Fête nationale : la France, un bailleur de fonds de premier rang
À l'occasion de la Fête nationale française (14 juillet), Jean-François Blarel, ambassadeur de France à Hanoi, a accordé au Courrier du Vietnam une interview mettant en relief la coopération fructueuse franco-vietnamienne sur plusieurs terrains.
Pourriez-vous brosser un bilan de la coopération franco-vietnamienne ces dernières années. Certains estiment que cette coopération ne correspond pas aux potentiels de nos 2 pays. Qu'en pensez-vous ?
La France est un des premiers investisseurs occidentaux du Vietnam avec un stock d'investissements qui dépasse légèrement 2,4 milliards de dollars. Les entreprises françaises ont été parmi les toutes premières à réinvestir au Vietnam à la suite de la politique de renouveau à la fin des années 1980. Depuis lors, comme cela a été souligné avec force à l'occasion du dernier déplacement au Vietnam d'une délégation du comité Vietnam du Medef (Mouvement des entreprises de France), les entreprises françaises sont prêtes à accompagner le développement du Vietnam dans de nombreux secteurs industriels et services. Je note avec intérêt que de nouveaux investisseurs s'intéressent au marché vietnamien (L'Oréal, Renault) et que d'autres l'abordent avec des perspectives renouvelées par rapport à leurs premiers investissements (Orange France Telecom). Je tiens aussi à souligner la novation que représente le Haut conseil pour le développement de la coopération économique entre la France et le Vietnam (HCDCE) qui a été inauguré en octobre 2006 et dont les travaux, ont déjà abouti à un accord bilatéral dans le domaine de l'eau.
Naturellement, nous pouvons toujours faire mieux en matière de commerce et d'investissement. Et vous, et nous. C'est un travail collectif qui implique acteurs publics et privés dans un esprit partenarial. J'observe toutefois que les exportations vietnamiennes à destination de la France ont crû de plus de 22% en 2006. Le Vietnam possède de nombreux atouts et peut encore améliorer ses performances. Je souhaite, à ce sujet, attirer votre attention sur le programme de renforcement des capacités commerciales du Vietnam, mis en place conjointement par la Mission économique et l'Agence française de développement au Vietnam. Ce programme aide le Vietnam à mieux s'insérer dans le commerce mondial. Dans ce cadre, nous avons entrepris de nombreuses actions visant, par exemple, à mettre en place une filière de production et d'exportation de fruits et légume de la province du Lâm Dông (Tây Nguyên-haut plateau du Centre), à développer l'éco-tourisme dans la province de Lào Cai, ou de former les futurs conseillers commerciaux des ambassades vietnamiennes à l'étranger.
De plus en plus nombreux sont les hommes d'affaires français qui se rendent au Vietnam. Comment trouvez-vous l'environnement d'investissement et les progrès dans ce domaine chez nous ?
J'ai noté une nette amélioration de l'environnement des affaires et de l'investissement au Vietnam suite à l'adoption des lois sur les entreprises et sur l'investissement. En particulier, la décentralisation des autorisations d'investissement devrait alléger le processus décisionnel. Toutefois, à mon sens, il convient de continuer les efforts dans le sens d'une plus grande rapidité des décisions et, pour ce faire, d'une meilleure coordination interministérielle. J'espère également que le Vietnam continuera son élan d'ouverture, consécutif à l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce, et qu'il fournira ainsi à nos entreprise l'occasion de montrer leur engagement total au service du développement de votre pays.
La France étant un des principaux donateurs d'aide publique pour le développement (APD) au Vietnam, pourriez-vous évaluer leur utilisation ? Pourriez-vous nous faire part des domaines et projets prioritaires de l'APD française dans les temps à venir ?
En matière d'aide au développement, le Vietnam a toujours constitué une priorité pour le gouver- nement français. Je tiens à vous rappeler, à ce sujet, que la France est le second bailleur de fonds bilatéral du Vietnam et que nous mettons à disposition de votre pays toute notre palette d'instruments d'aide, qu'il s'agisse de prêts bonifiés, de dons ou d'assistance technique. La coopération française est par ailleurs caractérisée par une coopération non gouvernementale très dynamique depuis le début des années quatre-vingt-dix. Le Vietnam est le deuxième bénéficiaire de l'APD des collectivités territoriales françaises. Au cours des 15 dernières années, cette coopération s'est développée et s'est multipliée. L'ambassade de France recense la présence de 777 projets achevés et en cours, impliquant 464 partenaires français et 208 partenaires vietnamiens, et répartis dans 62 des 64 provinces actuelles du Vietnam. La France est un fervent promoteur de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide et nous sommes fiers que le Vietnam soit un des tout premiers pays à l'avoir décliné localement ("Hanoi core statement"). C'est dans cet esprit que nous avons souhaité signer un document fondateur pour notre coopération bilatérale : le document cadre de partenariat.
Cependant, comme de nombreux autres bailleurs du Vietnam, nous regrettons le faible taux de déboursement de notre aide. Les décaissements atteignent un taux d'environ 69,1% pour la période 2000-2005, ils chutent à 34% en 2006. Ceci est dû, en partie, à la chaîne de décision entre le bénéficiaire final et le décisionnaire final. Cela peut être dû également à des difficultés de communication entre le bailleur et le récipiendaire. C'est pour remédier à cette situation que nous avons décidé d'organiser des rencontres régulières entre les différents acteurs de la coopération française au Vietnam (Service de coopération et d'action culturelle, Mission économique et Agence française de développement) et le ministère du Plan et de l'Investissement, afin d'aplanir les difficultés qui pourraient se faire jour.
La France a signé en septembre 2006 un document cadre de partenariat (DCP) 2006-2010. Le DCP s'organise autour de 2 grands axes : les secteurs de concentration liés aux Objectifs de Développement du Millénaire (ODM) qui regroupent l'appui au secteur productif, les infrastructures, l'agriculture et le développement rural et la lutte contre le HIV/sida ; les priorités transversales regroupent la promotion de la diversité culturelle et de la Francophonie, l'enseignement supérieur et la recherche scientifique, l'appui à la bonne gouvernance et l'État de droit et l'appui à la coopération décentralisée et non-gouvernementale.
Dans ce nouveau cadre, l'APD française sera conduite en liaison étroite avec les autres bailleurs dans un souci d'harmonisation et d'efficacité de l'aide. Cette volonté est concrétisée par la participation de la France notamment au PGAE (Partnership group for aid effectiveness), à la concertation européenne sous la conduite de la présidence de l'Union européenne (présidence française en 2008 que nous espérons fructueuse, avec l'aide de tous les autres États membres), au travail d'harmonisation du groupe des 5 banques de développement, et aux principales instances de dialogue tels que les PRSC (Poverty reduction support credit), la réforme des finances publiques vietnamiennes ou la réforme du système opérationnel des Nations unies.
Les engagements d'aide pour 2007 annoncés lors de la conférence annuelle des bailleurs de décembre 2006 sont totalement conformes à ceux pris dans le cadre du document. 2007 est l'année où le DCP est réellement mis en oeuvre. Les nouveaux projets déjà en cours de définition, sont soit en poursuite logique et cohérente des actions de coopération en cours, soit dans un effort de reconcentration ou de restructuration des axes prioritaires pour tenir compte de l'évolution et de la croissance du Vietnam.
Par L.B.Hà - Le Courrier du Vietnam - 13 juillet 2007
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