Le Vietnam admis officiellement à l'OMC après 12 ans de négociations
GENEVE - Les 149 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont approuvé mardi à l'unanimité l'adhésion du Vietnam, mettant un point final à près de 12 années de négociations avec le pays communiste, a annoncé un porte-parole.
Les pays membres, réunis en Conseil général, l'organe exécutif de l'OMC, ont approuvé la participation de Hanoï au sein du gendarme des échanges mondiaux, qui deviendra effective 30 jours après notification à l'OMC de la ratification par le parlement vietnamien.
Le Vietnam, l'un des derniers pays communistes de la planète, devrait ainsi devenir le 150e membre de l'organisation en tout début d'année prochaine.
"C'est une journée très importante et mémorable pour le processus d'intégration internationale du Vietnam", s'est félicité le vice-Premier ministre vietnamien, Pham Gia Khiem, qui dirigeait la délégation de son pays."Nous ferons de notre mieux pour tenir nos engagements", a-t-il promis aux Etats membres.
En s'engageant à respecter les règles du commerce mondial, le Vietnam espère en retour attirer les investissements dans ce pays de 84 millions d'habitants, qui aligne la plus forte croissance économique d'Extrême-Orient après la Chine, avec plus de 8% l'an dernier.
L'OMC devrait surtout accélérer la métamorphose d'une système jadis collectiviste en une économie de marché.
"La participation à l’OMC aidera le Vietnam à affiner son processus de réforme, créant des possibilités d’expansion commerciale, ce qui est un important outil de croissance économique", a observé le ministre du Commerce, Truong Dinh Tuyen, tout en reconnaissant que "l’accession à l’OMC pose des défis majeurs à l’économie vietnamienne".
Le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, a salué l'adhésion du Vietnam, en qui il a vu "une des étoiles montantes du commerce mondial", dont les exportations ont fait un bond de plus de 20% l'an dernier.
Le groupe de travail de 43 pays chargé de négocier la candidature du Vietnam s'était mis d'accord le 26 octobre sur les termes de l'adhésion. Le principal obstacle politique avait été levé en mai lorsque les Etats-Unis étaient parvenus à un accord bilatéral avec le Vietnam.
Le mois dernier, les pays membres se sont mis d'accord avec Hanoï sur les ultimes pierres d'achoppement du dossier, telles que les taxes sur les boissons alcoolisées, plus fortes à mesure que s'élève le degré d'alcool.
Les Etats-Unis ont par ailleurs renoncé à leur exigence de voir figurer dans le traité un engagement de Hanoï de respecter les normes internationales du droit du travail.
Le traité d'adhésion contient 560 pages consacrées aux engagements du Vietnam en ce qui concerne le commerce des marchandises, précisant le montant des droits de douane ou des limites aux subventions agricoles pour les différents produits échangés par ce pays.
Soixante autres pages portent sur le secteur des services et les concessions que Hanoï a dû faire pour ouvrir son marché intérieur à la concurrence étrangère.
Le Congrès des Etats-Unis doit encore accorder au Vietnam la clause des "relations commerciales normales", ce qui devrait être fait juste avant la visite du président George W. Bush à Hanoï à l'occasion du sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) les 18 et 19 novembre, estime-t-on au siège de l'OMC.
Après le Vietnam, l'OMC, qui fêtera bientôt son douzième anniversaire, devra encore accueillir en son sein la Russie, qui négocie activement un accord bilatéral en ce sens avec les Etats-Unis.
Agence France Presse - 7 Novembre 2006
Converti au libre-échange, le Vietnam marxiste adhère à l'OMC
Le Vietnam, un des derniers pays à se revendiquer formellement du marxisme, devient le 150e pays à rejoindre les rangs de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). C'est un succès qui en fait une vedette nouvelle et prometteuse pour les investisseurs étrangers mais qui comporte sa part de risque, reconnaissent les autorités. C'est aussi une nouvelle donne pour plusieurs des fameux "petits dragons" du Sud-Est asiatique.
L'approbation finale de l'assemblée des membres de l'OMC, attendue mardi 7 novembre, couronne un lent processus de réformes économiques engagées au milieu des années 1980 et une négociation de plus de dix ans, quand Hanoï a déclaré son intention de rejoindre le camp du libre-échange en matière économique. Elle prendra effet en principe en janvier 2007, une fois que le Parlement vietnamien aura ratifié le document d'entrée du pays dans l'OMC, ce qui ne fait guère de doute.
L'adhésion du Vietnam modifie l'équilibre économique en Asie mais aussi dans le monde. Avec leurs problèmes spécifiques et leurs incertitudes politiques, les récipiendaires traditionnels des investissements étrangers dans la région - Singapour, la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie - ont paru un peu ternes ces dernières années par rapport à une économie vietnamienne qui croît depuis dix ans à un rythme annuel moyen de 7,5 %, et que les banquiers des parages n'hésitent pas à présenter désormais comme leur "chérie" parmi les pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean).
Entrepries d'état menacées
En acceptant de baisser ses droits de douane drastiquement, de libéraliser le climat des affaires et d'ouvrir le jeu de la compétition, le Vietnam, 84 millions d'habitants dont une partie est en passe d'accéder au statut de consommateurs, s'est placé désormais en concurrent de taille dans tous les domaines où le coût réduit de sa main-d'oeuvre peut faire la différence avec ses voisins : l'industrie de la chaussure moderne, le textile - mais pas seulement : "C'est tout le secteur de l'électronique de la région qui fait face à un défi", notamment pour les périphériques informatiques, dit un économiste de Singapour. Sans attendre le verdict de l'OMC, les investissements étrangers y ont augmenté de 41 % en 2005.
