~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Il y a 30 ans, Saïgon tombait

Les Vietnamiens ont célébré samedi le 30e anniversaire de la chute de Saïgon, qui devait marquer officiellement la fin de la guerre du Vietnam le 30 avril 1975. Un défilé militaire a suivi l'itinéraire des chars des troupes communistes nord-vietnamiennes lors de leur entrée dans la ville, aujourd'hui Ho Chi Minh Ville. Sous l'oeil des principaux dirigeants du pays et de héros de la guerre du Vietnam, soldats, fonctionnaires et artistes ont marché jusqu'au palais présidentiel, agitant le drapeau national rouge. Des centaines de vétérans vietnamiens couverts de médailles assistaient aux cérémonies.

Dans la tribune officielle, le président Tran Duc Luong avait pour invité d'honneur Raul Castro, le frère du dirigeant cubain Fidel Castro, fidèle soutien du régime communiste. Également à l'honneur, le général Vo Nguyen Giap, artisan de la défaite des forces françaises à Dien Bien Phu et de la déroute américaine. Des portraits géants d'Ho Chi Minh, le chef révolutionnaire, était partout sur le lieu du défilé et dans les rues adjacentes, qui avaient été fermées au public pour raison de sécurité.

Le 30 avril 1975, les chars communistes avaient forcé les grilles du palais présidentiel, siège du gouvernement de Saïgon soutenu par les Américains. La chute de Saïgon devait marquer la fin officielle de la guerre du Vietnam, qui tua quelque trois millions de Vietnamiens, et de la vaine tentative des États-Unis pour empêcher la propagation du communisme dans la région, qui coûta la vie à quelque 58 000 Américains. «J'écoutais la radio avec ma famille quand j'ai entendu que Saïgon avait été libérée», se rappelait To Thanh Nghia, un fonctionnaire de 51 ans qui participait au défilé. «J'étais très heureux parce que pendant plusieurs années nous n'étions pas libres. Trente ans après, nous avons reconstruit notre pays. Notre pays est en sécurité et je crois que l'avenir sera meilleur pour mes enfants».

«Dans nos deux (guerres de) résistance contre les agresseurs étrangers, les affrontements historiques de Saïgon seront toujours en tête», a déclaré le président Tran Duc Luong sous les acclamations de la foule. Il a salué en Ho Chi Minh Ville, ex-Saïgon, la «locomotive économique» du pays. Si le Vietnam se rappelait avec fierté les victoires sur les États-Unis et la France coloniale, l'accent était davantage mis sur l'avenir.

Aujourd'hui, la rue Le Duan où les chars communistes s'avançaient il y a 30 ans est l'adresse du Diamond Plaza, un grand magasin où les classes moyennes urbaines émergentes peuvent acheter des parfums français ou des chaussures italiennes. Sur la même artère, un grand hôtel français fait face au consulat américain.

Par Tini Tran - The Associated Press - 01 Mai 2005


Les jeunes aspirent à d'autres idéaux que leurs parents

Dans un Vietnam où 56% de la population est née après la fin de la guerre, l'avenir est davantage incarné par des adolescents écoutant de la musique pop, apprenant l'anglais et s'habituant au capitalisme, que par leurs aînés, révolutionnaires communistes, qui se sont battus pour l'indépendance du pays. La nouvelle génération utilise le téléphone portable, porte des jeans de marque, surfe sur Internet, conduit de nouvelles motos et croit fermement qu'avec du travail et des études -de préférence dans une université américaine-, elle peut accomplir de grandes choses pour le pays.

Vu Hai Minh, 17 ans, voudrait étudier l'économie à Singapour. «Les jeunes Vietnamiens ont beaucoup de talent», assure-t-il. «Ils veulent montrer qu'ils peuvent reconstruire le pays. Si le Vietnam peut vaincre la première puissance au monde, cela signifie qu'il a un énorme potentiel», ajoute-t-il, référence à la défaite des États-Unis dans la guerre qui s'est achevée il y a 30 ans.

Après le conflit, le Vietnam réunifié a vécu dans l'isolement et la pauvreté avant de commencer à ouvrir son économie dans les années 80. Aujourd'hui, le pays compte une nouvelle génération qui n'a pas connu la guerre, est passée des rizières aux salles de cours des universités, et est déterminée à faire jouer un rôle plus important à leur nation sur la scène internationale. «Tout le monde veut apporter quelque chose au pays, être prospère, en bonne santé et avoir plus de libertés», souligne Bao Chau, 16 ans. Cette lycéenne, qui parle un anglais parfait et aime les chanteuses américaines Jennifer Lopez et Britney Spears, veut suivre l'exemple de sa soeur, partie étudier en Californie.

Comme cette jeune fille, nombreux sont ceux qui aspirent à étudier aux États-Unis ou en Europe. Mais réussir à franchir le pas est plus difficile: alors que le revenu annuel moyen ne s'élève qu'à 550 dollars américains par an, seulement 3000 étudiants vietnamiens se sont inscrits dans des universités américaines l'an dernier. D'autres partent étudier plus près, à Singapour ou en Australie, et de plus en plus suivent une formation universitaire à l'intérieur même du pays, privilège autrefois réservé à une minorité.

