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L'étau se desserre pour l'Église du Vietnam

Mgr Nicolas Aubertin, archevêque de Tours, faisait partie de la délégation de la Conférence des évêques de France qui s'est rendue au Vietnam au début du mois de décembre. Il témoigne des transformations du pays

La Croix : Quelles ont été les principales étapes de votre voyage ?

Mgr Aubertin : C’est la Conférence des évêques du Vietnam qui a eu l’initiative de cette visite. Notre petite délégation se composait du cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, et président de la Conférence des évêques de France, de Mgr Stanislas Lalanne, secrétaire général de la conférence, et de moi-même.
Notre programme qui a commencé au nord prévoyait de nous faire visiter les trois archidiocèses du pays : Hanoï au nord, Hué au centre et Hô Chi Minh-Ville (Saïgon) au sud. Partout nous avons été chaleureusement accueillis. Chaque étape comprenait une cérémonie de bienvenue et une célébration festive. Avec des danses, des chants, des fanfares, des costumes, des drapeaux et des banderoles. Souvent en plein air à cause des foules qui partout se pressaient, malgré le temps pluvieux.
Partout aussi nous avons multiplié les rencontres avec les évêques, les prêtres, les séminaristes, et avec les communautés religieuses, très nombreuses au Vietnam. Au cours de notre séjour, nous sommes allés au nord dans les diocèses de Hai Phong, près de la célèbre baie d’Ha Long, et de Thanh Hoa. Puis nous sommes partis pour Da Nang au centre et Kontum dans les montagnes. Nous avons terminé notre parcours par le sud : Saïgon, My Tho et Can Tho.

Quel a été le fil rouge de votre itinéraire ?

– Bien sûr nous souhaitions rencontrer les communautés chrétiennes locales. Mais de toute évidence nos hôtes voulaient aussi nous faire découvrir et visiter les sources de la présence chrétienne dans leur pays. Ainsi à Ba Lang, nous sommes allés sur la plage où le P. Alexandre de Rhodes, jésuite originaire d’Avignon, avait débarqué le 19 mars 1627. À Da Nang, nous avons marché sur les traces des premiers missionnaires.
À Tra Kieu, nous nous sommes recueillis sur le tombeau d’André de Phu Yen et de ses compagnons martyrs. À Saïgon, nous sommes allés au séminaire où sont conservées les cendres des premiers prêtres des Missions étrangères de Paris.
Partout les Vietnamiens ont eu le souci de nous guider sur les traces des premiers témoins de la foi, missionnaires (dont beaucoup étaient français) et martyrs, qui ont bâti les premières fondations de l’Église sur leur terre. C’était à la fois une manière de leur rendre hommage et de remercier l’Église de France.

Avez-vous aussi rencontré les autorités civiles ?

– À chaque étape, il y avait un moment avec des représentants de la municipalité et du Bureau des cultes. Ils nous ont dit leur joie de nous accueillir.

Vous étiez déjà allé au Vietnam, quelles sont les principales évolutions que vous avez constatées ?

– C’était en effet mon huitième voyage au Vietnam. Le premier date de 1990, alors que j’étais abbé de Lérins. Il est clair que désormais le gouvernement tient à faire preuve d’ouverture. C’était déjà le message de l’ordination de 57 prêtres à Hanoï à la fin de l’année dernière.
Aujourd’hui il est possible de célébrer à peu près librement, même dans des lieux publics. Les constructions de bâtiments d’Église (séminaires, évêchés…) sont toujours soumises à autorisations, mais elles s’obtiennent plus facilement. De toute évidence, l’étau se desserre.

Le 3 décembre, près de 10 000 jeunes catholiques se sont rassemblés à Hanoï.

– Si l’accès avait été libre, ils auraient certainement été plus nombreux. Pour célébrer le 550e anniversaire la naissance de saint François-Xavier, l’apôtre de l’Asie, l’archevêque de Saïgon avait eu la bonne idée d’inviter trois autres cardinaux du continent, un Indien, celui de Manille et celui de Hong Kong.
Au cours d’une veillée festive à laquelle nous étions conviés, ils ont discuté très librement avec les jeunes de leurs espoirs et de leurs difficultés. L’Église vietnamienne comme le pays témoignent d’une vitalité extraordinaire. Les changements sont impressionnants. Les évolutions sont très rapides et incertaines.

C’est-à-dire ?

– La population vietnamienne, à dominante rurale, s’urbanise de plus en plus. La société, surtout dans le Sud, devient aussi de plus en plus une société de consommation. Les habitudes et les mentalités évoluent très vite. On le constate auprès des familles qui, originaires du Nord, ont émigré au sud. Comment les communautés chrétiennes vont-elles traverser ces bouleversements ? D’autant plus, nous ont dit les évêques vietnamiens, que l’Église manque de formateurs.

Par Bernard Jouanno - La Croix - 11 Décembre 2006