Vietnam : avatars du néolibéralisme d'État et luttes des travailleurs
Des ouvriers vietnamiens travaillant pour des entreprises étrangères se
sont mis en grève pour protester contre la détérioration de leurs
conditions de travail et de leur pouvoir d'achat. En débordant le
syndicat officiel, ils ont obtenu le relèvement des salaires minimaux.
Les conditions de travail empirant et le pouvoir d'achat dégringolant,
la situation sociale est devenue explosive au Vietnam : dans un pays
présenté par la propagande officielle comme étant un véritable eden, on
apprend que des salarié(e)s vivent avec moins de 2 dollars par jour,
que depuis six ans le salaire n'a pas été revu à la hausse alors que
les prix ont augmenté de 28 % et que la monnaie officielle, le dông, a
perdu 15 % de sa valeur face au dollar.
Mécontentement croissant des travailleur(se)s
Le Vietnam, pays du Sud-Est asiatique, à l'instar de la Chine
populaire, doit parvenir à entrer à son tour sur le plan économique
dans la cour des grands dragons, il doit pouvoir adhérer à
l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en en remplissant les
draconiennes conditions, par le ravalement des salaires.
40 000 salarié(e)s de l'industrie des zones franches de Hô Chi
Minh-Ville (ex-Saigon) en grève ont donné un tel impact aux dernières
luttes qu'elles ont forcé le gouvernement à éviter une épreuve de force
encore plus importante et qui aurait pu provoquer un climat
insurrectionnel, en relevant le salaire minimum de 40 %? soit 55
dollars mensuels à Hanoi et Hô Chi Minh-Ville et 45 dollars en
province.
Courrier international 1 précise que le gouvernement est confronté à
une situation de plus en plus tendue, liée au mécontentement croissant
des travailleur(e)s, qui acceptent de moins en moins de vendre leur
force de travail, jusqu'alors pour 2 dollars par jour, et qui ont durci
le mouvement de grève pendant plus d'un mois, comme les 18 000 salariés
d'une firme taïwanaise de chaussures.
Vers un pluralisme syndical ?
Ces travailleur(se)s ont choisi la lutte, mais sans la confier au
syndicat officiel : les grèves ne sont en effet plus désormais
encadrées par les représentants patentés du syndicat officiel, taxé de
manque de combativité, qui est en réalité la courroie de transmission
des ordres du Parti communiste vietnamien et de l'État qui a adopté
l'économie de marché et qui impose ses orientations économiques. Est
ainsi impliqué le principe léniniste de " l'emprise de l'État
prolétarien " sur le syndicat, qui ne peut s'immiscer dans les
potentiels conflits du travail, lesquels doivent être réglés par le
parti.
L'avenir dira si, confrontées à une situation pouvant devenir
explosive, les autorités ne seront pas acculées à lâcher du lest en
autorisant - bon gré mal gré - l'émergence d'un pluralisme syndical. Le
Vietnam a mis en place un droit du travail qui précise que les
investisseurs étrangers doivent se conformer à la législation. Dans le
cas contraire, les autorités se doivent d'appliquer la loi ou
d'expulser l'entreprise, mais on apprend également dans Courrier
international que, dans les entreprises étrangères, concernant les
travailleurs, " les syndicats qui les représentent ne sont pas assez
forts pour tenir tête à la direction ". Cela entraîne, évidemment, en
plus des problèmes salariaux, la dégradation des conditions de travail
et de l'environnement, face auxquels les autorités semblent
impuissantes. Dans la réalité, l'expulsion d'une entreprise étrangère
semble très difficile à appliquer, parce qu'il y aurait une aggravation
importante du chômage.
Victoire des salarié(e)s
Les grèves se sont terminées par la victoire des salarié(e)s, par la
mise en échec d'un pouvoir se prétendant " prolétarien ", alors que la
classe dirigeante se féodalise de plus en plus et par la mise sur la
touche d'un syndicat officiel, inefficace et perpétuel porte-parole du
parti d'État.
Mais la situation demeure tendue, difficile à améliorer, parce qu'une
bonne partie de l'économie est liée à la présence d'entreprises
étrangères, qui disposent de la main-d'?uvre locale, dans des
conditions humiliantes. Courrier international apporte cette conclusion
: " Confronté à cette contestation grandissante de la base, le
gouvernement vietnamien se retrouve dans une situation délicate. Le
Parti communiste a choisi de ne pas réagir aux grèves, montrant ainsi
que la nouvelle ouverture économique oblige les autorités à répondre
aux besoins de la société. " Mais est-il possible d'amender ce
néolibéralisme d'État qui est le véritable clone de celui qui sévit à
l'échelle mondiale ? La loi de fer du profit en faveur d'une minorité
existe aussi bien au Vietnam qu'ailleurs. Le chômage, la précarité, les
tares de la société dite de consommation ne donnent pas l'image d'une
société égalitaire et humaine, parce que l'exploitation de l'individu
n'a pas disparu, bien au contraire ! Pour les Vietnamiens, comme pour
tous les autres peuples, seule la révolution sociale, par une réelle
prise de conscience de l'enjeu des luttes, peut détruire
l'exploitation, l'injustice et l'imposture des discours officiels.
Par Ngoc - Alternative Libertaire - 1er Mai 2006
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