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Des enfants esclaves cultivent le cannabis anglais

LONDRES - Des centaines de jeunes clandestins sont exploités par des gangs asiatiques en plein coeur de quartiers paisibles. Tuan Nguyen est un esclave porté disparu. Et son histoire se passe en 2007, dans une Grande-Bretagne grande consommatrice de haschisch. En août, la police perquisitionne une maison d'un quartier tranquille de Salford, dans le grand Manchester, et découvre ce jeune Asiatique, seul au milieu de centaines de pieds de cannabis. Il ne parle pas anglais, mais les enquêteurs devinent qu'orphelin, de 12 ans environ, il a été kidnappé au Vietnam, introduit en Angleterre clandestinement, vendu, puis asservi. Sa tâche : arroser et traiter les précieux plants. Placé dans un centre social après son arrestation, Tuan Nguyen s'est volatilisé mi-septembre, a priori enlevé par le gang qui l'exploitait.

Ces nouveaux forçats qui pourraient sortir d'un livre de Charles Dickens seraient des centaines, selon The Independent. Les cas répertoriés d'adolescents d'Asie du Sud-Est tombés en esclavage ont quintuplé en un an, confirme Christine Beddoe, directrice d'un organisme de lutte contre l'exploitation des enfants (ECPAT) : « Ces petits soldats d'organisations criminelles sont parfois condamnés et emprisonnés pour trafic de drogue alors qu'ils sont victimes du travail forcé. » Les séquestrés seraient souvent victimes de la « servitude pour dettes » : ils travaillent sans salaire pour rembourser un emprunt - une pratique assimilée à de l'esclavage par les Nations unies.

Manchester, Cardiff, Birmingham, Gillingham, Buxton... en moyenne, la police démantèle trois « usines à cannabis » par jour. À Londres, 1 500 sites ont été fermés en deux ans. Les images des raids sont toujours les mêmes : des fenêtres occultées, des centaines de plants entreposés dans les chambres et le salon, des ampoules chauffantes pour faciliter la croissance, une ventilation de fortune, une baignoire remplie d'engrais... « Scotland Yard a découvert des enfants vivant au milieu d'installations électriques instables dans des placards ou des greniers, pour maximiser la place dédiée aux plants », note l'organisation Drugscope. En juin, le ministère de l'Intérieur s'est inquiété de ce trafic en pleine expansion dont on sait encore peu de chose. Partis du nord du Vietnam, les futurs serfs traverseraient la frontière chinoise, puis gagneraient Pékin où ils seraient acheminés jusqu'aux portes de l'Europe via le Transsibérien.

Vendus aux enchères

Achetés 15 ou 20 euros, ils seraient vendus, parfois aux enchères, pour plusieurs milliers d'euros. Membre de l'organisme Stop the Traffic, Peter Stanley évoque un commerce à la demande : « En Asie du Sud-Est, les villages sont ciblés. Les criminels savent que le Vietnam est spécialisé dans la main-d'oeuvre pour usines à cannabis. »

Pour la police britannique, l'explosion de la production de chanvre a suivi le déclassement du stupéfiant, en 2004. Production, possession ou vente restent illégales, mais les peines encourues sont désormais moindres. Résultat, le cannabis « est devenu la cash machine du crime organisé », selon un commissaire. Lorsqu'elles sont équipées en matériels hydroponiques, les « fermes » de trois chambres procurent un profit annuel de 450 000 euros. Les gangs vietnamiens ont été les premiers à s'engouffrer dans la brèche. Une vraie offensive ! Le directeur de l'Agence écossaise contre le crime et la drogue a récemment déclaré avoir « fermé 60 usines à cannabis en 2006 alors qu'il n'y avait pas de production de masse en Écosse en 2005 ». Selon les experts, 11 % du haschisch fumé en Grande-Bretagne était cultivé sur place voilà dix ans. Aujourd'hui, la proportion est passée à 60 %. Grâce aux enfants esclaves.

Par Rémi Godeau - Le Figaro - 28 septembre 2007