~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
Le portail de l'actualité vietnamienne

Année :      [2006]      [2005]      [2004]      [2003]      [2002]      [2001]      [2000]      [1999]      [1998]      [1997]

Le Vietnam tend les bras au capitalisme américain

Les deux élégantes et leurs deux compagnons dînent à une terrasse sous l'oeil d'un dense dispositif policier, non loin de l'hôtel où dort George Bush, arrivé à Hanoï vendredi 17 novembre. Le meilleur président des Etats-Unis, pour le Vietnam, depuis la fin de la guerre en 1975 ? La réponse fuse, unanime, couvrant presque la voix de Madonna dans la sono : "Clinton ! Un président américain ici, c'est bien. Mais Bill Clinton a fait le premier geste" en venant en 2000. Les Hanoïens lui avaient fait un triomphe. Le cordonnier d'à côté, ancien combattant, n'est pas de cet avis : "Avec Bush et les hommes d'affaires qui vont venir, il y aura peut-être plus d'argent pour nous."

Face à l'historique Tour du drapeau, le grand Lénine en pied contemple un parterre de fleurs proclamant "Bienvenue à APEC-Vietnam 2006", autrement dit "Bienvenue au capitalisme" américain. C'est sous des portraits de Ho Chi Minh que le président Bush, en arrivant au Vietnam pour une visite de trois jours, a successivement serré les mains de son homologue Nguyen Minh Triet, du premier ministre Nguyen Tan Dung et du secrétaire général du Parti communiste, Nong Duc Manh, ce dernier à son quartier général. Avant de rencontrer, durant le week-end, ses interlocuteurs chinois, japonais, russe et sud-coréen au sein du forum annuel de Coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Devant tant d'images à valeur symbolique, rien d'étonnant que la guerre du Vietnam - "la guerre américaine", dit-on au Vietnam - et celle d'Irak soient sur toutes les lèvres, même si cela agace côté vietnamien, où l'on veut parler d'avenir.

Durant ses premières heures à Hanoï, M. Bush a peiné à s'écarter du sujet. La leçon de la première guerre perdue par les Etats-Unis et de l'émergence du Vietnam comme une des économies à la croissance la plus rapide du monde est qu'"on a tendance à attendre des succès rapides dans le monde alors que la tâche, en Irak, va prendre du temps". "Cela prendra du temps pour l'idéologie de l'espoir, qui est l'idéologie de la liberté, de prendre le dessus sur l'idéologie de la haine." En Irak, "nous réussirons, sauf si nous partons", a-t-il dit au premier ministre australien, John Howard, un proche allié.

Une coopération complète

Peu a été dit en public de l'idée de démocratie appliquée au Vietnam, toujours communiste en politique. Washington considère qu'il ne fait plus "problème" en matière de liberté religieuse. Le chef de la Maison Blanche a surtout insisté sur les promesses offertes par l'entrée du Vietnam à l'Organisation mondiale du commerce, et promis de faire son possible pour faire passer au Congrès américain la loi donnant à Hanoï un statut permanent de nation "normale" dans ses rapports économiques avec l'Amérique, son premier marché.

Le chef du parti vietnamien a exhorté l'Amérique à "mettre le passé de côté et regarder vers le futur" afin de fonder "une coopération complète" - c'est-à-dire l'arrivée espérée de lourds investissements américains en soutien de l'ambition du Vietnam de rejoindre les nations développées en moins d'une génération. Le cas exemplaire cité à Hanoï et dans les milieux d'affaires américains est celui de la société Intel, qui vient de porter à hauteur d'un milliard de dollars son investissement initial dans la construction de ce qui sera sa plus large usine d'assemblage et de test de microprocesseurs dans le monde, près de Ho Chi Minh-Ville. La motivation ? "Une population très vivace, un système éducatif en cours de renforcement, une puissante force de travail, et un gouvernement au regard tourné vers l'avenir", explique la firme californienne.

Par Francis Deron - Le Monde - 18 Novembre 2006