~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
Le portail de l'actualité vietnamienne

Année :      [2005]      [2004]      [2003]      [2002]      [2001]      [2000]      [1999]      [1998]      [1997]

L'église du Vietnam ordonne 57 nouveaux prêtres et retrouve une fierté

HANOI - La cathédrale de Hanoï a rayonné mardi d'une étonnante ferveur au cours de la cérémonie d'ordination de 57 nouveaux prêtres, célébrée en présence d'un haut représentant de Rome venu présider ce réveil empreint de piété de l'église catholique du Vietnam. Les diacres ont reçu la bénédiction du cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, lors de cette cérémonie en plein air de trois heures suivie par des milliers de fidèles devant la cathédrale Saint-Joseph.

L'église du Vietnam, qui offrait ainsi aux diocèses du nord du pays une véritable renaissance après plusieurs décennies de restrictions, sinon d'oppression politique, ne pouvait qu'exprimer ses remerciements au représentant du Vatican. "Nous vous sommes très reconnaissants, éminence, de nous avoir apporté cette grande joie indicible", a déclaré en français l'archevêque de Hanoï, Mgr Joseph Ngo Quang Kiet, se félicitant de cette "occasion de ranimer la foi, la joie et l'espérance chez les fidèles du pays".

La cérémonie, la plus importante pour les catholiques du Vietnam depuis plus de dix ans, s'est déroulée en latin et en italien, traduite en vietnamien, en présence de nombreux prêtres et évêques du pays et sous le regard de nombreux policiers en civil. Alignés devant le prélat, les 57 diacres ont promis fidélité à Dieu et dévouement dans leur sacerdoce avant de s'allonger face contre terre, pendant que la foule reprenait des chants préparés depuis plusieurs jours. Un à un, ils ont ensuite revêtu leur robe de prêtre. Aucun des faits et gestes de Mgr Sepe n'a échappé à la foule. Ni son salut en langue vietnamienne, ni la chaleureuse accolade donnée au cardinal de Hanoï, Mgr Pham Dinh Tung, frêle vieillard de 86 ans.

A la fin de la cérémonie, le représentant de Rome est descendu de l'estrade installée devant l'édifice religieux pour distribuer le pain aux fidèles. Les prêtres qui venaient d'être ordonnés ont eux aussi parcouru la rue noire de monde, célébrant l'eucharistie avec ces paysans, vieillards, gens de petite condition trop heureux de profiter d'une cérémonie qui, il y a quelques années, eut été inconcevable.

Lors de l'exode de 1954, qui avait suivi l'établissement du pouvoir communiste sur le nord du pays, une importante partie du clergé avait suivi les communautés catholiques dans divers diocèses du sud, laissant la partie nord du pays pratiquement sans représentant catholique. La situation s'est améliorée graduellement depuis le début des années 90 et l'église catholique jouit de relations chaque jour plus détendues avec le régime communiste de Hanoï.

"C'est la plus importante cérémonie d'ordination de prêtres que j'ai jamais vue", s'est réjoui Nguyen Van Tong, un catholique de 80 ans venu de la province de Ha Nam, à 60 km au sud de Hanoï. La communauté catholique vietnamienne est la deuxième en Asie, avec un peu moins de 6 millions de catholiques, soit 7% de la population, derrière les Philippines et en l'absence de chiffres officiels en Chine. Mais le Vietnam n'entretient pas de relations diplomatiques avec le Vatican. Mardi, Mgr Sepe a aussi annoncé la nomination d'un évêque auxiliaire dans le diocèse de Phat Diem, le plus important du pays, à une centaine de kilomètres de Hanoï. Il doit se rendre cette semaine à Ho Chi Minh-Ville (sud) puis inaugurer le nouveau diocèse de Ba Ria (sud-est).

Agence France Presse - 29 Novembre 2005


Hanoï fait les yeux doux aux catholiques vietnamiens

HANOI - L'ordination mardi à Hanoï de 57 nouveaux prêtres témoigne du dynamisme des catholiques au Vietnam, imputable certes à leur vitalité propre mais aussi au bon vouloir des autorités, bien disposées à l'égard de fidèles qui se gardent de faire de la politique. Les protestants du pays peinent à développer le culte, les responsables de l'église dissidente bouddhiste sont en résidence surveillée. Mais les catholiques récoltent de nombreux signes positifs du pouvoir communiste.

