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Un Premier ministre réformiste au Vietnam

Nguyen Tan Dung, nommé pour cinq ans, devrait accélérer les réformes économiques.

BANGKOK - sera-t-il le Gorbatchev vietnamien ? A 56 ans, Nguyen Tan Dung, qui a été choisi par l'Assemblée nationale, pour devenir Premier ministre, est le plus jeune chef de gouvernement depuis la réunification entre le nord et le sud du Vietnam. Ce réformiste, originaire du Sud, prend le deuxième poste le plus influent ­ après celui de secrétaire général du Parti communiste ­ dans ce qui reste l'un des derniers régimes communistes de la planète. Il entame son mandat de cinq ans à un moment où le Vietnam connaît l'une des plus fortes croissances économiques d'Asie et s'ouvre à l'économie mondiale ­ 7,4 % sur les six dernières années, la deuxième d'Asie après la Chine. Une croissance de 8,5 % est prévue en 2006.

Son prédécesseur et mentor, Pham Van Khai, avait quitté la tête du gouvernement lundi, comme convenu lors du dernier Congrès du parti en avril. Cet économiste formé dans l'ex-Union soviétique a présidé, pendant ses dix ans comme Premier ministre, à la transformation de l'économie vietnamienne d'un système perclus par le collectivisme en une économie capitaliste limitée, dynamique mais génératrice de corruption. Cette ouverture, entamée à la fin des années 80, a été couronnée, l'an passé, par le soutien des Etats-Unis, l'ennemi d'hier, pour l'accession du Vietnam à l'Organisation mondiale du commerce.

De l'avis des analystes, Nguyen Tan Dung a les qualités requises pour accélérer ce mouvement. Né à Ca Mau, à l'extrême sud du Vietnam, il a réussi à attirer les investisseurs étrangers dans sa province natale. Militaire, fonctionnaire dans les services de sécurité, chef du parti dans la bouillonnante Saigon, poumon économique du pays, il a ensuite passé huit ans comme vice-Premier ministre en charge de l'économie. Cette expérience lui garantit de solides appuis politiques, qui devraient lui permettre de démanteler les coûteuses entreprises d'Etat, derniers vestiges du socialisme économique.

Par Arnaud Dubus - Liberation - 28 Juin 2006


Vietnam : valse du pouvoir à deux temps

Pour affronter les défis de la mondialisation, le Vietnam propulse deux « réformateurs » à la tête de l’exécutif. Mais le PC vietnamien reste plus que jamais aux commandes.

La décision avait été prise en avril dernier, lors du Xe congrès du Parti communiste vietnamien (PCV). Le pays devait se doter de dirigeants plus modernes, capables de répondre au principal défi que doit affronter le Vietnam : son intégration dans l’économie mondiale. L’Assemblée Nationale vient d’élire un nouveau président, Nguyen Minh Triet, puis a investi Nguyen Tan Dung en tant que Premier ministre. Rappelons que ces deux têtes de l’exécutif ont un pouvoir limité tant par le contrôle constitutionnel exercé par l’AN que par la vigilance « populaire » du parti unique, dont le Secrétaire général est le véritable numéro un du régime.

Le nouveau président, 63 ans, a longtemps milité au PCV, s’occupant notamment des mouvements de la jeunesse dans sa région natale de Binh Duong (sud), avant de gravir les échelons : il entre au comité central en 1991, devient membre du bureau politique et numéro un du Parti à Ho Chi Minh-Ville en 2000. Précédé d’une réputation de réformateur ouvert sur l’étranger, ayant de solides compétences en matière économique, Nguyen Minh Triet a annoncé la couleur en affirmant vouloir imprimer une dynamique présidentielle se démarquant du rôle purement symbolique qu’avait tenu son prédécesseur.

A 56 ans, le chef du gouvernement est le plus jeune à occuper ce poste depuis 1975. Nguyen Tan Dung a fait toute sa carrière dans la police et dans l’armée. Cet homme à poigne fut en charge du dossier le plus sensible pour la stabilité du pays – la marginalisation économique et culturelle des minorités ethniques des hauts plateaux (Sedangs, Jaraïs ou Bahnars) –, n’hésitant pas à recourir à des méthodes arbitraires (torture, violation des libertés fondamentales…). Ayant rapidement grimpé dans la hiérarchie du Parti, il deviendra successivement membre permanent du comité central, puis membre du politburo, avec le titre de directeur de la Commission économique du parti, assurant ensuite, en tant que Vice-Premier ministre, les fonctions de gouverneur de la Banque centrale. Comme le président, il a lui aussi la réputation de vouloir accélérer le processus de réformes. Et les échéances sont à court terme.

