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Bond en avant - Good Morning, Vietnam !

L'accord récemment conclu par Intel pour la construction d'un site de production a toutes les chances d'attirer d'autres investisseurs occidentaux.

Pour de nombreux Américains, l'évocation du palais de la Réunification renvoie avant tout à ces reportages de l'époque, lorsque les chars nord-vietnamiens défoncèrent les grilles dudit palais, comme pour mettre un terme définitif à la guerre du Vietnam, voilà déjà trente et un ans. Pourtant, le 28 février, l'un des leaders du monde des affaires, Craig Barrett, le président du conseil d'administration d'Intel, renversait à nouveau ce portail sur un mode infiniment plus discret cependant, en plantant l'étendard de l'une des victoires capitalistes les plus significatives que l'on ait vu se produire au Vietnam depuis des décennies. Car cette journée faste aura vu Nguyen Tan Dung, Premier ministre du Vietnam, rencontrer Craig Barrett pour lui accorder l'autorisation officielle de son gouvernement d'investir 605 millions de dollars dans la construction d'une nouvelle usine, à Hô Chi Minh-Ville.

Cet accord marque le plus gros investissement jamais réalisé par une entreprise américaine au Vietnam (mis à part ceux des firmes pétrolières). Intel commencera donc par investir 300 millions de dollars dans l'édification d'une unité de tests et d'assemblage, qui devrait être inaugurée d'ici à l'année prochaine et emploiera quelque 1 200 personnes. Barrett ne manque toutefois pas de rappeler que, si Intel a préféré le Vietnam à la Chine, la Malaisie ou les Philippines, c'est avant tout à cause des salaires particulièrement bas, à compétences égales, et de l'économie en plein essor qui caractérisent ce pays. Une économie dont le taux de croissance atteignait, l'année dernière, 8,5 %. Car, ainsi que le résume Barrett, « le coût est forcément un facteur décisif ».

D'autres verraient plutôt dans la décision d'Intel un vote de confiance au Vietnam en tant qu'alternative à la Chine. Jusqu'alors, le gros des investissements étrangers manufacturiers se concentrait sur les chaînes d'assemblage tournant pour des grands noms comme Nike ou Limited Brands, par exemple. Les sous-traitants de Nike font travailler près de 130 000 personnes au Vietnam - ce qui fait de ce pays le deuxième fournisseur de Nike, juste derrière la Chine -, et de nombreux professionnels du textile y ont depuis ouvert boutique. Mais il semble que, désormais, le Vietnam ait choisi de se débarrasser de sa réputation de pays manufacturier bas de gamme. De ce point de vue, le contrat Intel « représente un pas capital pour le Vietnam », estime Henri Nguyen, à la tête de IDG Ventures Vietnam, un fonds d'investissement pesant 100 millions de dollars qui investit dans les start-up.

Intel est pourtant loin d'être la seule entreprise sur les rangs. En février, Canon faisait officiellement part de son intention d'investir 110 millions de dollars dans la construction d'un site de fabrication d'imprimantes à jet d'encre, près de Hanoi. Le japonais Nidec, de son côté, compte bâtir deux usines de fabrication de composants électroniques, pour un total de 940 millions de dollars. Fujitsu a, quant à lui, investi 200 millions de dollars et emploie 3 200 personnes à la fabrication de cartes mères pour PC et de téléphones. AES, enfin, une firme de services basée en Virginie, négocie en ce moment la construction d'une centrale électrique de 1 000 mégawatts dans la province de Quang Ninh, au nord du pays, pour un coût qui pourrait avoisiner le milliard de dollars. Sans oublier Cisco Systems, Nortel Networks ou Motorola, qui installent à tour de bras du matériel de télécommunications.

Le Vietnam n'avait pourtant jamais généré un tel engouement de la part des investisseurs depuis 1994, date à laquelle les Etats-Unis décidèrent de lever l'embargo économique qui le frappait. Il aura fallu attendre l'année dernière pour voir le volume des investissements étrangers directs approuvés par l'Etat faire un bond de 41 %, atteignant 5,8 milliards de dollars, pendant que la Chine enregistrait une légère baisse des entrées d'investissements directs. Certes, la Chine peut encore se targuer d'attirer 60 milliards de dollars sur son territoire, mais, en termes de pourcentage rapporté au PIB, les chiffres du Vietnam étaient plus de deux fois supérieurs à ce que la Chine a pu engranger l'année dernière.

Une des principales raisons à ce changement est à mettre au compte de salaires particulièrement bas. Car, à mesure que la pénurie de main-d'oeuvre dans certaines régions chinoises fait progresser les coûts vers le haut. Un ouvrier chinois peut désormais multiplier par cinq le salaire mensuel moyen dont les entreprises étrangères gratifient leurs employés vietnamiens, soit 55 dollars environ. Ce différentiel explique dans une large mesure pourquoi Sparton, une firme de Jackson, dans le Michigan, a préféré le Vietnam à la Chine lorsque, l'année dernière, l'entreprise décidait de réaliser son tout premier investissement en dehors du territoire nord-américain. C'est ainsi que Sparton s'est retrouvé à investir 8 millions de dollars dans une usine de plus de 4 500 mètres carrés, dédiée à la fabrication d'équipements de diagnostic chimique. « Je suis convaincu que la productivité ainsi que la qualité y excéderont de loin ce que l'on peut réaliser aux Etats-Unis », estime Jason Craft, directeur exécutif de Spartronics Vietnam, la filiale locale du groupe Sparton.

Bienvenue au club ?