Outre qu'elle est implantée au Vietnam depuis la période coloniale, l'Eglise catholique bénéficie d'une hiérarchie claire. Ho Chi Minh, fondateur vénéré du Vietnam moderne, avait admis dès 1956 le lien entre l'église du Vietnam et Rome. "C'est plus facile pour les Vietnamiens de traiter avec les catholiques. Il y a l'Eglise, le Vatican, toute cette structure", relève un diplomate à Hanoï. A l'inverse, "les protestants n'ont pas d'interlocuteur. Chaque église est différente de l'autre".

Les catholiques savent en outre s'en tenir aux activités religieuses. Quand les dissidents bouddhistes réclament la démocratie et que les protestants sont soupçonnés d'être manipulés par des groupes aux Etats-Unis, les catholiques restent au-dessus de tout soupçon. "Ils ne représentent pas un danger parce qu'ils ne remettent pas en cause le pouvoir de l'Etat du point de vue vietnamien", ajoute le diplomate. Les experts soulignent aussi que Rome se garde, depuis longtemps, d'évoquer publiquement les droits de l'homme. "Le point de vue du Vatican est clair (...): les relations diplomatiques peuvent être rétablies sans délai, elles ne sont pas liées à la situation des droits de l'homme ou même de la liberté religieuse", explique le Père Jean Maïs, d'Eglise d'Asie (EDA), l'agence d'information des Missions Etrangères de Paris.

Le prêtre paraphrase une image chère à Mgr Claudio Maria Celli, qui a longtemps dirigé la délégation vaticane à Hanoï: "L'Eglise catholique au Vietnam est libre comme l'oiseau est libre dans la cage. L'exercice consiste à élargir le plus possible la taille de cette cage". Du coup, la communauté se porte bien. Le Vietnam compte un peu moins de 6 millions de catholiques, soit 7% de la population. "Le nombre d'ordinations et de déplacements de prêtres a augmenté. Les formalités relatives à l'édification des églises sont devenues relativement aisées. Les activités religieuses sont revenues à la normale et sont empreintes de davantage de solennité et de piété", se réjouissait le rapport de l'assemblée annuelle des évêques vietnamiens en septembre.

Depuis 1990, le Vietnam et le Vatican connaissent une améloration sensible de leurs liens, même sans rétablir leurs relations diplomatiques. Et chacun s'accorde à penser que l'avenir ne peut que confirmer l'ouverture. Car Hanoï a besoin de faits concrets pour espérer que Washington l'enlève de la liste des "pays les plus préoccupants" en matière de liberté religieuse, où elle a été maintenue cette année. L'ordination de mardi, présidée par le cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, peut être présentée à Washington comme un de ces gestes.

"Ce qui est en jeu, c'est aussi les relations entre Hanoï et les Etats-Unis", analyse Régis Anouil, rédacteur-en-chef d'Eglises d'Asie. "Sans doute que le gouvernement peut tirer grand profit en annonçant un geste comme celui-là, et ce à moindre frais", ajoute-t-il, en évoquant la possibilité d'un "calcul" politique de la part du pouvoir de favoriser les catholiques.

Agence France Presse - 29 Novembre 2005


L'Eglise du Vietnam en reconstruction

57 diacres devaient être ordonnés prêtres à Hanoï par le cardinal Sepe. Cet événement, qualifié d'historique, témoigne d’une certaine ouverture du régime communiste Ce mardi 29 novembre au matin, à 3 heures (heure de Paris), 57 diacres appartenant à huit diocèses du Vietnam du Nord devaient être ordonnés prêtres dans la cathédrale de Hanoï par le cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, en visite là-bas. «L’Église du Vietnam a voulu marquer le coup, explique le P. Jean Maïs, prêtre des Missions étrangères de Paris et membre de l’équipe de rédaction d’«Églises d’Asie». Et l’initiative a reçu l’accord des autorités vietnamiennes. Ces ordinations illustrent la résurgence et le renouveau du clergé du Nord-Vietnam. On peut aussi y lire une amélioration ou du moins un certain réchauffement dans les relations entre le gouvernement vietnamien et le Saint-Siège.»

