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A la ferme du Colvert, le Vietnam authentique

Quarante kilomètres à l'ouest d'Hanoi, une franco-vietnamienne de 46 ans, An Tran Chassedieu, réinvente le Vietnam de son enfance, au milieu des prairies et des rizières de la province d'Hoa Binh. Hospitalité, gastronomie et surtout solidarité avec la population locale.

La pluie a cessé, remplacée par un léger brouillard : l'herbe, les bois de bambou et de kéo, sont satués d'humidité. J'emprunte un petit sentier, guidé par le parfum enivrant des pamplemoussiers, et retrouve mon hôte qui m'attend, assise en tailleur, sous une tonnelle. "Xin chao ! Vous prendez bien quelques banh cuon", me propose An Tran Chassedieu, un sourire malicieux au bord des lèvres. J'avoue mon ignorance. Avec une spatule, elle étale une pâte de riz sur une plaque en fonte brülante. Quand la galette est cuite, An découpe des sortes de raviolis, les banh cuon, qu'elle mélange dans un bouillon à des feuilles de menthe fraîche et de coriandre. "Bienvenue à la ferme du Colvert !".

Cette ancienne journaliste de 46 ans, reconvertie dans le tourisme, est mariée depuis quelques années à Jean Michel Chassedieu, un français passionné d'Asie, rencontré lors d'un séjour dans les montagnes du Haut Tonkin. Du coup de foudre entre le touriste et sa guide, est née...la ferme du Colvert, inaugurée en 2004 à l'occasion de la fête du Têt (nouvel an chinois). Une ferme conçue comme un retour aux sources, cele d'une enfance idyllique, passée à jouer dans le vert paradis des rizières et des prairies de Luong Son. "En 1964, quand les américains ont commencé à attaquer le Nord Vietnam, l'Etat a décidé d'envoyer tous les enfants des villes à la campagne. Pendant trois ans, ça a été comme une grande colonie de vacances", se souvient An Tran. Elle est hébergée avec son petit frère par des paysans, dans un hameau de Luong Son, 40 kilomètres à l'ouest de Hanoi, la capitale. "Pour moi, la ferme du Colvert est un hommage à ces paysans, un moyen de recréer la savoir-vivre, la solidarité, qui existaient à cette époque dans les campagnes."

Village écologique et solidaire

Au fond d'une petite vallée, au pied du mont Vien Nam (1000 m d'altitude), An et son mari onr imaginé un village écologique, construit sur plus de 100 hectares de collines d'eucalyptus et de bambous, au bord d'un grand lac (Dap Dam). Le gîte et le couvert sont assurés dans de petites maisons paysannes restaurées, ainsi qu'à l'intérieur de grandes bâtisses en bois et feuilles de palmiers, montées sur politis, telles que l'ethnie Muong, majoritaire dans cette partie du Vietnam, en construisait autrefois. "Pourquoi la ferme du Colvert ? Vous n'avez donc pas vu les canards qui vivent sur le lac...Le colvert est une espèce très répandue dans la province d'Hoa Binh ! C'est aussi un clin d'oeil à la France, mon autre pays d'attache", explique An.

Grâce aux 500 touristes, essentiellement des français, qui y séjournent chaque année, la structure fait vivre huit salariés à plein temps (cuisiniers, jardiniers, ébénistes, femmes de manage), et jusqu'à 50 saisonniers. Parmi eux, Hien, 30 ans, occupe la fonction de gardien : "quand des touristes arrivent, je prépare les nattes, les moustiquaires, je mets le thé à chauffer sur le feu, et mon fils de 4 ans, Hoang, chante quelques comptines apprises à l'école". Pour lui, comme pour tous les autres employés, le lancement de la ferme du Colvert a été synonyme d'ascension sociale, avec un niveau de vie multiplié par deux ou trois. Certains slariés, autrefois tentés par l'exode rural, abandonnant leur ferme pour échouer dans les bidonvilles d'Hanoi, ont finalement retrouvé ici leur méteir initial : cultiver la terre.

"Pour les nouveaux riches vietnamiens, mon projet paraît ridicule, anecdotique, regrette An Tran Chassedieu. Mais je m'en moque, je sais que ma ferme est utile à ce village et à ses habitants." Tellement utile à ce village qu'elle pourrait bientôt permettre aux paysans de faire deux à trois récoltes de riz par an, au lieu d'une seule actuellement. La faute au capricieux lac Dap Dam, qui ne retient plus les eaux de pluie de la mousson. "Pour réguler le niveau du lac, et empêcher les eaux de se perdre dans la nature, je vais faire construire une digue et une écluse", explique An, soutenue dans sa démarche par la mairie de Luong Son, trop pauvre pour mener à bien ce projet. Une plantation de bambou à grande échelle, afin de consolider les lacs de retenue d'eau de la région, est également à l'étude.

A contre-courant

Dans le Vietnam d'aujourd'hui, gagné par le tourisme de masse, la ferme du Colvert semble à contre-courant, peu préoccupée de savoir si elle sera rentable (10 % de ses bénéfices sont automatiquement reversés à l'école primaire de Luong Son et à son équipe de football). "là n'est pas mon but, je veux avant tout lancer un message", insiste An, écoeurée par les gigantesques complexes hôteliers qui défigurent la baie d'Halong et certaines de ses îles. Face à ces changements brutaux, la ferme du Colvert se pose en modèle alternatif, organisant des randonnées à pied et à vélo pour découvrir une campagne encore préservée, notamment dans le parc national de Cu Phuong, à travers les étranges pitons rocheux de la baie d'halong terrestre, moins fréquentée que la maritime. Si la ferme du Colvert cherche à sortir des sentiers battus, elle refuse aussi l'émergence d'une certaine "malbouffe" qui gagne peu à peu les grandes agglomérations vietnamiennes. Canard laqué, cochon de lait, nems, salade aux vermicelles, riz cantonnais, jus de mangue, alcool de riz..."Tout ce que le touriste mange ou boit pendant son séjour vient de la ferme, revendique An, fière de son label "fait maison". "Ici, on pêche nos poissons, on élève nos poulets, nos canards, nos cochons, et même nos tortues !".

