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Trésors champas du Vietnam

Avec une exposition consacrée aux Sculptures du Champa, le musée Guimet fait revivre, jusqu’au 9 janvier 2006, un pan oublié de l’histoire du Vietnam, celui des royaumes Cham. Ces royaumes hindouisés de la péninsule indochinoise ont prospéré entre le Ve et le XVe siècle.

De la population Cham, il ne reste aujourd’hui qu’une minorité ethnique forte de quelque 150 000 personnes vivant essentiellement dans la région de Phan Rang; et, de la splendeur du royaume Cham, des vestiges artistiques qui, enfouis dans la jungle, ont été redécouverts à la fin du XIXe siècle, puis dispersés dans différents musées. Pour la première fois le musée Guimet a réuni ses trésors avec ceux des musées de Da Nang, de Hô Chi Minh et de My Son (Vietnam), de Zürich (Allemagne), et de Lyon (France). L’arrivée du Dai Viet date du XVe siècle donnant au pays son actuel nom de baptême, Vietnam.

L’exposition s’ouvre -comme elle se termine- par l’évocation des archéologues de l’Ecole française d’Extrême-Orient au début du siècle dernier. C’est un hommage rendu au travail des archéologues -Henri Parmentier, Jean-Yves Claeys et Philippe Stern- qui ont sorti de l’oubli cette civilisation brillante dont il ne reste aujourd’hui que quelques trésors témoins, parfois dans un état fragmentaire. En bronze, en or et en argent, en grès ou de pierre et de briques, ils ont subi les outrages du temps et des guerres.

Outre le grand Shiva, chef d’œuvre de la collection Cham du musée Guimet sont exposés divers trésors: ici une statuette en grès de la déesse Devi, dont les yeux (probablement des matières précieuses) furent arrachés par des pillards. Des mèches de cheveux retombent en favoris sur ses tempes, et elle sourit. Là, une autre statuette, drapée avec élégance, en bronze incrusté d’or et d’argent, et de pierres semi-précieuses, représente Tara, la grande déesse du bouddhisme tibétain. Ailleurs, une statuette représentant un personnage masculin, torse nu, portant bracelets, brassards, collier pectoral, pendant d’oreille, et diadème couvre-chignon.

Les Chams s’établirent au centre et au sud de la péninsule indochinoise

Souvent retrouvées mutilées, les quelque 96 pièces réunies pour l’exposition ont bénéficié de travaux de restauration grâce à une équipe internationale constituée de Vietnamiens, de Cambodgiens et de Français. La dernière salle, plongée dans la pénombre, évoque «le crépuscule des Chams» quand, au XVe siècle, les Viets, venus du Nord, leur infligent une défaite et procèdent quasiment à un génocide. Le commissaire de l’exposition, Pierre Baptiste souligne: «Le Champa disparaît définitivement de la carte géopolitique de l’Asie du Sud-Est en 1832, lorsque ses dernières possessions méridionales, déjà abandonnées depuis des siècles, sont englobées dans le Vietnam».

Qui aujourd’hui peut se targuer de bien connaître les Chams et leur civilisation ? En fait, «L’histoire ancienne du royaume cham est mal connue, indique Pierre Baptiste, qui ajoute que d’après les historiens : «Les premiers Chams, probablement d’origine austronésienne, sont venus s’établir le long des côtes et des vallées fluviales vers le Ve siècle avant notre ère». Le royaume cham, rival redouté des Khmers (Cambodge), désigne donc plusieurs royaumes qui ont prospéré dans les petites plaines côtières cernées de montagnes, près du col des nuages, au centre et au sud de la péninsule indochinoise.

Entre bouddhisme et brahmanisme

Restait alors à interroger ce que les Cams ou Chams, appartenant à cette confédération de royaumes indianisés -tantôt unifiée, tantôt morcelée-, ont légué à la postérité: quelques sanctuaires en briques appelés kalam -impressionnantes montagnes de pierre abritant le séjour des dieux-, ainsi que des statues de bouddha et de génies, des bas-reliefs, et quelques objets de la vie quotidienne.

Héritées de l’Inde ancienne, les conceptions religieuses oscillent entre bouddhisme et brahmanisme, ce que révèle la grammaire statuaire comme l’explique Pierre Baptiste: «Au long de plus de mille ans d’histoire, la principale religion pratiquée au Champa fut le shivaïsme, terme dérivé de Shiva («le propice)», un principe créateur. On retrouve également dans les bas-reliefs des éléments décoratifs et symboliques indiens comme des lions cabrés et des éléphants à la queue trop longue terminée par un toupet aussi peu réaliste que possible. D’après les historiens, le thème récurrent des «danseurs à l’écharpe» serai, quant à lui, davantage un thème emprunté au monde chinois, et attesterait des échanges qui étaient établis entre l’Inde et la Chine. Dès le premier siècle, les Chams adoptent le sanskrit. Les moines viennent enseigner la bonne parole bouddhique, les brahmanes apportent l’hindouisme», explique Pierre Baptiste qui poursuit : «Entre le IIIe et le Ve siècle, ils montrent tous les fondements de la pensée indienne. C’est au Champa que l’on trouve les œuvres les plus indianisées de l’Asie du Sud-Est.». Finesse des représentations des divinités, raffinement des matériaux, goût du détail et exubérance parfois des décors architecturaux, tout est souligné dans cette exposition avec le souci tant esthétique que pédagogique de mettre en valeur ce fragile héritage.

Par Dominique Raizon - Radio France Internationale - 24 Novembre 2005