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Après les années de plomb, les premiers émois du cinéma vietnamien

Regarder un blockbuster américain, une comédie sud-coréenne ou une romance locale, les mains dans le popcorn, est devenu un "must" pour les jeunes citadins vietnamiens. Dans ce pays en pleine croissance, la propagande cède enfin la place à une véritable industrie du divertissement. Depuis trois ans seulement, le Vietnam communiste voit émerger une société de loisirs, portée par une croissance économique au dessus des 8% et une population de 83 millions d'habitants dont les deux-tiers ont moins de trente ans.

"Le cinéma est un loisir dont les jeunes peuvent se vanter auprès de leurs amis, une manière de parader, d'être tendance", explique Phan To Hong Hai, responsable marketing de Thien Ngan-Galaxy. En mai dernier, ce producteur-distributeur a ouvert à Ho Chi Minh-Ville (sud) un complexe de trois salles. Une petite révolution dans ce pays équipé d'à peine soixante écrans et dans lequel l'industrie du cinéma était encore il y a peu entièrement entre les mains de l'Etat.

A la fin de la guerre et après la réunification du pays en 1976, "le cinéma est devenu un art et une industrie entièrement subventionnés et gérés par l'Etat", explique Benjamin Saglio, attaché audiovisuel de l'ambassade de France à Hanoï. Mais dans les années 90 la production s'est essouflée. La faute au manque d'argent et à une conception rétrograde du cinéma. "Les sujets tournaient encore autour de la guerre avec des mises en scène mélo-dramatiques. Les spectateurs ont commencé à se détourner des salles", poursuit-il. En 2002 et 2003, le gouvernement lâche du lest et autorise l'initiative privée dans le secteur. Immédiatemment, de nouveaux acteurs se lancent dans l'aventure. Le Hanoïen BHD, filiale de Vietnam Media Corporation, s'engouffre dans la production et la distribution, tandis que le Sud-Coréen Good Fellas ouvre à Ho Chi Minh-Ville le Diamond Multiplex Cinema (DMC). Rapidement, les salles se remplissent. En 2003, un long métrage vietnamien à petit budget fait même exploser le box-office avec une histoire de prostituées toxicomanes.

"Jusque là, les films célébraient les valeurs morales, principalement rurales. 'Les Cavalières' fut le premier à parler aux jeunes urbains et non à leurs grands-parents", se souvient Michael DiGregorio, de la Fondation Ford au Vietnam. La recette magique est simplissime mais a le mérite de s'adapter aux idéaux de la jeunesse. Le public réclame un héros à son image, qui ambitionne de devenir mannequin ou chanteur, veut s'offrir un scooter ou un 4x4, rêve de voyages et de villa kitsch. Et surtout recherche le grand amour. Quant aux films américains, sud-coréens ou hong-kongais, le public les réclame désormais en version originale sous-titrée. "Pas dans des salles d'Etat où ils sont encore doublés avec une seule voix pour tous les personnages", précise Linh, étudiante en anglais de 24 ans. En dehors même du film, c'est une culture du divertissement qui éclôt. "Les jeunes aiment se retrouver dans ces salles entre amis ou amoureux, achètent du popcorn et se font photographier dans des décors amusants avant le film", ajoute-t-elle.

Pour l'industrie étrangère, le Vietnam ressemble à une future mine d'or. Fin février, Megastar Media, une société mixte entre Phuong Nam Corporation (PNC) et Envoy Media Partners, domicilié dans les Iles Vierges, a dévoilé des objectifs ambitieux. "Nous prévoyons pour 2010 de détenir 30 à 50% de parts de marché avec dix multiplexes, soit 100 écrans, dans les principales villes", assure Phan Thi Le, présidente de PNC. Début mars, Warner Bros International Cinemas s'est associée avec Galaxy. Le géant américain ne révèle aucun détail, mais Paul Miller, son vice-président, en est convaincu: "le Vietnam est un marché émergent palpitant".

Agence France Presse - 1er Mai 2006