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Tran Quang Hai, cicerone prolixe des traditions

L' auditorium du musée Guimet, environ 300 places, affiche complet depuis trois semaines pour un programme consacré aux traditions musicales du Vietnam, voilà qui réconforte quant à l'intérêt réel du public pour les musiques traditionnelles du monde extra-occidental. D'autant que Tran Quang Hai, Bach Yen et Quyhn Hanh ne sont pas des artistes rares. Ils vivent à Paris, se produisent régulièrement. Vendredi 6 janvier, leur prestation ressemblant davantage à une conférence-animation avec illustrations musicales qu'à un concert proprement dit, a pu, pourtant, décevoir.

Installé en France depuis 1961, où, dans le sillage de son père, Tran Van Khe, il a été longtemps le seul représentant reconnu de la musique traditionnelle vietnamienne, chercheur au département d'ethnomusicologie du Musée de l'homme, le multi-instrumentiste et chanteur Tran Quang Hai avait donné une conférence, à Guimet, le 15 décembre, sur la musique du Vietnam. Manifestement, le conférencier n'avait pas dit son dernier mot. Il explique par le détail le programme, les instruments, les modes, les subtilités de la langue vietnamienne, les ethnies (54 dans tout le pays).

Berceuses et chants de théatre

Exécuté sur le ton de l'humour bon enfant, l'exercice s'écoute néanmoins avec plaisir. Si l'amateur de musique peut se sentir frustré, il repartira avec en tête quelques clés qui lui auront donné l'envie d'aller en écouter plus, sur disques (il existe d'excellents enregistrements consacrés aux musiques du Vietnam, entre autres publiés par les labels Buda Musique, Ocora, Inédit, Unesco, Playa Sound et Arion) ou sur place (pendant l'entracte, certains iront demander des tuyaux à Tran Quang Hai, en vue d'un prochain voyage au Vietnam).

Le programme balaie les régions du pays. Il pioche dans la palette des genres. Des pièces populaires (les chansons joyeuses interprétées en trio qui ouvrent et ferment le parcours) ; des berceuses (parfois tristes : "Les femmes étaient souvent seules à la maison, délaissées par leurs maris", suggère la chanteuse Bach Yen) ; du chant de théâtre rénové (hat cai luong) ; du ca tru (interprété par Quynh Hanh au dàn tranh, cithare à seize cordes, au lieu de l'accompagnement traditionnel au luth et tambour d'éloges), une tradition du Nord, menacée un temps de disparition avec l'arrivée des communistes, qui lui reprochaient une origine féodale (XVe siècle), puis d'être le chant de prédilection des prostituées.

Influencée par la Chine (dix siècles d'occupation) et l'Inde, la musique vietnamienne a su se singulariser, notamment en créant des instruments qui lui sont spécifiques, dont le monocorde (dàn bau) aux sonorités délicatement aquatiques, spécialité de Quyhn Hanh, et les cliquettes à sapèques (sinh tiên). Après les guimbardes et les cuillères, Tran Quang Hai se livre à une démonstration ludique du maniement de ces planchettes de bois sur lesquelles tintent en guise de sonnailles des pièces de monnaie.

Par Patrick Labesse - Le Monde - 8 Janvier 2006