~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Le Vietnam jouera des millions

Le Vietnam, une équipe de football de troisième zone qui n'a jamais rien gagné, mais lorsque l'Allemagne donnera vendredi le coup d'envoi de la Coupe du Monde, le pays comptera des milliers de joueurs, pour des millions de dollars. Le Vietnam a deux passions : le football et les paris. Et tous les quatre ans, le pays est plongé dans la même hystérie. «J'adore le foot mais regarder un match sans parier n'a aucun intérêt», estime Nguyen Hai Thang, 39 ans, qui dépense chaque jour l'équivalent de 37 dollars dans le jeu, soit quasiment le salaire quotidien moyen. «C'est passionnant de réfléchir aux chiffres porte-bonheur et d'analyser un match,» dit-il.

Thang, qui possède une boutique de mode à Hanoï, avoue ainsi avoir perdu cinq millions de dongs (300 dollars) le mois dernier lors de la finale de la Ligue des Champions entre Barcelone et Arsenal (2-1). «J'espère gagner beaucoup un jour. Je gagne assez souvent mais je perds bien plus encore». Rien de surprenant au regard du succès que connaissent en permanence les paris sur les cartes, les combats de coqs, de buffles, de poissons ou d'oiseaux, ou encore la «so de», la très populaire et tout aussi fructueuse loterie parallèle qui joue sur les derniers chiffres de la loterie officielle.

Confiance

Mais d'énormes sommes d'argent partent dans le football. Un syndicat de parieurs peut rassembler jusqu'à plusieurs centaines de joueurs qui prennent leurs paris par téléphone. «Les relations entre bookmakers et parieurs sont basées sur la confiance. Je prends des ordres de parieurs que je connais, les autres paient d'avance», explique un bookmaker sous couvert de l'anonymat. Une confiance qui s'appuie cependant aussi sur la coercition. Il est très fortement déconseillé de perdre et de ne pas payer...

Entre janvier et avril, le sommet du pouvoir vietnamien a été secoué par un scandale de corruption et de détournements de fonds. L'affaire avait été révélée par l'arrestation d'un responsable du ministère des Transports, qui avait parié jusqu'à 28,8 milliards de dongs (1,8 millions de dollars) destinés à des projets d'infrastructures. La presse avait affirmé qu'il avait joué 320 000 dollars sur un Manchester United-Arsenal, 268 000 dollars sur un Barcelone-Real Madrid. Le mois dernier, la police de Hanoï a arrêté le chef d'un réseau dont le chiffre d'affaires mensuel avoisinait les 2 millions de dollars, apparemment avec l'intervention de mafias à Hong Kong et Macao.

Légaliser les paris

Mais des coups de filet comme celui-là, la presse en rapporte chaque mois ou presque. Et il est peu de dire que les réseaux de paris clandestins dans la capitale ne sont pas décapités. Car ils sont des dizaines d'autres à prospérer et à faire respecter leurs lois, si nécessaire par la manière forte. Le régime communiste de Hanoï, qui fustige le jeu comme un «fléau social» au même titre que la drogue ou la prostitution, travaille à la création d'un loto sportif officiel.

«Légaliser les paris sur le foot pourrait apporter au gouvernement des centaines de milliards de dongs chaque année,» estime Huynh Vinh Ai, vice-président du Comité national des sports. Mais les amateurs de démesure ne se laisseront pas dompter si facilement. «La situation ne changera pas», assure le bookmaker. «Je sais que j'aurais beaucoup d'appels pour les matchs de la Coupe du Monde. Ça a toujours été le cas depuis plus de dix ans. Légal ou non, les paris sont une seconde nature pour les amateurs de foot ici».

Par Tran Thi Minh Ha - Agence France Presse - 8 Juin 2006