~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Adoption au Vietnam - Les parents québécois sont traités injustement

Le 27 juin dernier, le gouvernement fédéral signait enfin le traité international sur l'adoption avec le Vietnam après deux années et demie d'attente, une attente interminable pour les parents québécois comme pour les enfants du Vietnam. Tout semblait en place pour que le Québec signe dès le lendemain sa propre entente avec le Vietnam, comme chacune des provinces doit le faire afin de permettre l'application du traité.

Le 28 juin, un groupe de familles québécoises s'est rendu à Québec rencontrer la délégation vietnamienne afin de lui présenter leurs enfants adoptés au Vietnam : des enfants magnifiques, débordants de vie et de santé, que le premier ministre du Vietnam a pris dans ses bras, leur serrant les joues avec beaucoup d'affection. Un moment de grand bonheur pour nous tous.

Quelques heures plus tard, alors que nous attendions sur la colline parlementaire le résultat de la rencontre entre le premier ministre Jean Charest et le premier ministre vietnamien, ce sont les journalistes qui sont venus à notre rencontre nous annoncer que M. Charest avait refusé de signer l'entente Québec-Vietnam. Partagés entre la colère et l'incrédulité, nous avons appris dans les heures et les jours qui ont suivi, toujours de la bouche des journalistes, que le gouvernement fédéral avait imposé des changements de dernière minute à cette entente provinciale, provoquant du même coup la colère du gouvernement du Québec et son refus de signer.

L'adoption au Vietnam, une histoire d'abord et avant tout québécoise

On connaît bien les nombreux liens tissés entre le Québec et le Vietnam sur la base d'une culture francophone commune, d'une importante immigration et d'une intégration sociale particulièrement réussie chez cette communauté culturelle. On connaît peut-être moins bien le fait que l'adoption au Vietnam est d'abord et avant tout un fait québécois. Depuis le début des années 90 jusqu'au moratoire imposé en janvier 2003, on compte au Québec 520 adoptions d'enfants vietnamiens, constituant environ 75 % de toutes les adoptions d'enfants vietnamiens réalisées au Canada au cours de la même période.

C'est au Québec qu'est basé Terre des hommes pour les enfants, l'organisme d'adoption internationale le plus important au Canada en ce qui concerne le Vietnam. Terre des hommes est aussi un organisme de développement humanitaire et soutient des programmes médicaux, sociaux et éducatifs destinés aux enfants orphelins qui ne seront pas adoptés. Cet organisme collabore aussi à des projets de recherche portant sur l'adoption et l'enfance abandonnée, en lien avec les milieux scolaires québécois. Étant donné l'importance et la durée de son implication dans le pays, Terre des hommes pour les enfants a tissé des liens approfondis avec le Vietnam, s'assurant ainsi de réaliser chacune de ses adoptions en respectant les règles d'éthique et de droit. Contrairement à des adoptions réalisées au Vietnam par d'autres pays, aucune des adoptions réalisées par Terre des hommes pour les enfants n'a fait l'objet de suspicion de fraude ou de corruption. On parle ici de près de 450 adoptions réalisées avec succès par ce seul organisme. Comme l'organisme a oeuvré principalement au Vietnam depuis le début des années 90, le moratoire sur les adoptions qui se prolonge maintenant depuis plus de 20 ans menace sa survie même ainsi que la poursuite de nombreux projets humanitaires amorcés au Vietnam en collaboration avec des autorités médicales québécoises.

Au cours des trois dernières années, ce sont les parents et les organismes québécois, appuyés par leurs partenaires institutionnels, qui ont été les plus ardents défenseurs du dossier de l'adoption au Vietnam auprès des autorités fédérales. Nous avons assuré un suivi constant de la situation auprès du ministère des Affaires extérieures du Canada au moyen de contacts téléphoniques très réguliers, d'envoi de lettres, de pétitions, etc. Une délégation de Terre des hommes pour les enfants s'est rendue à Ottawa en avril dernier afin de rencontrer le fonctionnaire responsable du dossier.

Tout au long de ces démarches auprès du ministère des Affaires extérieures, nous avons été maintenus dans une position d'ignorance et traités avec condescendance, voire avec insensibilité. On nous a dit que notre dossier n'était pas jugé prioritaire et que les délais à conclure les négociations entre le Canada et le Vietnam étaient tout à fait normaux, faisant fi de la dimension humaine du dossier et des multiples conséquences de la prolongation de ces délais. On nous a même laissé entendre que notre décision de porter notre cause devant les médias et l'opinion publique pourrait se retourner contre nous.

Malgré notre présence très active et nos demandes pressantes à cet effet, jamais nous n'avons été informés directement par le ministère des Affaires extérieures de l'évolution du dossier. Au cours des dernières semaines et même dans les dernières heures précédant la signature du traité entre le Vietnam et le Canada, c'est l'ambassade du Vietnam qui nous a informés de l'évolution de la situation et de la signature imminente, le ministère des Affaires extérieures continuant de maintenir à notre égard une attitude hermétique frôlant par moments la cruauté mentale.

Le Canada indifférent à son propre avenir ?

Et pendant tout ce temps, qu'essayons-nous de faire ? Nous voulons bâtir des familles, contribuer à l'édification de la société de demain. Ces enfants abandonnés que nous allons adopter au Vietnam constituent un apport social et démographique inestimable pour une société en déclin comme la nôtre. D'ailleurs, des pays scandinaves auxquels nous aimons bien nous comparer (quand ça fait notre affaire... ) ont reconnu ce fait et subventionnent directement les frais d'adoption internationale encourus par les familles. La démographie mondiale évolue à très grande vitesse. Les sociétés de l'avenir seront des sociétés de métissage, des sociétés ouvertes sur le monde; ceux parmi nos dirigeants qui veulent continuer d'ignorer cette réalité condamnent notre propre société à une mort lente et inéluctable. Et l'avenir, ça commence aujourd'hui. Les gouvernements fédéral et provincial ont le devoir absolu de négocier maintenant l'entente Québec-Vietnam jusqu'à la résolution du litige, et ce, avant la fin du mois de juillet. En tant que citoyens, après tout ce que nous avons fait et voulons continuer de faire pour donner un avenir à notre pays, nous sommes en droit de l'exiger.

Par Nicole Nadeau - Le Devoir - 15 Juillet 2005