Voyage en liberté au Vietnam
Le Vietnam se développe et se transforme à une vitesse incroyable. Le pays tout entier semble saisi par une fièvre de construction, une soif de connaître et une volonté palpable de rattraper le temps perdu pendant les années de tourmente.
SAPA - Autrefois l'un des pays les plus fermés au monde en raison de l'embargo imposé par les États-Unis et de son propre repli sur l'ancien bloc soviétique, le Vietnam a adopté en décembre 1986 une nouvelle politique de libéralisation économique. Celle-ci a ouvert le pays aux capitaux étrangers puis au tourisme, lançant ainsi le Vietnam dans la même course à l'enrichissement que la Chine.
Les premiers voyageurs occidentaux faisaient figure de précurseurs et les autorités vietnamiennes les recevaient avec méfiance. Tout cela est maintenant chose du passé. Les étrangers vont maintenant où ils veulent, comme ils veulent et quand ils veulent. En ce qui a trait à la liberté d'expression pour les Vietnamiens c'est autre chose, ne vous attendez pas à de grandes discussions politiques. Le régime est devenu capitaliste et libéral sur le plan économique, mais il est toujours communiste et autoritaire. Personne ici ne critique le parti impunément. Chacun fait son affaire et évite de se mêler de ce qui se passe autour de lui quand ce n'est pas strictement nécessaire.
Un pays accueillant
Les agences de voyages du Québec offrent des forfaits, mais vous pouvez aussi attendre d'être sur place pour en dénicher à des prix encore plus bas. Excursions en région, visite d'un jour vers un lieu historique ou même billet ouvert, avec étapes au choix, entre Saigon et Hanoi. Certaines agences vietnamiennes polyglottes font du sur mesure avec guide et chauffeur pour une ou deux personnes, d'autres offrent des tarifs réduits pour des groupes.
Au Vietnam, les services mis à la disposition des voyageurs et la gentillesse de ses habitants en font plutôt une terre très accueillante. Voyager en liberté au Vietnam est donc une aventure à la portée de tous et qui se fait en parfaite sécurité. Comme un grand nombre de jeunes Vietnamiens se sont mis à l'étude de l'anglais et qu'on rencontre encore des gens qui parlent le français, on parvient toujours à se faire comprendre. Trouver de la lecture en français est cependant chose rare, mais la radio nationale diffuse deux heures d'infos par jour en français et dans les hôtels on a presque toujours accès à TV5 ainsi qu'à Internet.
Par Gilles Paquin - La Presse (.ca) - 01 Février 2005
Partir au nord ou au sud
Le plus difficile est de choisir LA bonne saison car le Vietnam est une étroite bande de terre de 1600 km de longueur aux écarts de température très marqués entre les régions. Fin novembre dernier, par exemple, il faisait encore 34 C à Ho Chi Minh-Ville (Saigon) au sud, 24C à Hanoi au nord et 5 C à Sapa sur les hauts plateaux.
Pour compliquer un peu plus les choses, la saison des pluies varie d'une région à l'autre, si bien que le centre subissait des inondations tandis que la sécheresse sévissait dans le sud. N'allez pas vous imaginer que cela vous empêche de partir à l'époque qui vous convient le mieux, mais sachez simplement que la nature peut vous réserver quelques surprises. Ainsi j'ai constaté, un bon matin au réveil, que mon hôtel à Hoi An était devenu une île. «Ces inondations se produisent chaque année, elles sont provoquées par les fortes pluies en montagne. Ne craignez rien dans quelques jours la rivière retournera dans son lit. En attendant, j'ai fait venir une barque et vous pourrez continuer à vous promener en ville», m'a dit l'aubergiste chez qui j'avais élu domicile.
La crue des eaux n'a pas empêché des milliers de visiteurs de fondre sur cette ville portuaire dont les quartiers historiques portent toujours l'empreinte des commerçants chinois et japonais. Au 15e siècle, Hoi An recevait d'ailleurs des navires d'un peu partout dans le monde (Portugal, Japon, France, Inde, Angleterre, Hollande, Chine) venus acheter des épices, du thé, de la porcelaine, etc. Aujourd'hui encore, la ville conserve des centaines d'édifices anciens qui lui ont valu d'être classée par l'UNESCO sur la liste du Patrimoine mondial.
L'autre question qui se pose est de choisir le point de départ de son périple : doit-on arriver à Hanoi la capitale, au nord, ou à Ho Chi Minh-Ville (ex-Saigon), la métropole économique, au sud? Les transporteurs aériens offrent de commencer par l'une ou l'autre, ce qui permet d'éviter de revenir sur ses pas. Habituée à recevoir des étrangers, l'ancienne Saigon dispose d'un plus grand nombre de voyagistes permettant de planifier facilement les déplacements dans le pays. On peut de la sorte comparer les services offerts par ces différents fournisseurs et les mettre à l'essai lors de courtes visites dans le delta du Mékong ou les stations balnéaires du Sud.