Le coût réduit de la main-d'oeuvre n'est cependant pas la seule explication du récent engouement pour le Vietnam. Car, là-bas, le plus cher des terrains industriels est facturé moins de la moitié de ce que coûterait son équivalent en Chine. De même, le transport au départ de Hô Chi Minh-Ville (anciennement Saigon) est entre 6 et 8 % moins onéreux qu'à partir de la Thaïlande ou de l'Indonésie (même s'il demeure par ailleurs un peu plus cher que ce qui se pratique à Shenzen, en Chine). Plus essentiel encore, le Vietnam offre aux groupes industriels un havre alternatif, dans l'hypothèse où leurs installations en Chine se verraient contraintes de fermer leurs portes, pour une raison ou pour une autre. « Les entreprises ont besoin de flexibilité dans leur chaîne d'approvisionnement, analyse Michael Marine, ambassadeur des Etats-Unis au Vietnam. Et elles rechignent à mettre tous leurs oeufs dans le panier chinois. »

Ajoutons à cela que le Vietnam devrait dès cette année conclure la phase de négociations qui préludera à son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Un tel événement constituerait une véritable aubaine, si l'on se rappelle que depuis 2001, et la signature de l'accord commercial bilatéral entre les Etats-Unis et le Vietnam, le volume des exportations vietnamiennes a été multiplié par six, pour atteindre 6,6 milliards de dollars l'année dernière. « Si cela a pu se produire avec un seul pays, imaginez un peu ce qui pourrait advenir avec la centaine de pays membres de l'OMC », analyse Shankar Viswanathan, directeur régional de Procter & Gamble, dont la société a investi plus de 80 millions de dollars au Vietnam depuis 1995 et qui produit sur place de la lessive Tide ainsi que nombre d'autres produits de la marque.

Cette vague d'euphorie ne manque pas de rendre certains observateurs un peu nerveux. Les mêmes, d'ailleurs, qui se souviennent du milieu des années 90, lorsque les investisseurs étrangers se ruèrent littéralement au Vietnam, un pays présenté à l'époque comme le prochain géant asiatique, pour finalement s'apercevoir que le Vietnam se trouvait englué dans une corruption rampante doublée d'une bureaucratie infernale, d'une législation pour le moins opaque et d'une infrastructure en lambeaux. Certes, la situation s'est quelque peu améliorée, dans la mesure où le Vietnam s'est vu contraint d'adapter ses lois aux normes de l'OMC, d'une part, et a dépensé plus de 1 milliard de dollars dans la mise à niveau de son réseau routier et de ses aéroports, d'autre part. Un bond en avant qui pourrait bien voir de nouveaux fantassins du capitalisme se ruer vers les portes du palais de la Réunification.

Par Frederik Balfour & Hiroko Tashiro - Le Point avec Business Week - 9 Mars 2006


La France au Vietnam

« Le Vietnam est pour la France une porte d'entrée privilégiée en Asie, expliquait le président Jacques Chirac devant la communauté française lors d'une visite d'Etat en 2004 au Vietnam. Nos investissements concourent à la formidable croissance vietnamienne et aident à faire reculer la pauvreté. » En montant cumulé depuis 1988, la France occupait à la fin 2004 la septième place parmi les investisseurs étrangers, avec 2,4 miliards de dollars... C'est que le Vietnam demeure encore la chasse gardée des pays asiatiques, tels que la Corée, le Japon et Taïwan. Cependant, l'Hexagone accroche malgré tout le rang de premier investisseur non asiatique du Vietnam. C'est le sud du pays qui attire le plus les convoitises, et cela se retrouve dans la localisation des Français : 75 % des 3 000 expatriés vivent et travaillent à SaIgon. Aujourd'hui, près de 200 entreprises françaises y sont présentes - les deux tiers sont des PME-PMI et un tiers de simples bureaux de représentation. Le secteur de l'industrie et de la construction arrive en tête des investissements hexagonaux au Vietnam, suivi par les télécommunications et les transports, l'hôtellerie et les services, et enfin l'agroalimentaire. A noter, les positions très fortes de la France dans le domaine de la santé et des produits pharmaceutiques. La France doit cette situation à la présence historique des laboratoires pharmaceutiques français au Vietnam. Elle se traduit sous la forme d'investissements industriels - Sanofi-Synthélabo/Aventis -, de bureaux de représentation - Pierre Fabre, Servier, Fournier, Beaufour Ipsen, Merck Lipha -, ainsi que celle, plus récente, de cinq implantations dans le secteur hospitalier.

Et tout cela n'est qu'un début. C'est sûr, les opportunités dans le pays restent nombreuses. Par exemple, les autorités vietnamiennes, qui ont pour ambition de multiplier leur PIB par deux entre 2000 et 2010, insistent sur la nécessité de développer de grands projets d'infrastructure. Ainsi, cela ouvre des perspectives immenses à des entreprises telles qu'EDF - qui est déjà leader d'un consortium ayant obtenu en 2001 la gestion en « Build-Operate-Transfer » d'une centrale électrique, Alstom, France Télécom ou encore Systra, un groupe spécialisé dans les transports ferroviaires et urbains, qui vient d'obtenir le feu vert du gouvernement pour superviser les travaux du métro de Hanoi. De plus, l'entrée prochaine du Vietnam dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ne peut que faciliter les choses pour l'arrivée des Français dans le pays. « Le Vietnam change à vitesse grand V », a estimé Frédéric Sanchez, PDG du groupe Fives-Lille, lors d'une visite au Vietnam d'une délégation du Medef composée d'une trentaine de sociétés françaises, en octobre 2005. « Ces réformes, nécessaires en vue de l'intégration du pays dans l'OMC, ne pourront qu'ouvrir des opportunités supplémentaires d'investissements pour les entreprises françaises. »

Par Marie Bordet - Le Point - 9 Mars 2006