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Quand Intel préfère le Vietnam à l'Inde

Des salaires moindres qu'en Chine. Un réseau électrique potable. De l'aide de l'État dans des secteurs jugés stratégiques. Et voilà que le Vietnam apparaît sur l'écran radar des grands investisseurs. Ceux du secteur de la chaussure et du textile et, plus surprenant, ceux des télécoms aussi.

Tout le monde connaît la réputation de Bangalore, en Inde, quand on parle des technologies de l'information. La surprise a donc été grande quand le géant Intel lui a préféré la ville d'Ho Chi Minh pour y construire une nouvelle usine d'un milliard US. En fait, lors de l'annonce, Intel parlait plutôt d'une usine de 315 millions US. Mais après avoir analysé la taille des usines de ses concurrents, Intel a décidé de tripler son investissement et de construire une méga-usine. Toujours au Vietnam. «Ça en dit beaucoup sur notre engagement au Vietnam, sur la stabilité du pays», commence par expliquer Rick Howarth, le grand patron d'Intel au Vietnam.

Mais la stabilité n'est pas la seule raison qui a poussé le géant de la puce électronique à poser ses pénates dans ce pays de 85 millions d'habitants. «Par rapport à l'Inde, la qualité des infrastructures est de loin supérieure ici.» Il faut dire qu'Intel a des besoins relativement limités. Un port simplement pour recevoir son équipement. De l'électricité que lui fournira un «réseau national qui est très bon». Et une autoroute qualifiée de correcte. Et puis, l'aéroport n'est pas loin de l'usine. Intel pourra donc y expédier ses 780 millions de puces par année, ce qui constitue de loin la plus grande production de toutes ses usines.

Enfin, il y a l'aide de l'État. «Le Vietnam a été beaucoup plus agressif», dit d'abord M. Howart, avant de se corriger. «Je ne devrais pas dire beaucoup plus agressif. Je devrais dire plus agressif que l'Inde.» Pour l'instant, ça prend beaucoup d'imagination pour croire qu'il y aura une usine grande comme neuf terrains de football dans le Parc de haute technologie de Saigon (l'ancien nom de Ho Chi Minh). Le parc a encore l'allure d'un grand champ où des travailleurs de la construction ont installé leur cabane de bois et de branchage. Dans deux ans, 4000 travailleurs bosseront ici. Le salaire d'un employé d'usine? Entre 100 et 110 $ US par mois pour des semaines équivalant à 40 heures. Ça aussi, c'est un autre avantage du Vietnam. «C'est un fait connu que le Vietnam est moins cher que les Philippines, la Chine ou d'autres pays où nous avons des usines. On va donc certainement prendre avantage de ça», explique M. Howarth, précisant qu'il offrira à ses employés plus que le salaire minimum.

Attirer Intel au Vietnam a constitué un grand coup pour le gouvernement vietnamien. Un grand coup de gong qui a réveillé d'autres joueurs du secteur, qui songent à leur tour à venir s'y installer. «Je parle probablement à un directeur général par semaine qui pense au Vietnam, confie M. Howarth. Regarde le Who's Who de l'industrie, ils songent tous à venir s'installer d'une façon ou d'une autre.» L'arrivée de grands joueurs comme Intel a fait saliver plus d'un fournisseur potentiel. Il y a bien sûr le secteur de la construction, mais aussi des compagnies comme la canadienne Nortel, présente au pays depuis 1993. «L'ouverture du pays aux investissements étrangers, particulièrement depuis l'accession à l'OMC, nous offre plus d'opportunités. Alors, des compagnies comme Intel qui viennent s'installer ici ont besoin de systèmes téléphoniques», explique le vice-président aux ventes pour le Sud-Est asiatique et le Pakistan chez Nortel, James Demers, originaire de Québec et qui vit en Asie depuis sept ans. «L'ouverture du secteur financier offre aussi de très grandes possibilités pour nous.»

Une loi 101 vietnamienne

Si Intel apprécie la stabilité politique du pays, il en va autrement de la stabilité... juridique. «C'est probablement notre plus grand défi: apprendre les lois et décrets qui changent constamment ici au Vietnam», explique le grand patron d'Intel au Vietnam. «Parfois, ils vont émettre un décret et ce n'est pas clair du tout ce qu'ils veulent dire.» Intel n'est pas la seule à se plaindre du côté ambigu du système juridique. «Ils essaient de l'améliorer, affirme le directeur général de Manuvie au Vietnam, David Tai Wai Wong. Ce n'est pas encore parfait.»

Le Canada vient d'ailleurs en aide au Vietnam pour tenter d'y mettre un peu d'ordre. «Il y a une question de cohérence, mais aussi de transparence, c'est-à-dire: Qu'est-ce que vous voulez dire (par tel ou tel décret) et l'avez-vous dit quelque part qui est aisément accessible?», explique André Gariépy du Projet d'assistance de réforme juridique, financé par l'Agence canadienne de développement international*. Parfois, même si les lois sont claires, obtenir toutes les autorisations gouvernementales prend du temps. Parlez-en à David Wong, de Manuvie, qui attend encore l'accord des autorités avant d'installer la pancarte avec le nom de la compagnie d'assurances, deux mois après être déménagé dans un nouvel édifice. «Parfois, il faut mettre du vietnamien sur la pancarte, parfois on n'en a pas besoin.» Donc, le Vietnam a aussi sa loi 101? s'enquiert le journaliste. L'ancien Torontois rit: «Je ne connais pas le numéro exact de la loi...» * On devrait plutôt écrire le Legal Reform Assistance Project. Il n'y a pas de traduction française ni sur les cartes d'affaires ni sur l'affiche à l'entrée.

Par Stéphane Paquet - La Presse - 24 septembre 2007