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Le Parti communiste au Vietnam admet être menacé par la corruption

HANOI - La corruption au Vietnam a pris une telle ampleur qu'elle est désormais une menace pour le système politique tout entier, a admis jeudi un haut responsable du Parti communiste vietnamien (PCV), reconnaissant de facto que le sujet planerait sur le congrès de mardi prochain. Phan Dien, membre du tout puissant Bureau politique, a admis que le parti devait être plus déterminé face aux scandales de corruption, détournements de fonds et autres malversations au plus haut-niveau.

«Ce sont toujours des phénomènes très sérieux dans la société et (ils) représentent une inquiétude majeure du parti tout entier et du peuple», a estimé le responsable au cours d'une conférence de presse à Hanoï. «C'est un très grand danger à l'encontre du processus de rénovation (...) et c'est même un danger pour le parti et la survie de notre système politique», a-t-il admis.

Le pays est secoué depuis plusieurs semaines par un scandale dans lequel des responsables du département de gestion de projets n°18 (PMU 18) du ministère des Transports ont détourné des sommes colossales, dont une partie venait de l'aide étrangère. Le ministre des Transports a démissionné et le vice-ministre a été arrêté, ainsi que plusieurs autres responsables dont l'ex-directeur du département. En matière de lutte anti-corruption, «nous n'avons pas effectué de changements radicaux, fondamentaux», a reconnu Phan Dien, 69 ans, très influent secrétaire permanent du Comité central du PCV. «L'une de nos priorités est de savoir comment combattre la corruption et le gâchis de façon plus efficace».

Le 10è congrès se déroulera du 18 au 25 avril et se prononcera sur d'importants changements au sommet de la hiérarchie, en particulier le maintien ou non à son poste du secrétaire général du PCV, Nong Duc Manh. Mais les scénarios échafaudés ces dernières semaines pourraient être bousculés par l'affaire.

Certains journaux ont explicitement évoqué «l'achat» des postes importants et l'enrichissement des familles de haut responsables. Et plusieurs sources vietnamiennes ont affirmé à l'AFP que d'autres têtes tomberaient dans les jours à venir. «L'affaire du PMU 18 soulève de nombreuses questions sur le système politique et son fonctionnement», soulignait mardi dans le quotidien Tuoi Tre l'économiste Le Dang Doanh. «Qui a envoyé ses enfants au PMU 18 ? Combien ont-ils gagné?», insistait-il. Jeudi, le général Vo Nguyen Giap, vainqueur des Français à Dien Bien Phu en 1954 et qui reste la personnalité vivante la plus respectée au Vietnam, a demandé au PCV que l'affaire figure dans l'agenda du congrès. «Il y a cinq ans, le scandale du PMU 18 a été découvert puis dissimulé. Le parti est devenu un bouclier de protection pour les officiels corrompus,» regrette Giap dans sa lettre ouverte.

Le 10e congrès n'est pas le premier affecté par des scandales politico-financiers. Mais aucune des précédentes affaires n'aura été à la fois aussi proche du pouvoir et aussi publiquement suivie par des médias aux ordres. Même si la lutte anti-corruption est aussi utilisée par les factions rivales dans la conquête des postes-clés, même si les journaux étaient autorisés en haut-lieu à couvrir le dossier, «il reste que des gens ont décidé de porter le débat sur la place publique», note un observateur étranger. «Quelles que soient leurs motivations, cela créé un débat», ajoute-t-il. «Cela pourrait être un tournant. Il est difficile de revenir en arrière quand l'opinion public est touchée».

Par Didier Lauras - Agence France Presse - 13 Avril 2006