~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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L'éveil du Vietnam

Le Vietnam est-il le nouveau « dragon » du continent asiatique ? La plupart des investisseurs, qu’ils soient sud coréens, japonais, américains ou européens en sont convaincus. Tous les records ont été battus en 2006 avec des investissements étrangers supérieurs à 9 milliards de dollars. Il faut dire que le Vietnam, qui vient de faire son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce- c’était le 11 janvier dernier- surfe sur un taux de croissance de plus de 8%, le plus élevé en Asie après la Chine.

Le nouveau Premier ministre, Nguyen Tan Dung, nommé en juin dernier, est un homme du sud qui fût gouverneur de la banque centrale pendant deux ans dans les années 1990. Avec le président, Nugyen Min Triet et le président de l’Assemblée nationale, Nguyen Phu Trong ils incarnent une politique d’ouverture à la chinoise qui fait coexister le maintien de l’emprise du parti communiste sur l’Etat avec une politique économique fondée sur les principes du capitalisme – laissez faire et libre concurrence.

Officiellement cette politique d’ouverture ou Boi Doi a été adoptée en 1986. Mais pendant dix ans, les choses n’ont guère bougé. Deux évènements ont modifié la donne : la levée des sanctions américaines qui pesaient sur le pays en 1994 et son entrée dans l’ASEAN- l’Association des nations du Sud Est asiatique- en 1996. Le véritable décollage, un temps freiné par la crise économique qui a frappé toute la région à la fin des années 1990, a démarré en 2000. Depuis, c’est l’euphorie : une capitalisation boursière multipliée par 20 entre fin 2005 et fin 2006, des ventes, dans la grande distribution, en hausse de 30%, de nouveaux quartiers d’affaires qui poussent comme des champignons après la pluie, 15 nouveaux centres commerciaux attendus d’ici l’an prochain à Hanoi et Ho Chi Minh-ville. « On est dans une économie de rattrapage, dans tous les domaines » analyse un banquier d’affaires. Le nombre d’entreprises privées a été multiplié par 10 en 6 ans, passant de 30 000 en 2000 à 350 000 en 2006.

Le gouvernement a annoncé le 31 janvier dernier dans un communiqué son intention de privatiser l’essentiel des entreprises détenues par l’Etat, le parti ou l’armée. Elles sont environ 3000. Dans un premier temps les autorités envisagent la création d’un holding d’Etat qui les détiendrait et les mettrait sur le marché. « Les grands investisseurs, notamment sud coréens ou japonais ont pour principe d’investir à la fois en Chine et dans un autre pays de la région. De plus en plus souvent, ils optent pour le Vietnam. Il faut dire que le pays compte quelque 83 millions d’habitants et beaucoup de travailleurs qualifiés. Un foyer sur 10 à Hanoi et Ho Chi Minh-ville compte un diplômé de l’enseignement supérieur. La main d’œuvre non qualifiée, elle, n’est pas chère. Il a fallu une série de grèves, l’an dernier, pour que le salaire minimum des ouvriers employés par des entreprises étrangères franchisse le cap des 56 dollars par mois.

Le Vietnam a désormais ses nouveaux riches. Beaucoup de ces milliardaires sont issus de la nomenklatura communiste, ou des enfants d’apparatchiks. Ce sont naturellement eux qui ont, les premiers, profité de la politique d’ouverture économique. Ils ont été les premiers aussi à pouvoir envoyer leurs enfants étudier à l’étranger, véritable sésame pour faire carrière. Mais il y a d’autres belles réussites : quelques indépendants et quelques viet kieu, des Vietnamiens de l’étranger, venus investir leurs capitaux dans leur pays d’origine. Au total 70 000 foyers auraient un revenu supérieur à 5000 dollars par mois, chiffre qui ne tient pas compte des revenus de l’immobilier dans un pays où nombre d’apparatchiks se sont considérablement enrichis en spéculant sur la hausse des prix des terrains – ou en achetant des terres agricoles dont ils obtenaient ensuite la viabilisation.

L’industrie du luxe ne s’y est pas trompée. Gucci et Vertu- les téléphones portables des stars- ont pignon sur rue à Ho Chi Minh-ville, Vuiton devrait ouvrir une boutique en mai, toutes les grandes marques de cosmétiques sont présentes, la marque la Perla (lingerie fine de luxe) et Enzo s’apprête à faire de même à Hanoi. « Le Vietnam est en train de s’ouvrir très rapidement à ce marché dont il a longtemps été exclu » constate un économiste. Au point que la mission économique française vient publier un guide-répertoire consacré au secteur du luxe. Avec présentation détaillée des 73 opérateurs vietnamiens susceptibles de devenir des partenaires pour des investisseurs français. La clientèle des grands hôtels, à Hanoi comme à Ho Chi Minh-ville est désormais composée pour 60% d’hommes d’affaires et pour 40% de tourisme.

Fait nouveau : au-delà de cette couche de riches très riches émerge une classe moyenne jeune, éduquée, tournée vers la modernité. « Il y a quelques années seuls les apparatchiks pouvaient envoyer leurs enfants à l’étranger pour leurs études, puis on est descendu au niveau des directeurs de ministère, ensuite à celui des sous-directeurs » commente un chef d’entreprise. Résultat : des jeunes de mieux en mieux formés qui trouve facilement à s’employer notamment dans les grosses sociétés étrangères installées dans l’une des deux grandes villes du pays. Et comme elles sont de plus en plus nombreuses à rechercher ces profils de cadres supérieurs, les salaires montent… Reste que la croissance à la vietnamienne a ses laissés pour compte : le monde rural où vivent toujours 60 des 83 millions de Vietnamiens.

Par Dominique Lagarde - L'observateur (.ma) - 26 février 2007