Le marché du bébé vietnamien
MONTREAL - En ce moment, tout le monde semble se réjouir du fait que, finalement, Ottawa et Québec s'entendent sur l'adoption d'enfants vietnamiens. Mme Monique Gagnon-Tremblay, ministre québécoise des relations internationales déclare même: «J'espère (qu'on pourra) adopter le plus d'enfants possible». Comme s'il s'agissait d'un commerce international, de stimuler l'économie.
Au Vietnam, où j'ai vécu un an, j'ai vu un couple de Français acheter un enfant dans un village près de Hoi An (ce qui se fait en payant les parents directement, puis les fonctionnaires pour les papiers).
Trois semaines plus tard, je suis retournée dans ce village. J'étais accompagnée d'un touriste français qui était là depuis plusieurs mois. Une femme, qui croyait que nous étions un couple, s'est approchée de nous avec son enfant de quelques mois. Elle nous l'a offert pour 300 $US. Nous avons su que cette femme s'était fait mettre enceinte afin d'éponger les dettes de ses parents. Le cas n'est pas exceptionnel.
J'ai eu ce genre d'offre plusieurs fois. On m'a même offert une fillette de sept ans qui comprenait tout et qui s'est jetée sur le plancher en hurlant. Beaucoup de Vietnamiens sont pauvres et prêts à tout pour survivre (d'ailleurs ce n'est certainement pas que le cas du Vietnam). [...]
Qui s'est demandé de quelle façon ça se passait là-bas ? Nos politiciens sont-ils allés voir ? Adopte-t-on des enfants pour leur venir en aide ou devient-on complice d'un marché où l'on produit et vend des bébés ? Après les animaleries, verra-t-on des "nourrissonneries" ?
Pourquoi le Vietnam a-t-il tant de bébés à adopter ? Que fait le Canada pour contribuer à résoudre ce problème à la source ? Pourquoi le Vietnam en particulier ? Ces ententes sont-elles couplées à des ententes commerciales ? Je nous trouve bien naïfs.
Il est grand temps de voir au-delà de nos envies de consommateurs et de cesser de fermer les yeux sur les questions les plus importantes.
Par Camille De Guire - Le Devoir - 19 Septembre 2005
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