L’Église du Vietnam, en effet, revient de loin. En 1954, après les accords de Genève qui entérinaient le partage du pays en deux zones, de part et d’autre du 17e parallèle, 700 000 catholiques (sur un million de réfugiés) ont fui le Nord par villages entiers. L’Église du Nord s’est alors trouvée affaiblie, persécutée, en butte aux tracasseries des autorités civiles et des commissaires politiques. Pour le régime communiste, le christianisme c’est l’ennemi. En 1975, après une guerre longue et cruelle (1963-1975), Hô Chi Minh et ses troupes «libèrent» le Sud. Le pays est réunifié, et le parti étend sa domination de Hanoï à Hô Chi Minh-Ville (Saïgon). Le nouveau régime entreprend de supprimer les religions et n’hésite pas à arrêter des évêques, des prêtres, des religieux, des catéchistes et des responsables de communautés. Les grands procès se multiplient. Les activités de l’Église sont ou interdites ou soumises à autorisation. Habitués – si l’on peut dire… – aux persécutions depuis le XVIIIe siècle, les chrétiens s’organisent, résistent, maintiennent vives leur foi et leurs traditions.

Un à un, quelques séminaires rouvrent leurs portes

À la fin des années 1980, changement de cap ! «Depuis le 6e congrès du Parti communiste en décembre 1986, l’espace de liberté de l’Église catholique au Vietnam s’est peu à peu étendu, déclare en novembre 1990, lors de la première visite ad limina à Rome, Mgr Paul-Marie Nguyên Minh Nhât, évêque de Xuân Lôc. Les évêques peuvent désormais circuler plus facilement dans leurs diocèses respectifs… Ces deux dernières années, j’ai aussi eu la joie d’ordonner de nouveaux prêtres pour mon diocèse, dix l’an dernier et cinq cette année.»

En 1990, le voyage du cardinal Roger Etchegaray, délégué spécial du pape, est un véritable succès. «Ce fut une visite fabuleuse, se souviennent les témoins avec émotion. Les gens se pressaient pour le saluer. Il était même arrivé à séduire les personnalités du bureau politique.» En 1991, au 7e congrès du Parti communiste, le ton change vraiment. Le sentiment religieux n’est plus présenté comme une manifestation réactionnaire et antisociale, mais comme une donnée quasi permanente de la mentalité populaire. La religion n’est pas nuisible ; elle peut même avoir une certaine utilité sociale. Suit la recommandation adressée aux cadres politiques et administratifs «d’abandonner toute marque d’étroitesse d’esprit, tout préjugé et toute marque de discrimination à l’égard de nos compatriotes croyants». Un à un, quelques séminaires rouvrent leurs portes, mais le nombre des séminaristes est toujours défini par les autorités politiques qui étudient les candidatures et donnent ou non leur accord.

Le gouvernement ne lâche toutefois pas la bride

Malgré quelques signes d’ouverture, le gouvernement ne lâche pas la bride. À l’issue de leur assemblée d’octobre 1992, les évêques adressent une pétition, restée apparemment sans réponse, au premier ministre et au Bureau des affaires religieuses, pour que leur soient accordées un certain nombre de libertés : circuler dans leur diocèse, ouvrir de nouveaux séminaires, avoir des relations avec le Saint-Siège et les autres Églises, éditer des revues… Quelques personnalités, comme le P. Nguyên Van Ly, ont choisi de s’opposer de front à cet arsenal juridique et policier. Mais, dans leur majorité, les évêques et les fidèles préfèrent miser sur la patience, le dialogue et les bonnes relations de proximité. Malgré les difficultés, les communautés ont continué à vivre et à se développer.