A l'automne, un groupe d'expert du musée de Mulhouse est passé à la ferme pour y étudier les tissus ethniques, confectionnés par Ha Thi Thinh, une jeune Thaï de 28 ans employée par la ferme, qui enseigne actuellement son savoir-faire aux femmes de Luong Son, afin qu'elles puissent vivre à leur tour du tissage. Sur son métier, Ha Thi Thinh prépare des châles, des turbans, des jupes, des tabliers aux couleurs vives, dont se parent plusieurs fois par an les villageoises de Luong Son, à l'occasion des grandes fêtes organisées pour accueillir les touristes. Un groupe arrive justement ce soir, le menu est déjà prêt : bâtonnets de poisson parfumés aux feuilles de citronnelle, nems, poulet au nuoc mam, pastèques, jus de cam quât...

Je veux demander à An des précisions sur ce fruit exotique, d'apparence proche de la mirabelle, mais déjà, elle m'entraine par le bras dans la cour de la ferme, qui vibre au rythme des gongs et percussions thaïs. Temps, contretemps..."Cette danse s'appelle Mau Sap", me crie An. Je me concentre sur ses pieds, et imite ses pas, tant bien que mal. Et elle de rire aux éclats : "Tout reste à faire au Vietnam, il suffit seulement d'apprendre !".

Par Yaël Goosz - Ecotourisme Magazine - 28 Février 2006

Les séjours à la ferme du Colvert sont organisés par l'agence Vietnam Aventure, filiale de Nomade Aventure.
Contact en France : Nomade Aventure, 40 rue de la Montagne Sainte Geneviève - 75005 Paris - Tél : 01 46 33 71 71 - www.nomade-aventure.com
Contact au Vietnam : Vietnam Aventure, 32 B8 Vu Ngoc Phan - Lang Ha - Hanoi - Tél : (00) 84 4 8 354 564 - www.vietnam-aventure.com


Autour du village de Luong Son, le ferme du Colvert propose toute une série d'excursions, de deux (65 euros) à quatre jours (130 euros), en bus, à pied ou à vélo : flânerie en pays Muong, sampan pour la pagode des parfums, l'un des lieux majeurs du bouddhisme, baie d'Halong...
Le prix de l'hébergement à la ferme du Colvert varie selon la saison de 30 à 55 euros par jour et par personne en pension complète. Possibilité de louer à lasemaine une maison sur pilotis, pouvant accueillir jusqu'au 16 personnes : de 280 à 520 euros la semaine selon la période.

Ecotourisme dans le Sud Vietnam : les projets d'une étudiants grenobloise

Pollution de la baie d'Halong, construction anarchique d'immeubles sur le littoral de la mer de chine...Le tourime de masse, récent et encore peu controlé, fait des ravages au Vietnam. Comment enrayer la tendance ? "En concilliant tourisme, solidarité et développement" répond sans hésiter tiphaine Breillot, 21 ans, étudiantes en IUP LEST (Loisirs, Environnement, Sport et Tourisme) à la faculté Joseph Fournier de Grenoble. Discours idéaliste ? Non, la jeune fille sait de quoi elle parle, après deux mois passé à Phu An, un village agricole de 6500 âmes, situé à 40 kilomètres d'Ho Chi Minh Ville (Saigon). : "un voyage de repérage, pour étudier la viabilité du tourisme solidaire dans cette région et envisager la mise en place de circuits."

C'est d'une rencontre avec le docteur Diep My Hanh, professeur d'écologie à l'université d'Ho Chi Minh Ville qu'est né le projet de Tiphaine. A l'automne 2004, l'enseigante donne une conférence à Grenoble, présentant ses actions pour Phu An, son village natal : construction d'un jardin botanique et mise en place d'un écomusée regroupant, afin de les préserver, toutes les variétés de bambou qui poussent au Vietnam. "Diep My Hanh souhaitait également promouvoir une nouvelle forme de tourisme dans son village se souvient Tiphaine, et c'est comme ça que je me suis rapprochée d'elle." Surtout, ne rien imposer directement, mais petit à petit, faire émerger de nouvelles idées : tel est le sens de la démarche engagé par Tiphaine Breillot et docteur Diep My Hanh. cela passe d'abord par un diagnostic, réalisé l'été dernier par l'étudiante grenobloise : "l'argent du touriste doit être réinjecté dans l'économie locale, notamment pour améliorer l'élevage et les travaux agricoles."

Seulement 2% des paysans ont un machine à traire...Tiphaine plaide également pour la construction d'un local où sécher les galettes de manioc, spécialité locale, dont la fabrication est protiquement impossible à la saison des pluies. "Nous aimerions que les habitants de Phu An deviennent peu à pau maisons d'hötes, et fassent participer les touristes aux tâches agricoles." Mais pour cela, il faut former toute une population à l'accueil, enseigner aussi les langues étrangères...Cela prendra du temps, mais Tiphaine s'est fixé un cap : Phu An devrait accueillir ses premiers touristes en 2009 ou 2010...

Ecotourisme Magazine - 28 Février 2006