~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Le marché euphorique du robusta alimente les clichés

A la veille de la fête du Têt que l’on célèbre ce week-end au Vietnam, il est de bon ton de parier sur une recrudescence des ventes de café. Avides d’argent frais pour financer leurs agapes, les planteurs céderaient précipitamment leur récolte. Mais cette année ce cliché ne résiste pas à la réalité du marché : ces jours derniers ils n’ont pas vendu ! Car avec des cours qui ont grimpé de 40% depuis le mois d’octobre, les agriculteurs vietnamiens ont déjà suffisamment bien gagné leur vie pour éviter ces ventes hâtives. Mieux encore, peut-on lire dans les dépêches des agences de presse, ils retiendraient leurs fèves en espérant que l’embellie se poursuive dans les semaines qui viennent, d’où les tensions sur le marché de Londres où le cours du robusta flirte avec les 1 300 dollars la tonne. Là encore, c’est un lieu commun vite pulvérisé par un observateur rompu à ce commerce, en l’occurrence Bruno Bouvery, un négociant français à qui on ne la fait pas. Et Bruno d’expliquer que cette pseudo-rétention attribuée aux rusés planteurs masque une autre réalité du commerce du robusta.

Ce marché est trusté par les grandes multinationales qui achètent des mois à l’avance des quantités massives de café pour éviter de manquer. Une pratique commune qui devient très pesante quand la récolte est moindre comme c’est le cas cette année en raison de la sécheresse qui a affecté la campagne. « Il n’y a pas de soucis à se faire, les entrepôts d’Ho Chi Minh sont certainement bien garnis », estime Bruno Bouvery. Le comportement des planteurs n’aurait, de fait, qu’une influence marginale sur la hausse. Dans cette atmosphère euphorique où les producteurs se mettent à rêver d'une hausse perpétuelle des cours, le gouvernement vietnamien faisait savoir il y a quelques jours qu’il entendait constituer un cartel avec l’Indonésie pour conforter ses positions sur le marché. Une idée qui fait mourir de rire Bruno Bouvery : « Ces histoires de cartel, c’est de la masturbation intellectuelle, s’esclaffe t’il. A l’exception du pétrole avec l’Opep, jamais aucune entente entre producteurs n’a fonctionné », fait-il remarquer. Et puis soyons réalistes : « Le Vietnam et l’Indonésie réunis, c’est 15% de l’offre, autant dire des cacahuètes sur le marché mondial. » Il leur est donc matériellement impossible de jouer les premiers rôles. Le cartel salvateur face au marché qui écrase les petits, voilà encore une belle idée toute faite qui va sans doute se volatiliser avec l’année du coq qui s’achève ce week-end !

Par Dominique Baillard - Radio France Internationale - 27 Janvier 2006