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Les séropositifs poussés à démissionner de leur poste

En théorie, la loi vietnamienne interdit la discrimination envers les travailleurs séropositifs. Mais, dans la réalité, l'absence de sanctions et les préjugés dans les entreprises poussent les malades vers la porte.

Thanh Huyen a 24 ans. Après un an à l'essai dans une compagnie d’import-export de produits aquatiques à Hochiminh-Ville, le pôle économique au sud du Vietnam, elle devait bénéficier d’un contrat à durée indéterminée et être affectée à un poste de contrôle de l'emballage. Pour cela, il lui fallait fournir un dossier complet, avec un certificat de santé. C’est alors que sa compagnie a découvert qu’elle était porteuse du Vih-Sida. Le chef du personnel a immédiatement décidé de l'affecter à un autre poste : le nettoyage des toilettes. Huyen a tenté d’obtenir un rendez-vous avec les responsables pour comprendre les raisons de son changement de statut. En vain. Elle a fini par envoyer une demande de démission. C’est ce qu’espérait la direction.

Le Thanh Hai, 27 ans, travaillait, lui, dans une banque. Diplômé d’une école supérieure de finance, il était expert en crédit. Quand son institution a appris qu’il était séropositif, suite à des tests de santé collectifs, Hai a été transféré au service administration. Pour lui, le pire a été le comportement de ses collègues. « Ils gardaient leur distance quand ils étaient obligés de me parler, faisaient très attention au verre dans lequel j’avais bu, à la chaise sur laquelle je m’étais assis… Tout le monde m’évitait, comme si j’étais un lépreux », raconte Hai. Lui aussi a choisi de mettre fin à son contrat : « Je n’en pouvais plus. J’ai démissionné, coupé ma ligne de téléphone. Je ne vois plus personne. Je reste à la maison pour attendre la mort ». Quant à Anh Tuan, il n’a même pas eu le choix. La fabrique de cigarettes où il travaillait, dans le centre du Vietnam, l’a licencié en invoquant ses absences répétées. « Je devais aller voir le docteur, se justifie Tuan. Le chef du syndicat gardait toujours le silence quand je venais lui demander de l’aide. Je n’ose pas porter plainte. Qui veut me protéger ? Ils vont plutôt se moquer de moi ! », déclare-t-il amer et résigné.

250.000 personnes atteintes du VIH

Huyen, Hai, Tuan… Trois carrières brisées parmi des milliers d'autres au Vietnam, un pays où le sida progresse rapidement. Les chiffres officiels font état de 250 000 personnes atteintes du Vih, mais la réalité est probablement plus grave. En ce qui concerne l'emploi, la loi stipule clairement qu'« il ne faut pas licencier les travailleurs atteints du virus Vih, ni avoir des attitudes discriminatoires envers eux ». Mais les patrons, mal informés par des campagnes alarmistes et inefficaces, profitent des grosses lacunes dans le droit du travail pour se débarrasser de leurs employés séropositifs. « Seul 1 % des entreprises qui sont basées dans les zones les plus frappées par cette épidémie s’engagent dans une réelle lutte contre le sida. Les autres considèrent toujours ce problème comme celui du gouvernement et de la société », constate Nguyen Quang Vinh, de la Chambre de commerce et d'industrie. Les spécialistes critiquent aussi l’approche utilisée pour les campagnes de prévention.

Les chefs d’entreprise rejettent les malades

« Jusqu’à maintenant, le message qu’on envoie pour sensibiliser aux problèmes du sida ressemble à une menace, avec des images terrifiantes : un crâne avec un squelette, un malade qui n’a que la peau sur ses os ou avec plein de chancres partout… Cela contribue à déshumaniser la maladie et à éloigner les gens », déplore le Docteur Trinh Quan Huan, directeur du Département de la médecine préventive et de lutte contre le sida.

Ces images expliquent en partie le rejet des chefs d’entreprise à l’égard de ces malades : « Les séropositifs sont souvent ceux qui se droguent ou qui ont des relations sexuelles avec les prostituées. Nous ne voulons pas avoir des gens comme eux chez nous », affirme l’un d’eux. Ce dernier a participé, avec trente autres responsables à une enquête de l’Onusida et du ministère vietnamien de la Santé. Parfaitement conscients d’être en porte-à-faux avec la loi, ces chefs d’entreprise n’ont pourtant pas hésité à exprimer leur point de vue : ils ne veulent pas embaucher de séropositifs et n’hésiteront pas à licencier leurs travailleurs atteints par le virus. Tous savent que, si la loi interdit toute discrimination à l’égard des malades atteints du Vih, elle ne prévoit aucune sanction en cas de violation. « Il n’existe aujourd’hui aucune organisation civile compétente pour protéger les travailleurs dans le cas où ils contractent la maladie », affirme Mme Thi Le Tram, directrice adjointe du Département de législation du ministère de la Santé. Il faut, insiste-t-elle, adopter d’urgence une nouvelle stratégie d’information sur le sida.

Par Nguyen Hang et Thi Huong - Syfia Vietnam - 19 Janvier 2005.