En effet, le Vietnam frappe à la porte de l’OMC et espère une intégration d’ici à la fin de l’année. D’où la nomination de ces réformateurs et la création d’un ministère inédit, chargé de lutter contre une corruption endémique qui sévit à tous les échelons administratifs. Autre moment important de l’Agenda politique, le pays accueille en novembre le sommet du Forum de coopération économique Asie-pacifique (Apec).

Le Vietnam semble bien suivre une évolution à la chinoise, en faisant sien le modèle du « communisme de marché ». Le mimétisme est tel qu’à l’image du « Grand frère », les velléités de réformes, principalement dans le domaine économique, sont contrebalancées par l’affirmation des tenants de la ligne dure aux postes clés. Ainsi la reconduction du mandat de l’homme fort du régime, Nong Duc Manh, au secrétariat général du PCV, et l’élection à la tête de l’AN de Nguyen Phu Trong, idéologue très scrupuleux quant à la stricte application de l’orthodoxie marxiste-léniniste.

Par Skander Houidi - Marianne - 28 Juin 2006


Une équipe rajeunie va réformer l'économie sous la houlette du PC vietnamien

Le Vietnam, l'un des derniers pays du monde dirigés par un Parti communiste sur le mode du monopole, a mis en place, mardi 27 juin, une équipe de gouvernement chargée d'affronter les lourds dossiers de sa réintégration sur la scène mondiale. Un nouveau président de l'Etat, un nouveau premier ministre et un nouveau président de l'Assemblée nationale incarnent un changement de génération à volonté réformiste, mais qui demeure coiffé par le Parti. Son secrétaire général, Nong Duc Manh (65 ans), avait été reconduit, en avril, pour un deuxième mandat à connotation conservatrice.

Le rajeunissement le plus marquant concerne le gouvernement, jusqu'alors dirigé par Phan Van Khai, 72 ans : il a été confié à Nguyen Tan Dung, 56 ans, un Sudiste qui passe pour vouloir accélérer les réformes économiques. Ce n'est pas pour autant un tendre, et il a derrière lui une carrière de vingt ans dans l'armée et la police. Son expérience économique remonte au milieu des années 1990, lorsqu'il a occupé pendant près de deux ans le poste de gouverneur de la Banque centrale. Mais il a aussi eu, en 2001, la mission de ramener l'ordre sur les hauts plateaux du centre du Vietnam face à une agitation ethnique et religieuse. Dans son discours d'investiture devant l'Assemblée nationale, il a promis de "développer le pays de façon durable, (de) combattre la corruption, le gaspillage et la bureaucratie".

La présidence de l'Etat sera assurée par Nguyen Minh Triet, 63 ans, qui a été chef du Parti dans les deux pôles du Sud qui ont attiré, au cours des dernières années, les plus gros investissements financiers étrangers, dont Ho Chi Minh-Ville. Il passe pour un technocrate ouvert. La présidence de l'Assemblée nationale a été dévolue à un homme plus orthodoxe, Nguyen Phu Tong, 62 ans.

A la tête du pays qui connaît la plus forte croissance économique d'Asie du Sud-Est (8 % en 2005), mais avec le handicap d'une structure de pouvoir encore fortement communiste, la nouvelle équipe va devoir affronter deux défis majeurs. Il lui faut poursuivre les efforts d'une plus grande ouverture au monde extérieur en finalisant, d'ici à la fin de l'année, l'acte de candidature du Vietnam à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une adhésion qui va soumettre son tissu industriel à une rude concurrence étrangère, notamment chinoise. Parallèlement, elle entend lutter contre la corruption, qui a éclaté au grand jour au plan politique, ces derniers mois, avec un scandale qui a emporté le ministre des transports, Dao Dinh Binh.

Le rôle économique croissant de la diaspora, l'apparition d'une "classe bourgeoise", le poids de la nouvelle jeunesse urbaine symbolisé par le triomphe remporté à l'université de Hanoï par le patron de Microsoft, Bill Gates, en avril, alors qu'était réuni le Xe Congrès du Parti communiste, sont autant de manifestations d'un changement d'époque. L'équipe mise en place va devoir se frotter à ces données dès novembre, quand le Vietnam accueillera le sommet de l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique), le président George Bush en tête : une grande première qu'Hanoï entend réussir.

Par Francis Deron - Le Monde - 28 Juin 2006