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"Mon frère se marie" : histoires de famille helvéto-vietnamiennes

L'argument aurait pu servir à une comédie hollywoodienne. Vingt ans après avoir été adopté par une famille aisée, Vinh, qui avait fui le Vietnam en bateau, va se marier. Il a invité sa mère biologique à faire le voyage jusqu'en Suisse. Mais il a caché à la vieille dame, catholique pratiquante, que sa famille adoptive s'est depuis longtemps désintégrée et il entreprend de convaincre ses parents, son frère et sa soeur, de jouer la comédie de l'harmonie familiale, le temps de la visite maternelle.

Jean-Stéphane Bron était jusqu'ici documentariste, et il explore les possibilités de sa fiction avec un mélange d'inventivité et de timidité assez attachant. L'inventivité se trouve dans la finesse avec laquelle le cinéaste peint les rapports dégradés qui unissent les personnages, dans le dosage exact entre dit et non-dit.

Au centre de ce tableau fragmenté, Aurore Clément (la mère) et Jean-Luc Bideau (le père) impressionnent par leur force comique (elle ultra-coincée malgré sa quête de l'illumination intérieure, lui capable de jolis pas de danse malgré ses sabots de gros beauf) et leur capacité à émouvoir. Autour d'eux, les enfants et la belle-famille se cherchent et s'évitent, la mise en scène utilise habilement les malentendus et les éclairs de compréhension informulés que suscite la barrière des langues et des cultures.

Le potentiel burlesque du scénario est abordé avec un manque d'assurance qui tient sans doute à l'inexpérience du cinéaste. Mon frère se marie peut se prévaloir de quelques trouvailles brillantes, comme le gag récurrent de la table familiale bricolée pour l'occasion qui ne cesse de vaciller au fil des repas-représentations organisés par les Helvètes au bénéfice de leurs hôtes vietnamiens. Mais il arrive aussi que le film recoure à des béquilles convenues. La longue séquence du repas de mariage, commencée comme une comédie musicale, s'achève en un psychodrame comme le cinéma francophone européen nous en a servi beaucoup.

Mais ces sautes de ton, ces maladresses dans la construction n'empêchent pas Mon frère... de parvenir à ses fins. Cela tient à la grâce de la mise en scène qui tire un parti élégant des lieux (la villa au bord du lac, une excursion au sommet du Matterhorn) et surtout des comédiens. Des plus vigoureux (Bideau) aux plus discrets (Man Thu, qui incarne la mère vietnamienne), ils trouvent tous l'espace qu'il faut pour être à la fois drôles et vrais.

Par Thomas Sotinel - Le Monde - 30 Janvier 2007

Film suisse de Jean-Stéphane Bron avec Aurore Clément, Jean-Luc Bideau, Cyril Troley, Man Thu. (1 h 35.)