Hanoi, par contre, est plus belle et plus intéressante pour ceux qui veulent s'imprégner davantage de la culture vietnamienne. Elle est également au coeur d'une région où l'on trouve une abondance de trésors naturels et architecturaux, en plus d'être le point de départ pour les excursions chez les peuples des hauts plateaux.
En partant de Saigon par autocar, avec la formule billet ouvert, on peut s'arrêter aussi longtemps qu'on veut dans chacune des villes étapes. Ainsi, le voyageur en route vers Hanoi peut explorer les environs de Dalat, la station de montagne construite par les Français ; profiter des superbes plages de Nha Trang, plonger dans le passé à Hoi An et remonter le temps dans l'ancienne capitale Hué.
Plutôt que de continuer en autocar, la plupart des voyageurs optent ensuite pour l'avion ou le train puisque le reste de la route vers Hanoi offre moins d'intérêt. De même, ceux qui entreprennent le trajet depuis la capitale choisissent souvent de faire Hanoi-Hué par chemin de fer ou voie aérienne. Le reste du voyage dépend du temps dont vous disposez et du hasard de vos rencontres. Comme les Vietnamiens sont très superstitieux je n'oserai pas vous faire de prédictions ici, mais si les esprits vous sont favorables, vous ferez un séjour dont vous vous souviendrez longtemps.
Par Gilles Paquin - La Presse (.ca) - 01 Février 2005
Mystérieuse et magnifique Baie de Halong
La baie de Halong est sans aucun doute le paysage le plus célèbre du Vietnam, voire de toute l'Asie, avec ses 3000 îles enveloppées de brouillard et ses eaux turquoise. Même si vous avez souvent admiré des photos de cette baie et revu le film Indochine avant de partir, le ravissement sera tout aussi grand lorsqu'elle sera enfin devant vos yeux.
Ha Long signifie le «Dragon descendant» en vietnamien. La légende veut qu'un grand dragon et sa progéniture aient un jour, à la demande de l'Empereur de Jade, quitté leur antre dans les montagnes pour arrêter des envahisseurs venus par la mer. Les dragons imaginèrent de détruire les navires ennemis en les bombardant avec des blocs de jade, qui devinrent autant d'îlots», raconte le Grand Guide Gallimard du Vietnam.
D'autres légendes donnent des explications tout aussi fantastiques mais sur le plan géologique, la baie est un parfait exemple de formation karstique? le terme «karst» désignant la corrosion du calcaire, en particulier le creusement de grottes et de gorges. Selon les géologues, tout laisse croire que le plateau calcaire de Halong a d'abord été entaillé par les affluents du fleuve Rouge et travaillé par les eaux souterraines, puis immergé dans le golfe du Tonkin à la suite d'un affaissement généralisé ou d'une montée du niveau de la mer.
Cette «huitième merveille du monde» couvre une superficie de 1550 km2 parsemée d'îles et d'îlots truffés de cavernes. Ces masses de pierre aux formes étranges atteignent jusqu'à 400 mètres de hauteur et la plupart plongent ensuite dans la mer de façon abrupte. Une quinzaine seulement sont habitées en permanence, les autres ne servent que de refuges aux oiseaux ou à quelques rares animaux.
La manière la plus agréable de visiter la baie de Halong est de faire une promenade en bateau parmi les îles pendant la journée pour ainsi atteindre celle de Cat Ba en fin d'après-midi pour y passer la nuit. Certains prolongent leur balade pendant quelques jours, en profitant pour visiter des grottes et faire de la plongée ou du kayak parmi les îles. On peut facilement réserver de telles excursions à partir de
Hanoi et généralement à moindre coût qu'en le faisant sur place.
Les pittoresques villages flottants des pêcheurs de la baie ainsi que l'abondance de navires de tourisme et le trafic important de cargos font malheureusement peser une lourde menace sur ce site classé Patrimoine mondial par l'UNESCO. Marins, pêcheurs et touristes semblent croire que la baie est une immense poubelle et jettent tout par-dessus bord. Les eaux sont ainsi très souvent parsemées de déchets ou de mares de pétrole. Dommage, car les Vietnamiens ne semblent pas se préoccuper de l'avenir de Halong.
Par Gilles Paquin - La Presse (.ca) - 01 Février 2005
Sapa, porte d'entrée du territoire des minorités ethniques du Vietnam
Avec ses maisons montagnardes qui se mirent dans un lac blotti au pied de collines couvertes de conifères, Sapa ressemble à une ville européenne. Le sommet enneigé du Fan Si Pan qui se dresse à l'horizon révèle cependant que cette station de montagne construite par les Français est bel et bien au Vietnam.
