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Le Vietnam reçoit son feu vert pour adhérer à l'OMC

Les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont mis d'accord sur les termes de l'adhésion du Vietnam. Les 43 pays membres qui négocient depuis près de douze ans l'entrée de Hanoi au sein de l'institution ont approuvé, hier, le traité d'adhésion de 560 pages après s'être mis d'accord sur les ultimes pierres d'achoppement du dossier. Le conseil général, qui rassemble les 150 pays membres, devra officialiser cette décision lors d'une réunion extraordinaire qui pourrait avoir lieu le 7 novembre. Le Parlement vietnamien devra encore ratifier l'adhésion du pays avant que sa participation au gendarme des échanges mondiaux devienne effective.

Les échos - 27 Octobre 2006


Le réveil du dragon vietnamien

La légende de la baie d'Along raconte qu'un dragon, être merveilleux et bénéfique, serait descendu dans la mer pour domestiquer les courants marins. Ce qui se déroule actuellement au Vietnam pourrait bien ressembler à la légende. Après bien des turbulences, ce pays, l'un des plus peuplés d'Asie avec plus de 80 millions d'habitants, est en train de réussir le pari d'un changement radical dans la stabilité. Et dans un relatif anonymat, tant les croissances chinoise et indienne focalisent l'attention. Le Vietnam accumule pourtant les records : plus forte croissance derrière la Chine avec plus de 7 % par an en moyenne depuis dix ans, supérieure à 8 % en 2005. Plus de deux tiers des Vietnamiens ont moins de 35 ans, avec un niveau scientifique élevé. Enfin, un flux d'investissement étranger de près de 5 milliards de dollars en 2005 - par tête, c'est plus qu'en Chine.

Ce qui est en train de se passer au Vietnam pourrait bien ressembler, toutes proportions gardées, à ce qu'on a vu en Chine au moment de l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce en 2001 : une prise de conscience parmi les investisseurs aussi soudaine que brutale. Nous vivons au Vietnam les derniers mois pré-OMC, et le pays s'apprête à accueillir en grande pompe le sommet de l'Asean (association regroupant les pays du Sud-Est asiatique) en novembre - avec George W. Bush en « guest star », quel symbole ! Un événement aux conséquences considérables. L'environnement juridique, notamment le droit des entreprises, a été unifié au 1er juillet, plaçant entreprises nationales et étrangères sur un terrain d'égalité. Enfin, le dernier congrès du Parti communiste en mai a confirmé la poursuite du « Doi Moi ». Cette politique d'ouverture initiée en 1985 a été accélérée avec de nombreuses privatisations et un boom de la création d'entreprise. Il n'y avait que quelques milliers de PME en 2000, contre près de 200.000 aujourd'hui.

Les atouts du Vietnam sont nombreux, mais ils revêtent une dimension exceptionnelle quand on examine à la loupe quelques spécificités. Tout en gardant un rythme très soutenu, la croissance vietnamienne semble équilibrée entre investissements en infrastructures et poussée de la consommation. Un réel marché intérieur émerge. Le système politique - à première vue moins dynamique et ouvert que le système chinois - semble par là même pouvoir conserver un certain « sens » au développement. Il n'y a probablement pas de crise de valeurs au Vietnam. Plus subtilement, la conscience nationale, affirmée comme partout en Asie, est peu revancharde : les victoires successives sur les troupes étrangères y ont contribué. Et les facteurs géographiques sont comme toujours déterminants. On pourrait comparer le Vietnam à une longue frange littorale, avec un développement forcément moins hétérogène que sur un continent. Enfin, la diaspora vietnamienne, les Viet-kieu, revient et investit massivement au pays - près de 4 milliards de dollars en 2005.

Certes, la réalité est complexe. Tous les rouages du pays ont fonctionné selon la logique communiste, mais sur une période assez brève, de 1975 aux années 1990. Les valeurs traditionnelles vietnamiennes restent très présentes, mais également les valeurs confucéennes et occidentales. Il y a aussi des différences notables entre Nord, Centre et Sud. Le pays est difficile à comprendre. Cette complexité et le contrecoup de la crise asiatique ont conduit nombre d'investisseurs à se retirer en 1997-2000 - alors qu'on promettait déjà au milieu des années 1990 un avenir radieux au Vietnam. Beaucoup repartent donc de zéro.

Aujourd'hui, la métamorphose du Vietnam semble irréversible : développement du secteur privé, imbrication dans le tissu mondial des échanges et émergence d'une vraie classe de consommateurs. Les anciennes recettes, mélange de savoir-faire industriel, d'apport en capital, d'une certaine dose de paternalisme et parfois de corruption, pourraient bien ne plus être longtemps applicables. C'est avant tout la capacité d'exécution sur place qui va compter, plus que l'argent, qui coule à flot. Ainsi que la capacité à comprendre les mécanismes de décision (comme le subtil droit de la propriété) sans avoir à s'en remettre à des partenaires restés « trop » locaux. Le capital humain va devenir à la fois facteur de succès et goulet d'étranglement.

On peut donc s'attendre à ce que le Vietnam redevienne un fort pôle d'attraction pour les investisseurs. L'Europe et la France en particulier sont déjà très impliquées en termes d'investissement privé et de coopération. Le Japon est devenu le premier investisseur étranger. Même si les blessures du passé ne sont pas complètement refermées, les Etats-Unis fascinent - comme l'a montré la récente visite de Bill Gates, reçu tel un chef d'Etat en plein congrès du PC. Dans ce contexte, les atouts des entreprises françaises dans des domaines comme la distribution spécialisée, les hypermarchés, la logistique ou encore la banque de détail, secteurs au coeur du futur dynamisme consumériste vietnamien, sont à exploiter sans attendre.

Par André Loesekrug-Pietri - Les échos - 20 Septembre 2006