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Le Vietnam communiste présente l'économie la plus dynamique d'Asie du Sud-Est

Le Vietnam, dont le régime communiste s'apprête à tenir ses assises politiques comme tous les cinq ans, du 18 au 25 avril, sera le pays d'Asie du Sud-Est connaissant la plus forte croissance en 2006 - c'était déjà le cas en 2005 - et le restera vraisemblablement en 2007. Cette prévision de la Banque asiatique de développement (BAD) est toutefois assortie d'un certain nombre de conditions : celle, notamment, que les autorités de Hanoï continuent d'adopter des mesures - de transparence économique en particulier - compatibles avec leur candidature, en cours de négociation, à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Le décollage économique du Vietnam, en cours depuis six ans, s'est illustré par une croissance de 8,4 % en 2005 (8,1 % selon la BAD) ; il devrait friser 8 % en 2006 et dépasser ce chiffre en 2007. Certaines valeurs vietnamiennes s'arrachent à la Bourse de New York à raison de six fois leur plancher de mise en vente, les exportations sont à la hausse (30 milliards de dollars ou environ 25 milliards d'euros), de même que l'investissement étranger direct. Ceci n'a pas empêché le premier ministre, Phan Van Khai, de lancer un avertissement sévère en 2005 : "La productivité est faible et ne s'accroît que lentement, les investissements sont peu efficaces et les coûts de production et de distribution sont trop élevés."

Un analyste vietnamien écrivant pour un site Internet relevant du ministère du commerce en a rajouté dans une rétrospective sur l'année : "Par rapport aux autres pays de la région, on peut dire que la situation du Vietnam n'a guère progressé. Une compétitivité basse, la corruption et les inadéquations du système juridique n'ont connu, semble-t-il, aucune amélioration", soulignait Phan The Hai (www.ven.org.vn). Toute cette prudence officielle ou officieuse contraste avec un certain engouement occidental récent pour une réémergence soudaine du Vietnam, que ce soit en raison de projets importants de développement dans le domaine énergétique (raffinerie de Dung Quat pour la consommation intérieure, usine hydroélectrique de Son La pour les provinces du Nord) ou pour ses capacités à se glisser à son tour dans des niches économiques internationales déjà explorées par la Chine.

Près de trente agences bancaires étrangères opèrent désormais au Vietnam. Standard Chartered, ANZ Bank et HSBC sont présentes. Il n'était pas question pour elles d'accéder à un quelconque strapontin de l'économie nationale voilà peu. Centrée autour de l'ex-Saïgon (Ho Chi Minh-Ville), dans le Sud, cette poussée de fièvre fait dire, un peu vite, à des responsables vietnamiens tel le vice-premier ministre Vu Khoan que le pays "est en train de muter d'une économie à bas revenu à une économie à revenu moyen".

Pour relativiser, le taux de croissance est estimé à partir d'un point de départ qui, pour une population nationale de 82 millions d'habitants, représente une province chinoise moyenne à un niveau de développement d'il y a environ quinze ou vingt ans. C'était, pour chaque province chinoise, l'âge d'or de la croissance facile. En outre, la mondialisation accélérée depuis lors, impose au régime vietnamien des choix plus drastiques encore qu'à la Chine lors de sa négociation pour entrer à l'OMC, à la fin des années 1990.

La pression des instances économiques internationales, telle la Banque mondiale, est forte pour que Hanoï se présente en bon élève de la nouvelle classe des pays émergents. Début avril, le ministre des transports, Dao Dinh Binh, a démissionné et son vice-ministre Nguyen Viet Tien a été arrêté à la suite de suspicions sur des malversations financières touchant à des opérations d'aide au développement financées par la Banque mondiale - laquelle a dans son portefeuille vietnamien quelque 1 000 projets représentant 80 millions de dollars sur six ans.

A cet aspect des choses s'ajoute le volet des droits de l'homme à quelque six mois d'une visite programmée du président américain George Bush, en novembre. L'administration américaine a publiquement appelé Hanoï à libérer, avant cette visite hautement symbolique, "tous les prisonniers d'opinion" (prudemment, Washington n'a émis qu'une petite liste de 21 personnes...). Problème : pour Hanoï, cette catégorie n'existe pas. L'honneur communiste historique est en jeu, là. La partie de chat et souris est en cours depuis déjà quelques mois, entre élargissements "humanitaires" de détenus et froncements de sourcils gouvernementaux mutuels. Au final, le Vietnam a découvert que son admission au sein de l'OMC serait plus difficile à négocier que prévu même si, officiellement de part et d'autre, on proclame que le processus est "dans sa phase finale".

La Chine avait tremblé à sa façon devant l'effet de déstabilisation politique que l'adhésion risquait de provoquer en bousculant ses marchés intérieurs. A une échelle bien inférieure (quinze fois moins importante en terme de population), l'enjeu est encore bien plus préoccupant pour le Vietnam.

Par Francis Deron - Le Monde - 14 Avril 2006