~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
Le portail de l'actualité vietnamienne

Année :      [2005]      [2004]      [2003]      [2002]      [2001]      [2000]      [1999]      [1998]      [1997]

L'adoption d'enfants vietnamiens vire à l'affrontement entre Québec et Ottawa

OTTAWA - C'est en une vraie chicane de juridiction entre Québec et Ottawa que s'est transformée la signature avec le Vietnam, plus tôt cette semaine, d'un accord pour recommencer les adoptions internationales d'enfants. Et le ton des échanges par médias interposés, entre les représentants du fédéral et du provincial, semble donner peu d'espoir d'une résolution rapide pour que des parents Québécois puissent se remettre à adopter des enfants vietnamiens sous peu.

Mercredi, le ministre des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew, a accusé Québec de vouloir entretenir une «ambiguïté» sur le dos des enfants. «Là où il y a un problème, c'est que le gouvernement du Québec veut jouer à un jeu d'ambiguïté, a-t-il lâché à sa sortie de la réunion du conseil des ministres. Une ambiguïté, comme si leur entente était vraiment un accord international ayant force de droit au plan international.» Lundi, Ottawa et Hanoï signaient un traité donnant le feu vert aux adoptions. Puisque l'adoption est de juridiction provinciale, l'accord devait ouvrir la voix aux ententes que les provinces et territoires doivent signer dans les semaines et mois à venir.

Le Canada avait recommandé aux provinces de suspendre les adoptions au Vietnam en août 2001, après les révélations de corruption liée à l'adoption et de cas de traite d'enfants. En janvier 2003, le gouvernement vietnamien imposait un moratoire jusqu'à la signature de traités internationaux. Le Vietnam exigeait que le traité ait force de loi sur le plan international, ce que seule une entente signée avec le fédéral lui garantissait soutient le ministre Pettigrew. «Ce que le Vietnam exige, le gouvernement du Québec ne peut pas l'offrir», a fait valoir M. Pettigrew.

«Le noeud du problème c'est que nous avons un accord maintenant international signé par le Canada et que le gouvernement du Québec veut faire semblant que son entente est un traité international, a dénoncé le ministre Pettigrew. On veut que l'entente du Québec soit comme une entente qui tient en tant que telle, sans référence à l'accord international que le Canada a signé.» La veille, le premier ministre du Québec, Jean Charest, martelait que comme l'adoption s'inscrit dans les champs de compétence exclusivement provinciale, il revenait à Québec de signer un traité avec le Vietnam, un traité qui aurait la même portée que celui d'Ottawa. «Jamais pourra-t-on empêcher le Québec d'être présent, sans ses domaines de compétence, sur le plan international parce que personne ne peut parler à sa place», déclarait M. Charest, après avoir annoncé son refus de signer une simple entente. Encore plus, il affirmait que le différend ne découle pas de «questions de détails», et que les droits des enfants adoptés, définis dans l'entente, sont en jeu.

Le gouvernement Charest cherche à appliquer activement la doctrine Gérin-Lajoie, à la base de la politique internationale du Québec, mais cela ne semble pas aussi facile qu'il l'aimerait. Ottawa répète qu'il ne s'oppose pas à cette doctrine et est prêt à discuter de son application qui, visiblement suscite des heurts. De l'avis du ministre des Affaires étrangères, ce n'est pas le moment de faire une guerre de juridiction «sur le dos des enfants. La doctrine Gérin-Lajoie, c'est très gentil chez nous au Québec, on peut en parler au Canada. Au plan international, cette doctrine ne protégera pas les enfants. Ce n'est pas parce que vous avez une doctrine d'il y a 40 ans qu'au plan du droit international, elle va protéger les enfants.» M. Pettigrew dit espérer pouvoir rencontrer sous peu la ministre québécoise Monique Gagnon-Tremblay, en compagnie de leurs avocats respectifs, pour pouvoir régler la question.

Par Isabelle Rodrigue - La Presse Canadienne - 29 Juin 2005