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Le "tigre" a grandi

Annoncé depuis dix ans comme le nouveau "tigre" d'Asie, le Vietnam a été admis à l'Organisation mondiale du commerce le 7 novembre dernier. Et Hanoï fête ce succès en accueillant à partir de ce vendredi le sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC).

"Le Vietnam a le sentiment d'être sur le point de vivre quelque chose d'exceptionnel. Nouveau membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Hanoï semble prendre le chemin suivi par Pékin avant lui. Mais, au-delà des baguettes et d'une croissance économique à toute vapeur, à quel point la comparaison est-elle juste ?" s'interroge The Wall Street Journal.

"Comme Pékin, Hanoï s'est maintenant résolument tourné vers le capitalisme. Cela rend la croissance économique plus stable que lors de la frénésie économique des années 1990. Le Parti communiste vietnamien a mis un peu plus de temps que la Chine à prendre le train de la modernisation, mais maintenant il est lancé à toute vitesse. L'investissement étranger atteint les 6,5 milliards de dollars et l'économie a connu une croissance de 8,1 % l'année dernière, juste derrière la Chine en Asie", explique le quotidien économique américain.

Pour couronner cette économie florissante, le Vietnam a été admis au sein de l'organisation mondiale du commerce "après onze ans d'attente et plus de 300 nouvelles lois", précise le WSJ. "Le Vietnam est pourtant loin d'être un Etat modèle. Comme la Chine, il est habitué aux violations des droits de l'homme, à la corruption et aux industries financées par l'Etat. Mais sa croissance économique est réelle et la tendance est à plus d'ouverture des marchés." En débarquant à Hanoï vendredi pour le sommet de l'APEC [le forum Asie-Pacifique qui réunit 21 pays dont les Etats-Unis, la Chine et la Russie], le président Bush ferait bien d'avoir le protocole de normalisation des relations commerciales dans les mains, et il vaudrait mieux qu'il n'y ait pas ajouté de normes protectionnistes", affirme le quotidien américain.

Malgré cette recommandation, le numéro un américain arrivera demain les mains vides à Hanoï. "Contre toute attente, la Chambre des représentants a rejeté le protocole, dont le vote aurait pourtant permis une normalisation rapide des relations commerciales entre les deux ennemis d'hier", déplore The Wall Street Journal. Du coup, le Vietnam va devoir attendre pour la signature de cet accord, dont l'objectif est de faciliter le commerce entre les deux nations au-delà même du cadre de l'OMC. L'adoption reste toutefois possible, mais dans une procédure normale qui promet d'être longue, compte tenu des équilibres de la politique intérieure américaine.

Si cet échec est durement ressenti à Hanoï, "avoir rejoint l'OMC après onze ans de dures négociations est une grande avancée pour le Vietnam", estime The Guardian. "Même si aujourd'hui les conditions d'entrée sont bien plus difficiles à remplir qu'au moment de la fondation de l'organisation en 1994 et que le Vietnam entre en tant que membre 'ne possédant pas une économie de marché' – et ce durant a priori douze ans –", appartenir à l'OMC reste une bonne opération pour le pays, juge le Financial Times.

"Les exportations vietnamiennes seront moins sujettes aux quotas de la part de l'Union européenne et des Etats-Unis. Le Vietnam devrait en effet être attentif à ne pas provoquer de réactions protectionnistes en attaquant ces marchés de manière trop agressive. Et Hanoï prendra des précautions particulières avec les Etats-Unis, car il espère malgré tout à terme conclure son accord bilatéral avec Washington. Premier signe que l'adhésion à l'OMC porte ses fruits, "Intel a annoncé qu'il allait augmenter ses investissements et mettre 1 milliard de dollars dans une usine d'assemblage de microprocesseurs", note Time Asia.

Pour autant, le rouge communiste est encore bien vif dans l'ancienne Indochine, et tout n'est pas si rose au pays du président Nguyen Minh Triet. Le Financial Times conte ainsi la mésaventure de la banque néerlandaise ANB Amro, à qui Hanoï réclame 5,4 millions de dollars pour une opération financière bien menée, mais dont le perdant est une banque d'Etat vietnamienne, Incombank. "Or, faire perdre de l'argent à l'Etat est un crime au Vietnam, donc le gouvernement menace ANB Amro d'une procédure en justice là où la banque néerlandaise proteste de sa bonne foi et explique n'avoir rien fait d'illégal mais simplement profité d'une occasion économique".

Un exemple de l'important travail qu'il reste à accomplir pour que le Vietnam se mette aux normes internationales. Pour Time Asia, "le plus gros défi que ce pays doit relever est d'abandonner sa culture de la corruption, du secret et l'ingérence de l'Etat. Certes, le train de lois facilitant le commerce et l'économie est passé, mais il y a encore bien du travail pour habituer les cohortes de fonctionnaires locaux à respecter ces règles." En réalité, reprend le magazine, "dans ce pays, l'information est une notion clef tant les choses sont changeantes. Ce qui est vrai en janvier peut ne plus l'être en décembre."

Par Hamdam Mostafavi et Eric Glover - Courrier International - 16 Novembre 2006