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Mannequin au Vietnam, une image encore sulfureuse pour un rêve de jeune fille

Il y a quelques années, Hien Nga aidait souvent ses parents à repiquer le riz, pliée en deux dans la boue d’une rizière du delta du Mékong. Aujourd’hui, elle prend soin de sa peau : la fille de paysans vietnamiens est devenue mannequin.

Impossible, en principe, de croire en un tel destin depuis un hameau de la province de Tra Vinh, près de Hô Chi Minh-Ville (Sud), lorsqu’on passe chaque jour du sage uniforme d’écolière au populaire pyjama de coton. Mais à 21 ans, la poupée de 1,72 mètres vit dans le strass et la lumière. Elle tentait de payer ses études avec un emploi de réceptionniste dans l’ex-Saigon, la capitale économique du sud du pays, lorsqu’elle a rencontré Tran Thanh Long, patron de Professional Look (PL), première agence de mannequins de la ville. « Je rêvais de devenir actrice en regardant les films à la télévision, se souvient-elle. J’adore être mannequin et porter des robes en satin. C’est excitant, amusant, il n’y a pas de pression comme dans un emploi ordinaire. » Au village, son destin fait des émules. « Quand je rentre pour le Têt (le nouvel an traditionnel vietnamien), des filles me demandent des conseils pour devenir mannequins à leur tour. » La route est longue mais désormais il est permis de rêver.

Ouverture aux esthétiques occidentales

La société vietnamienne, doublement cadenassée par le communisme et la tradition confucéenne, s’ouvre comme jamais au monde extérieur, à la mode, aux esthétiques occidentales. Et dans l’ex-Saigon, le mannequinat est devenu un vrai métier. « Il y a dix ans, l’industrie de la mode n’existait pas au Vietnam, explique Nguyen Kieu Thu, maquilleuse pour le cinéma et la mode. Les adolescentes rêvaient d’être actrices. Aujourd’hui, elles veulent être mannequins et se disent qu’à partir de 25 ans, elles deviendront comédiennes puis chanteuses. En fait, elles rêvent trois fois plus. »

Mais l’émergence de la profession ne va pas sans heurts. Si se déhancher sur un podium est un idéal d’adolescentes, « les parents sont effrayés car ils imaginent qu’être mannequin consiste à séduire les hommes », explique Anh Thu, 24 ans. Avec ses 49 kilos pour 1,71m, une dentition parfaite et des cheveux lisses qui descendent au creux de son dos, elle est l’une des top modèles les plus connues du pays et pose pour des marques étrangères. Mais ses débuts ont été chaotiques. Il y a six ans, « mon père est venu me chercher avant un défilé pour me ramener immédiatement à la maison », raconte-t-elle. L’image sulfureuse véhiculée sur les mannequins est largement entretenue par la presse vietnamienne, contrôlée par le pouvoir sur le plan politique mais constamment tentée par les dérives sordides des tabloïds. « Dès qu’une fille qui se revendique modèle prend de la drogue ou sort avec un mafieux, les médias en concluent que tous les mannequins font de même », se lamente Long, de chez PL.

La profession cherche encore son équilibre, entre adolescentes en quête de gloire et bourgeoises à la recherche d’aventure. Les débouchés ne sont pas énormes : seules quatre filles ont été repérées par des agences étrangères, qui exigent souvent une taille (1,75m) encore rare au Vietnam. La dizaine de top-modèles du pays gagnent entre 500 à 1 200 dollars par mois, davantage quand elles décrochent un contrat publicitaire. Les débutantes commencent à 180 dollars, dans un pays où le salaire moyen ne dépasse pas le tiers. Le rêve de beauté vaut tous les sacrifices. PL va bientôt assurer des cours du soir dans un institut de formation pour répondre à une demande croissante. Et l’opinion est en train de changer, assure Anh Thu. « Des parents nous contactent pour former leurs enfants. Ceux-ci n’ont parfois que quatre ans. »

L'Orient Le Jour - 2 Novembre 2006