sont dus à de la nourriture contaminée.

Les substances toxiques sont interdites au Vietnam, mais les autorités reconnaissent qu’il est difficile de tout contrôler. Le Premier ministre Nguyen Tan Dung a fait cet été du ministère de la Santé l’autorité supérieure pour la sécurité alimentaire, afin de mettre de l’ordre dans un système où les agences se marchent parfois sur les pieds et multiplient les rapports contradictoires. L’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a elle récemment travaillé sur un projet pilote dans le delta du Mékong (Sud) destiné à réduire l’utilisation de pesticides grâce au recours à des appareils électriques aidant les agriculteurs à détecter les mouvements d’un insecte dévastateur.

Si les agriculteurs plantaient le riz juste après un passage d’insectes, ce riz avait le temps de pousser suffisamment pour résister au prochain passage, sans qu’il n’y ait besoin de recourir aux pesticides. Mais le problème, relève le représentant de la FAO au Vietnam Andrew Speedy, est qu’il y a toujours « une tendance à retourner à l’utilisation de produits chimiques, sous la pression des vendeurs et de la publicité ».

L'orient Le jour (.lb) - 20 septembre 2007