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La peinture vietnamienne étouffée par les copies

HANOI - Pour une toile de maître vendue à Hong Kong ou New York, des flopées de copies sont bradées aux touristes. À l'heure de l'ouverture, la peinture vietnamienne tente de renaître au milieu des plagiats et des productions en chaîne. Les années les plus noires sont derrière. La parole se libère et les artistes commencent à respirer.

Mais à la créativité de quelques jeunes artistes vietnamiens s'opposent les productions de myriades de galeries où des peintres multiplient les répliques de toiles de maîtres. Beaucoup d'artistes eux-mêmes sombrent dans le piège du productivisme, reproduisant jusqu'à la nausée l'idée ou le style qui leur a apporté le succès.

«Nous avons quelques grands artistes qui vendent bien et ne produisent pas trop. Mais beaucoup d’autres, une fois lancés sur le marché, ne font plus que copier leur propre travail. Ils ruinent leur avenir», se lamente Shirley Hui, une des propriétaires de la galerie La Vong à Hong Kong, spécialisée dans l'art vietnamien. L'émergence de la peinture vietnamienne sur le marché international date du début des années 1990, lorsque le réalisme socialiste et la propagande politique relâchèrent peu à peu leur étreinte sur le monde de l'art.

En 1995, une toile de Do Quang Em atteint la somme record de 50 000 dollars à la galerie La Vong. Agé de 64 ans, passé par l'université nationale de Beaux-Arts de Gia Dinh de l'ex-Saïgon, Em est connu pour son photo-réalisme qui rappelle les maîtres hollandais, ses natures mortes et scènes d'intérieur riches de jeux d'ombres et de lumières.

Son explosion représente l'étincelle que les experts attendaient pour faire connaître la peinture vietnamienne, un art «unique (...) qui combine la culture et les traditions locales, l'héritage français et la philosophie chinoise», selon Shirley Hui. À tout point de vue, le Vietnam est alors à la mode. Investisseurs étrangers et touristes commencent à acheter. Le marché s'embrase.

«Des peintres ont commencé à produire à la chaîne pour alimenter la demande et ils gagnaient bien leur vie. L'argument de l'argent pèse parfois plus lourd que le désir de produire une oeuvre originale», constate Suzanne Lecht, directrice d'Art Vietnam, une des grandes galeries de Hanoï. Après l'effondrement des prix en 1998, le marché reprend aujourd'hui un peu de vigueur avec des acquéreurs quasiment tous étrangers. Une toile de taille moyenne signée par un artiste établi peut se vendre de 3000 à 5000 dollars, le double pour une grande.

Mais les prix, relèvent les observateurs, ne pourront s'établir à la hausse durablement sans experts pour authentifier les toiles et faire le tri entre l’œuvre et le plagiat. «Beaucoup de gens ont peur d'acheter sans être sûrs que ce soit un original. Il n'existe aucun organisme gouvernemental capable de délivrer un certificat d'authenticité», souligne Suzanne Lecht.

En attendant une professionnalisation du marché, les experts se consolent avec le bourgeonnement d'une nouvelle vague contemporaine à Hanoï et depuis peu à Ho Chi Minh-Ville. Avec ses silhouettes de jeunes filles en ao dai, la tenue traditionnelle, couvertes de couleurs vives, de graffitis et d'esquisses de soutien-gorge, Hoang Duong Cam évoque le «Vietnam d'aujourd'hui entre tradition et société de consommation». «Un mélange complexe, un peu comme notre fondue nationale», résume l'artiste.

Cette étoile montante originaire de Hanoï, dont les toiles se vendent désormais entre 800 et 3500 dollars, a longtemps payé ses factures avec un emploi de designer. Mais il a su, au moins, garder intact son envie de créer. Aujourd'hui, «je suis enfin artiste à plein temps, se réjouit-il. Mais nombreux sont ceux qui doivent gagner leur vie autrement».

Agence France Presse - 11 Août 2006