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La Bourse, nouveau terrain de jeu des Vietnamiens

HO CHI MINH-VILLE - La Bourse, "ça descend quand on vend beaucoup, ça monte quand on achète", résume Nguyen Quoc Truong, petit restaurateur de 49 ans, en fixant les tableaux du marché des valeurs de Ho Chi Minh-Ville (sud). Manifestement, il n'en sait guère plus.

Avec sa casquette blanche, une imitation de marque américaine, et ses sandales en simili-cuir, Truong n'a pas franchement l'air d'un golden boy. Mais il a investi depuis quelques mois près de 300 dollars à la bourse de l'ex-Saïgon. "Avec un billet de loterie, on a moins de chance de gagner", résume-t-il devant les tableaux de la Saigon Securities Inc, une société de courtage. "Je choisis la compagnie qui a le plus gros capital, c'est plus sûr", dit-il.

En 2000, l'ouverture de la première Bourse du pays communiste avait résoné comme un symbole clinquant de sa transition vers l'économie de marché. Longtemps, le marché a végété. Mais la croissance du pays dépasse désormais les 8% annuels et la bourse, ces derniers mois, a explosé: la valeur des titres est passée de 250 millions de dollars l'an passé à presque 2 milliards aujourd'hui. En janvier, la banque d'affaires Merrill Lynch (NYSE: MER - actualité) a publié un rapport dithyrambique, louant un pays où la "richesse se créé à vitesse grand V".

"L'argent s'ennuie au Vietnam. Avant, au café, on parlait immobilier. Maintenant on parle Bourse", explique Doan Viet Dai Tu, du cabinet de consultant et d'investissement Open Asia. Sauf que cette explosion est trop immature pour inspirer une vraie confiance.

Plus de 90% des acteurs sont de petits investisseurs sans expérience, qui tentent la chance à la bourse quand d'autres parient sur le football, jouent aux cartes sur le trottoir ou s'adonnent au populaire "so de", un pari sur les deux derniers numéros de la loterie d'Etat. La transparence des comptes et des opérations est encore loin des standards internationaux. Qu'importe, elle est remplacée par les articles de presse approximatifs et le bouche-à-oreille.

"Je joue pour pouvoir investir dans les études de mes enfants", explique Hoa, une comptable de 45 ans, mère de trois enfants. "Je regarde sur internet et je tiens compte des informations recueillies par mes amis". "Les petits investisseurs ne comprennent pas vraiment le système", avoue Kevin Snowball, du fond d'investissement PXP Vietnam Asset Management. "Le niveau de sophistication est ridiculeusement bas. C'est de la confiance aveugle dans ce que racontent les autres investisseurs".

Ces dernières semaines, le gouvernement vietnamien a tenté de calmer la fièvre, en demandant aux banques de ne plus prêter d'argent pour les achats de titres, de crainte qu'une chute brutale ne produise de l'insolvabilité en chaîne. Certains experts racontent que l'arrivée de trois étrangers en même temps dans la salle des marchés peut provoquer une hausse des cours. Des "joueurs" dépensent leurs gains avant même de se retirer, comme si la machine ne pouvait être orientée qu'à la hausse.

Mais une réalité moins rose commence à émerger. La semaine dernière, les titres ont tous évolué à la baisse. "Il n'y a pas trop de danger tant que ça monte. Mais on commence à constater un peu de volatilité", relève Kevin Snowball. A terme, les experts attendent que la Bourse s'étoffe, en espérant notamment l'arrivée de groupes étrangers, des opérateurs locaux de téléphonie mobile, de sociétés-phares comme Vietnam Airlines.

Reste l'inexpérience. Les investisseurs institutionnels vietnamiens et les étrangers maîtrisent le processus, mais les petits porteurs vont devoir apprendre la complexité du système. "Certains vont souffrir parce qu'il y a trop d'excitation", estime Doan Viet Dai Tu. "La maturité prendra quelques années".

Agence France Presse - 29 Mai 2006