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Décès de Pham Xuan An, "l'espion parfait" de la guerre du Vietnam

HANOI - Agent double et journaliste pendant la guerre du Vietnam, espion et stratège, nationaliste mais proche des Américains, le général Pham Xuan An est décédé mercredi, après avoir traversé en acteur de l'ombre les décennies pendant lesquelles le Vietnam a conquis sa liberté. Traître pour les uns, espion parfait pour les autres, ce général à la retraite de l'Armée populaire du Vietnam s'est éteint à l'hôpital militaire 175 de l'ex-Saïgon, devenue Ho Chi Minh-Ville (sud), à l'âge de 79 ans.

Une maladie pulmonaire a eu raison de poumons torturés toute une vie durant part un goût immodéré de la cigarette. Né le 12 septembre 1927 au nord-est de Saïgon dans ce qui était alors la Cochinchine, An s'était enrôlé très tôt dans la résistance derrière Ho Chi Minh, bien plus par nationalisme que par conviction communiste, comme nombre de jeunes militants de l'époque.

En 1957, il avait été envoyé par le régime de Hanoï comme espion aux Etats-Unis, où il avait étudié la politique et travaillé pour un journal local et pour les Nations unies. "Il était devenu un fan de football et il adorait les Etats-Unis", a écrit de lui le journaliste et écrivain américain Stanley Karnow. "Ces années ont été les meilleures de ma vie", lui aurait affirmé An.

En 1959, An était revenu au Vietnam, devenant un agent double infiltré au sein des services de renseignements du président du Sud-Vietnam, Ngo Dinh Diem. "C'était à la fois un espion et un stratège", estime aujourd'hui Jean-Claude Pomonti, ex-correspondant du journal Le Monde pour l'Asie du Sud-Est, qui lui a récemment consacré un ouvrage. "Il avait un tissu de relations fabuleux avec les Américains et une étonnante capacité d'analyse des situations", ajoute-t-il. "Ils ne l'ont jamais pris. C'était l'espion parfait".

An fit aussi une brillante carrière de journaliste, là encore servie par ses contacts, jusqu'à devenir une figure du Saïgon de la guerre où certains l'appelait "Général Givral", du nom du café du centre-ville où il aimait prendre ses rendez-vous. "Leur nourriture est l'information, les documents. Comme les oiseaux, il faut les nourrir pour qu'ils chantent", dit-il plus tard en parlant des journalistes. Il travailla pour l'agence de presse vietnamienne, puis pour l'agence britannique Reuters avant d'être pendant onze ans le correspondant de l'hebdomadaire américain Time.

Jamais ses collègues anglo-américains ne soupçonneront l'agent X 6, son numéro de code. Son secret ne sera révélé qu'en 1978, trois ans après la victoire communiste. Nommé au titre honorifique de Héros des Forces de l'Armée Populaire du Peuple, il avait été aussi envoyé en "cours de rééducation" et interdit de fréquentation des étrangers pendant plusieurs années. A ses derniers jours, il évoquait encore la raison première de son combat, le nationalisme, les lendemains de victoire désenchantés, la rééducation "gentille" imposée par le régime à la fin des années 70 et l'effondrement de la "Patrie du socialisme", l'URSS.

"Toute sa vie, il est resté indépendant d'esprit et d'action", affirme Jean-Claude Pomonti. "Comment les communistes auraient-ils pu contrôler ses contacts avec la CIA, les journalistes, le personnel politique et militaire de Saïgon ? Il était obligé de travailler seul".

Agence France Presse - 20 Septembre 2006