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L'agent orange poursuit ses ravages au Vietnam

DANANG - Plus de 30 ans après la fin de la guerre du Vietnam, l'agent orange déversé par les Américains sur certaines zones du pays, au prix d'effets dévastateurs, revient sur le devant de la scène, une étude scientifique ayant décelé des niveaux très élevés de dioxine près d'une ancienne base américaine à Danang (centre-ouest).

"Je n'avais jamais vu un niveau aussi élevé", explique Thomas Boivin, le scientifique qui a réalisé les tests au printemps. "Si ce site se trouvait aux Etats-Unis ou au Canada, il faudrait mener des recherches approfondies et un nettoyage immédiat." Des tests effectués dans la terre par Hatfield Consultants, sa société canadienne, ont mis au jour des niveaux de dioxine, le composé chimique le plus toxique de l'agent orange, 300 ou 400 fois plus élevés que les normes acceptées au niveau international. Cette étude n'a pas encore été publiée, mais Thomas Boivin et les autorités vietnamiennes en ont résumé les grandes lignes à l'Associated Press.

De précédents tests effectués par Hatfield, qui travaille au Vietnam depuis 1994, ont montré que les niveaux de dioxine n'étaient pas dangereux dans la majeure partie du pays. Mais jusqu'à cette étude réalisée dans l'ancienne base aérienne de Danang, la firme n'avait pas accès à une demi-douzaine de "points chauds" où était stocké de l'agent orange, défoliant destiné notamment à faire tomber les feuilles des arbres pour empêcher les rebelles de se cacher et les priver de nourriture. Cet herbicide était largué depuis des avions. Cette étude est le résultat d'une nouvelle politique de coopération entre Washington et Hanoï, après des années de différends, visant à résoudre le contentieux de la guerre qui a pris fin en 1975.

Lors d'une visite au Vietnam, l'automne dernier, le président George W. Bush et son homologue vietnamien Nguyen Minh Triet ont accepté de coopérer pour résoudre les problèmes de contamination liés aux anciens sites de stockage de l'agent orange. Ils devraient à nouveau en parler la semaine prochaine à Washington. La dioxine ne constitue pas un danger immédiat pour la grande majorité des quelque un million d'habitants de Danang, ni pour le terminal de l'aéroport international, proche de la base et très fréquenté par les touristes qui se rendent aux plages. Des tests sanguins ont cependant permis de déceler des niveaux de dioxine élevés chez plusieurs dizaines de personnes qui pêchaient régulièrement ou récoltaient des fleurs de lotus dans un lac contaminé se trouvant sur le site. Les tests ont aussi confirmé que les pluies avaient déversé de la dioxine dans les égouts de la ville et dans des régions voisines où résident plus de 100.000 personnes, selon M. Boivin.

Les efforts engagés pour nettoyer ce site interviennent trop tard pour certains. Nguyen Van Dung, 38 ans, et sa famille vivent près de la base aérienne depuis 1990. A une époque, Dung ramenait du poisson qu'il pêchait dans le lac contaminé. Aujourd'hui, sa fille de sept ans souffre de graves problèmes de santé. Elle ne peut pas marcher. "S'ils avaient agi plus tôt, nous n'aurions pas été exposés", déplore la mère de la fillette, Luu Thi Thu. "Je suis en colère, mais je ne sais pas quoi faire. Je vais à la pagode deux fois par mois pour prier afin que ma fille aille mieux." Mais les médecins ne pensent pas que son état s'améliorera. Les autorités vietnamiennes estiment que trois des 84 millions d'habitants du pays souffrent de malformations congénitales ou d'autres problèmes de santé liés à la dioxine, qui perturbe les fonctions hormonales. Pour les Etats-Unis, en revanche, le total serait beaucoup moins élevé et il faudrait d'autres études pour prouver l'existence d'un lien avec l'agent orange.

Par Ben Stocking - The Associated Press - 15 juin 2007