C'est pour échapper à la chaleur insupportable de l'été à Hanoi que les colons et administrateurs de l'ancienne Indochine française commencent à développer Sapa au début des années 20. Située à 1650 mètres d'altitude, la petite bourgade alors habitée par des Hmongs noirs devient rapidement un lieu de villégiature apprécié.
Au milieu des années 40, la ville compte déjà plus de colons que de Vietnamiens, on y trouve au delà de 300 nouveaux bâtiments, dont la résidence d'été du gouverneur de l'Indochine et une prison. Quinze ans plus tard c'est la débâcle à Diên Biên Phu, les troupes vietnamiennes s'installent à Sapa où elles rasent bon nombre des édifices coloniaux.
Délaissée ensuite pendant une trentaine d'années, notamment pendant la guerre américaine et l'invasion chinoise, Sapa connaît maintenant une nouvelle jeunesse. L'ouverture au tourisme international des 10 dernières années et l'intérêt grandissant face au sort des minorités y est sans doute pour beaucoup.
Le Vietnam compte 54 groupes ethniques dont les Kinhs (ou Viets) qui regroupent 86% des 81 millions d'habitants du pays. Les minorités ou peuples indigènes varient en nombre, de 3 millions environ pour les Hmongs du Nord en passant par les 800 000 Khmers du Mékong aux quelques centaines d'individus chez les Odu. Du point de vue linguistique et culturel, les régions des hauts plateaux du Vietnam sont parmi les plus diversifiées au monde. Les peuples des hauts plateaux représentent à eux seuls environ 8 millions de personnes aux traditions et aux coutumes plus ou moins marquées par les influences extérieures comme le catholicisme et le communisme.
Souvent obligés de se battre pour préserver leur territoire et leur identité culturelle, ces groupes minoritaires sont maintenant tirés de leur isolement par l'extension longtemps attendue des services de l'État : nouvelles écoles, routes et lignes électriques bouleversent leurs habitudes de vie. La venue de milliers de touristes vient accélérer le mouvement d'érosion culturelle. Après des années de relations difficiles, le gouvernement a commencé à considérer les minorités comme une «pâture pour touristes» et se sert de leurs villages, de leurs costumes traditionnels et de leur musique pour faire la promotion du Vietnam. Le visiteur doit donc faire preuve d'une certaine réserve et de beaucoup de tact lorsqu'il s'aventure dans ces communautés.
On a néanmoins, de Sapa, de multiples possibilités d'excursions pédestres dans les villages des Hmongs, des Daos et des Thaïs blancs des environs. Certaines de ces promenades s'avèrent assez éprouvantes puisque les sentiers qui conduisent chez eux sont souvent rudimentaires. Gravir des pentes sur 14 kilomètres le matin et repartir l'après-midi vers une nouvelle destination constitue un bon test de votre condition physique. Seulement les mieux préparés se risqueront à escalader le Fan Si Pan, le plus haut sommet du Vietnam qui culmine à 3143 m. Cette excursion exige en effet d'être en grande forme puisqu'elle prend de quatre à cinq jours. On conseille d'ailleurs de toujours l'entreprendre avec l'aide d'un guide et d'au moins un porteur.
La majorité des voyageurs se contente d'ailleurs de randonnées à proximité de Sapa. Dès la sortie de la ville, on commence une longue descente vers le village de Cat Cat, hameau dont les maisons s'étendent sur les deux versants de la vallée. Avant d'arriver au coeur du village, des femmes hmong en costume traditionnel accostent les visiteurs pour offrir des bijoux et des vêtements artisanaux. «Joli, joli, achète-le, monsieur, achète pour m'aider», lancent-elles en brandissant colifichets et tissus sous votre nez.
Presque toutes les femmes ont les mains bleuies par la teinture indigo utilisée dans la confection de leurs vêtements. Leur costume presque noir, bordé de broderies aux couleurs vives, indique de quel groupe, voire de quel village elles proviennent. La vie est dure dans ces montagnes où l'agriculture de subsistance n'a guère changé depuis des générations. On y cultive surtout le riz par irrigation sur des terrasses accrochées aux flancs des collines. Certains élèvent quelques porcs, des poules ou des canards, mais tout juste pour les besoins de la famille.
Pas étonnant alors que les femmes tentent désespérément de vendre leurs produits artisanaux et que les hommes cherchent à trouver du travail à l'extérieur pour améliorer les conditions de vie de leur famille. Tous les discours de l'État sur l'importance de conserver les traditions et les coutumes (pour le tourisme sans doute) ne changeront rien à la volonté des groupes minoritaires de briser leur carcan historique.
Par Gilles Paquin - La Presse (.ca) - 01 Février 2005
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