«Née au Vietnam en 1966, au lendemain du Concile, témoigne Sœur Marie-Paulette, oblate de l’Assomption, j’y ai grandi jusqu’en 1977, année du départ de notre famille pour la France à cause de la guerre… Ce qui m’a frappée en rentrant en 1993, c’était de découvrir la force et le courage de cette jeune Église à conserver l’héritage reçu et à essayer d’en vivre. La génération du Concile a été élevée sous la persécution, mais elle s’est lentement approprié l’esprit de Vatican II grâce aux contacts clandestins avec l’extérieur. Depuis ces six dernières années, grâce à la relative liberté religieuse consentie par le gouvernement, elle est en train de se former et d’accélérer du coup son processus de maturation.»

"Ordonnance sur la croyance et la religion"

Depuis 1997, Didier, cadre dans une maison d’édition, se rend chaque année au Vietnam, dont il a appris la langue. Il est surtout frappé par l’extraordinaire développement économique. «Enrichissez-vous» semble être le mot d’ordre général. «Sur le plan religieux, observe-t-il, l’évolution est lente. L’Église est toujours soumise à d’innombrables contrôles et autorisations. Elle n’a toujours pas le droit d’étendre ses activités au-delà du culte, de quelques écoles maternelles et centres pour sidéens.» Mgr Bernard-Nicolas Aubertin était au Vietnam au début de ce mois, pour la cinquième fois. «Au fil des années, confie l’archevêque de Tours, on constate quand même une certaine ouverture. Les séminaires, plus nombreux, accueillent de plus en plus de candidats. On construit de nouvelles églises. La vie religieuse et monastique y est aussi très vivante. Au cours de mon séjour, j’ai pu assister à la profession religieuse de dix jeunes cisterciens et à la consécration d’une église abbatiale.»

Avec patience et détermination, l’Église supporte les alternances de chaud et de froid que lui infligent les autorités civiles, les autorisations inespérées et les contrôles tatillons. C’est ainsi que l’an dernier une délégation du Bureau gouvernemental des affaires religieuses est allée, «avec des fleurs exprimant leur bonne volonté», présenter aux évêques la toute nouvelle «ordonnance sur la croyance et la religion».

Les observateurs restent circonspects

Préparée de longue date, adoptée le 18 juin 2004, cette ordonnance a tout de suite fait l’objet de sérieuses critiques de la part des évêques, car «elle ne tient pas compte des aspirations et des besoins des croyants en matière de liberté religieuse». Pour le cardinal Jean-Baptiste Pham Minh Mân, elle est même pire que celle qui avait été votée en 1955 sous Ho Chi Minh. Comment, dans ce contexte, interpréter certains gestes positifs, comme cette ordination à Hanoï de 57 nouveaux prêtres ? Les observateurs sont circonspects. «Le Vietnam, assure l’un d’eux, s’ouvre au tourisme et au marché. Il veut donner de lui une image rassurante de pays libre. Or, coup sur coup en 2004 et en 2005, il a été mis sur la liste des ‘‘ pays plus particulièrement préoccupants dans le domaine de la liberté religieuse ’’ par le Rapport annuel sur la liberté religieuse dans le monde publié par les États-Unis. Il est clair que ces derniers mettent la pression. La visite du cardinal Sepe et l’ampleur de ces ordinations sont, pour l’Église et le gouvernement, une bonne occasion d’adresser un message au monde entier.»

Par Bernard Jouanno - La Croix - 28 Novembre 2005

Une présence minoritaire mais importante

Au 31 décembre 2004, l’Église catholique comptait 5.776.972 fidèles au Vietnam, sur une population totale de 82 millions d’habitants – soit un pourcentage de 7,04%. Bien que minoritaire, elle assure une présence impressionnante avec 26 diocèses, 1 500 paroisses, 3 000 prêtres, 1 250 séminaristes (sans compter les 1 700 sur les listes d’attente), 2 000 religieux et 12 000 religieuses, ainsi que 54 000 catéchistes. Conséquence de la guerre, les fidèles se répartissent de manière inégale au nord (5% de la population totale), au centre (7%) et au sud (9%).

Sources : "Églises d’Asie", Dossiers et documents, n° 9/2005.