Malgré l'ouverture au capitalisme et l'émergence d'une classe moyenne, le Vietnam reste un système de parti unique ne tolérant pas la contestation politique. Le Parti communiste, dirigé par des tenants de la vieille garde, semble déterminé à conserver son monopole sur le pouvoir, même si le régime s'est assoupli. «On ne peut pas dire et faire tout ce qu'on veut car il y a des lois qui régissent ce genre de chose», explique Hoai Thanh, 24 ans, qui dirige un magazine de rock clandestin à Hanoï. «Mais une fois que la jeune génération prendra le pouvoir, elle aura une bonne manière de gouverner». Hoai Thanh est revenue au Vietnam après une maîtrise de journalisme en Suède et espère des changements rapides. «La question n'est pas de savoir si le Vietnam suivra la voie du capitalisme ou du communisme, mais je pense que dans les 20 prochaines années, il sera un pays ouvert et moderne», dit-elle.

Reste que les symboles du capitalisme sont présents partout: des sacs Louis Vuitton dans les magasins de Hanoï, la capitale, au nord, aux berlines de luxe circulant à Ho Chi Minh-Ville, l'ex-Saïgon, au sud. Et de nombreux jeunes considérant l'anglais comme le passeport pour un avenir meilleur, les écoles de langues, surchargées, n'arrivent pas à répondre à la demande.

Enfin, si les autorités contrôlent strictement les médias et bloquent l'accès aux sites Web anti-communistes, elles ont autorisé Internet jusque dans des localités rurales, ouvrant ainsi la fenêtre sur des mondes dont de nombreux Vietnamiens ne soupçonnaient pas l'existence.

Par Margie Mason - The Associated Press - 03 Mai 2005


Ho Chi Minh reste adoré par ses concitoyens

Son visage émacié, barbiche au menton, orne les murs de millions de foyers et de bureaux, même ceux des sociétés étrangères, et ses enseignements sont étudiés par les enfants comme par les dirigeants du pays.

«Oncle Ho» avait vu le jour il y a 115 ans dans une cabane au toit de chaume et au sol en terre battue, et son village de Kim Lien, dans le centre du pays, est devenu un lieu de pèlerinage. Chaque année, quelque 1,5 million de personnes viennent voir l'habitation rustique où il est né et a passé son enfance. Les visiteurs se pressent également dans le musée qui lui est consacré. L'affluence est particulièrement forte à certaines périodes. Des centaines d'anciens combattants sont ainsi arrivés de tout le pays à l'approche des célébrations, samedi, du 30e anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam.

Le fondateur du Viet Minh, qui mena les guerres indochinoises, d'abord contre la France puis les États-Unis, ouvrant la voie à l'unification du Sud et du Nord-Vietnam, six ans après sa mort en 1969, reste une référence incontournable. Sa pensée demeure la principale source «de l'idéologie, des actes et de la politique» du Parti communiste vietnamien, qu'il fonda en 1930, souligne Tran Khak Viet, de l'Académie nationale politique Ho Chi Minh, qui forme les élites dirigeantes du pays.

Comment expliquer l'ouverture du pays au capitalisme? Tran Khak Viet note que Ho «voulait que le Vietnam soit plus prospère». De la même façon, la poursuite du système communiste, l'industrialisation rapide de l'économie et l'ouverture aux investissements étrangers et à Internet sont justifiés à l'aide des écrits interprétés et du mythe du père de la nation. Certes, Ho Chi Minh est moins populaire dans l'ancien Sud-Vietnam, allié des États-Unis pendant la guerre, et il est peu probable que les jeunes du nord passent beaucoup de temps à méditer sa pensée. Mais le sondage publié en 2000, qui le donnait comme la personnalité la plus vénérée du pays est sans doute toujours d'actualité. À la deuxième place, figurait le général-stratège Vo Nguyen Giap, le «Napoléon rouge», vainqueur des Français à Dien Bien Phu et dernier survivant de la «vieille garde», âgé aujourd'hui de 94 ans.

En revanche, le magazine ayant publié ce sondage affirmait que Bill Gates, cofondateur de Microsoft, était sept fois plus admiré que les membres du politburo, et que de nombreux jeunes ne connaissaient pas le nom des dirigeants du pays. La publication fut rapidement retirée de la vente... Ho Chi Minh est certainement plus populaire chez les jeunes que la doctrine communiste elle-même, estiment de nombreux observateurs étrangers. Les jeunes, qui ont la fibre nationaliste, voient en lui le père du pays, l'homme qui a libéré la nation de la tutelle étrangère. Les purges et autres aspects condamnables de son régime sont ignorées. Reste l'image du père, et son portrait peut côtoyer des posters de la chanteuse américaine Britney Spears sans offusquer personne.

Au Nord en tous cas, chez les plus anciens, le sentiment est encore moins équivoque. «Tous les Vietnamiens l'aiment», assure Do Van Viet, ancien combattant âgé de 75 ans, venu saluer la mémoire d'Oncle Ho sur son lieu de naissance. Cet ancien colonel a combattu les Français et les Américains, a été blessé huit fois. Mais les épisodes qui le rendent le plus fier de toute son existence, ce sont les quatre fois où il a rencontré Ho Chi Minh.

Par Denis Gray - The Associated Press - 03 Mai 2005