L'accession au club du marché permettrait de faire passer les revenus des exportations de 32 milliards de dollars (25 milliards d'euros) en 2005 à plus de 100 milliards dans les cinq ou sept ans, selon des estimations concordantes. Les banquiers étrangers se frottent les mains : des succursales qu'ils possèdent à 100 % pourront ouvrir dès avril 2007, avec la possibilité d'accorder des prêts et de délivrer leurs propres cartes de crédit.
La seule ombre au tableau demeure l'accession du Vietnam, aux Etats-Unis, au statut de nation bénéficiant de "relations commerciales normales à titre permanent" au regard de la loi américaine. Y font obstacle, au Congrès, divers groupes de pression arguant des déboires infligés par le gouvernement vietnamien à des activistes des droits de l'homme ou des opposants religieux. La question sera évoquée au cours de la visite du président George Bush durant le sommet des pays d'Asie-Pacifique à Hanoï les 18 et 19 novembre - une grande première internationale pour le Vietnam, préparée avec ferveur par le gouvernement.
Le revers de la médaille est le bouleversement que ces nouvelles règles impliquent pour l'économie et la société vietnamiennes. "Dans la concurrence, des entreprises et des produits vont échouer", a prédit le vice-premier ministre, Nguyen Sinh Hung, en désignant notamment l'agriculture, la sylviculture et les pêcheries, soit environ 20 % du produit intérieur brut (PIB) apportés par les deux tiers de la population.
Egalement menacées sont les entreprises d'Etat, en particulier dans le domaine financier. "Si ces entreprises, qui génèrent plus de 40 % du PIB, ne se réforment pas rapidement, elles connaîtront des difficultés importantes", a-t-il prédit. Au gouvernement, on admet que "la potion de la concurrence étrangère va être dure à avaler pour les firmes vietnamiennes, mais elle les aidera à se renforcer".
Par Francis Deron - Le Monde - 7 Novembre 2006
Pour les Vietnamiens, l'OMC c'est se développer ou mourir
La plupart des Vietnamiens accueillaient avec enthousiasme l'entrée mardi de leur pays dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), mais beaucoup craignaient aussi une concurrence exacerbée qui ne laissera guère de choix aux acteurs économiques que de croître ou mourir.
Le pays de 84 millions d'habitants, dont les deux-tiers ont moins de trente ans, sont plutôt acquis à la cause de la mondialisation et de l'ouverture. Les parents de cette génération du baby-boom vivaient dans la misère, leurs enfants pourraient baigner dans le luxe.
»Il n'y a pas de camp anti-OMC au Vietnam», estime Jonathan Pincus, chef économiste du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) à Hanoï. »Les gens savent que cela fait partie de la réintégration du Vietnam dans le reste du monde et ils sont très excités».
L'économie nationale menacée par la banqueroute au début des années 80 enregistre aujourd'hui la deuxième plus grande croissance annuelle en Asie derrière la Chine, portée en particulier par de solides exportations.
Le pays, »d'une certaine façon, n'a vu que les bénéfices de la mondialisation», relève Ralf Matthaes, directeur général de TNS, un institut d'analyse de marché basé à Ho Chi Minh-Ville (sud).
Tran Quang Anh, un étudiant de 24 ans à l'Institut national des technologies de l'information de Hanoï, se félicite de l'intégration dans l'OMC mais assure qu'il y aura des perdants dans la bagarre.
Un certain nombre de vieux réflexes hérités de l'économie planifiée et encore bien présents dans les comportements vont devoir disparaître.
»Les entreprises étrangères vont casser des monopoles et créer des déséquilibres. Les consommateurs vont en bénéficier à court terme, mais la production intérieure risque d'être dépassée par des produits importés plus compétitifs», estime Anh.
L'analyse est semblable chez Ly Xuan Hai, président de l'ACB (Asia Commercial Bank), une des banques privées les plus dynamiques du pays.
»Certaines entreprises ne vont pas supporter la concurrence et vont mourir. Pour les autres, c'est une opportunité pour grandir».
Une alternative binaire qui semble ressentie par le plus grand nombre, du sommet au bas de l'échelle sociale. Comme pour cet employé d'une entreprise d'Etat âgé de 51 ans, qui sait que celle-ci n'a engrangé aucun profit depuis des années. »Je crains qu'elle soit dissoute et que nous perdions notre emploi. J'espère qu'elle essaiera de survivre jusqu'à ma retraite».
Anh, l'étudiant, ne sait trop quelle vie espérer.
»J'aurais peut-être une chance de travailler pour Microsoft Vietnam. Mais je serai sous une immense pression. Mes amis qui travaillent pour des compagnies étrangères m'ont dit qu'ils vivaient comme des robots».
L'enthousiasme de ces derniers jours a le mérite de n'être pas aveugle quant aux exigences qui pèseront bientôt sur le tissu industriel vietnamien, qui investit insuffisament, se réforme lentement et s'adapte plutôt qu'il anticipe.
A trente ans, Nguyen Tam Khoi estime que l'OMC est un défi immense pour les petites et moyennes entreprises comme la sienne.
»Les sociétés vietnamiennes n'ont jamais fait face à une telle concurrence avec la pénétration massive des groupes étrangers», craint-il.
»Pour survivre, elles doivent moderniser des lignes de production dépassées, enrichir leurs connaissances et surtout améliorer leurs capacités de management», ajoute-t-il.
»Les années futures verront la disparition et l'effondrement de beaucoup d'entreprises attardées. Seules ceux qui suivront le rythme vont survivre».
Tageblatt (.lu)) - 7 Novembre 2006
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