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L'OMS estime que la grippe aviaire menace le monde entier

HO CHI MINH-VILLE - La communauté internationale doit agir rapidement pour faire en sorte qu'une nouvelle pandémie mondiale de grippe, qui tarde à apparaître, ne soit pas provoquée par la grippe aviaire qui a fait 46 morts en Asie du Sud-Est, a averti l'OMS. Une épidémie de grippe à échelle mondiale intervient généralement tous les 20 à 30 ans. Or la dernière est apparue il y a déjà 40 ans. L'une des plus célèbres est la pandémie de grippe espagnole de 1918 qui avait fait entre 20 et 40 millions de morts.

"Le monde est aujourd'hui exposé à un danger très grave de pandémie", a déclaré mercredi Shigeru Omi, le directeur de l'Organisation mondiale de la santé, lors d'une conférence internationale sur la grippe aviaire au Vietnam, le pays le plus touché par le virus H5N1. Omi a jugé "très probable" que ce virus, qui se propage en Asie du Sud-Est depuis la fin 2003, soit à l'origine de la prochaine pandémie mondiale de grippe si aucune action concertée n'est décidée au niveau international pour l'enrayer.

"Je crois qu'une pandémie de grippe frappe à la porte", a de son côté déclaré le professeur Albert Osterhaus, éminent virologue de l'hôpital universitaire Erasme de Rotterdam. Pour donner lieu à une pandémie, le virus H5N1 devrait soit s'adapter suffisamment de son propre chef, soit mêler une partie de son bagage génétique à celui d'un virus humain, ce qui le rendrait très contagieux au sein d'une population dès lors privée de toute protection.

Un virus très mortel mais peu contagieux

"Nous ne savons pas si le virus (...) H5N1 sera finalement capable de mêler son matériel génétique à celui d'un virus de grippe humaine", a dit Osterhaus. "C'est la grande question". Pour Joseph Domenech, de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), il appartient aux pays riches de se mobiliser. "S'ils n'en font pas davantage, le problème pourrait tôt ou tard apparaître chez eux", a-t-il dit aux journalistes à Ho Chi Minh-Ville, où se déroule la conférence. "La balle est dans leur camp".

La dernière épidémie de grippe aviaire au Vietnam a fait 13 morts. Toutes les victimes semblent avoir été en contact avec des oiseaux infectés. Lors du premier sommet sur la question, l'an dernier à Bangkok, les experts s'étaient dits confiants quant aux possibilités d'éradiquer le virus. Cette fois, la plupart s'accordent à dire que ne serait-ce que contenir la maladie pourrait prendre des années car le virus, très peu connu, a sauté la barrière des espèces en contaminant notamment des chats, des léopards et même des mouches. "Le virus H5N1 est celui qui a le plus de risque de s'adapter et de donner lieu à une souche de pandémie parce qu'il ne va pas être facile de l'éradiquer", a estimé Laurence Tiley, virologue de l'université de Cambridge.

Mais il a nuancé les craintes de pandémie en faisant remarquer que si le virus avait tué une très grande partie des personnes infectées, il restait "pour le moment très peu contagieux" chez l'homme. Près de 140 millions d'oiseaux de basse cour ont été éradiqués depuis le début de l'épizootie pour un coût financier que certains estiment à 10 milliards de dollars. Selon Domenech, les pays touchés par la grippe aviaire vont avoir besoin de centaines de millions de dollars pour faire face à l'épidémie et éduquer les populations. "C'est une maladie rurale et les gens ont des habitudes très ancrées qui sont difficiles à modifier.

Par Darren Schuettler - Libération - 23 Février 2005.


Les éleveurs vietnamiens exsangues face à la grippe aviaire

TAN AN - Journalistes et responsables sanitaires s'affairent autour de Do Van Hoi, un paysan du sud du Vietnam dont les volailles ont été dévastées par la grippe aviaire, quand une vendeuse de tickets de loterie se présente à la ferme. Vêtue de noire, elle porte un masque qui la protège autant de la boue et du soleil que du très redouté virus H5N1. Elle espère que le paysan lui prendra un ticket. "Je n'ai pas assez d'argent pour me refaire à une même échelle que l'an passé", dit-il.

Deux de ses hangars sont vides. La faute au retour de l'épidémie de grippe aviaire depuis fin décembre. "Je veux qu'ils luttent contre la maladie", implore-t-il à l'adresse des experts internationaux réunis à Ho Chi Minh-Ville, à 55 kilomètres au nord, pour évoquer les moyens de combattre le virus. Hoi a de la chance, malgré la perte de la moitié de son élevage, il possède toujours 10.000 poulets. Mais le responsable du département de santé animale de la province de Long An ne lui propose rien de réjouissant. "Nous voulons que les petits fermiers se reconvertissent dans le poisson ou les vaches", dit-il. "L'élevage de poulets ne devrait être laissé qu'aux grands fermes". "Il faut du capital pour élever des vaches", répond Hoi.

Samuel Jutzi, directeur de la production et santé animale de l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), tente d'aborder la question dans toutes ses composantes. "Les grandes fermes commerciales ont les moyens d'assurer une biosécurité stricte et de réduire les risques de contamination", estime-t-il. "Mais dire que les élevages familiaux doivent disparaître est difficile à soutenir sur le plan social, économique pour les paysans ainsi qu'en terme de nutrition". L'important, selon lui, est "d'essayer de les aider à trouver des moyens de rendre leurs fermes moins vulnérables".

En attendant, les paysans qui reçoivent peu sinon aucune compensation financière de l'Etat, se sentent piégés. "J'ai élevé des canards pendant 50 ans et soudain, je dois tout abandonner", proteste Tran Hung Long, éleveur dans l'ouest de Ho Chi Minh-Ville, la capitale économique du sud où l'élevage est désormais interdit. "Je dois obéir à la politique du gouvernement, emmener mes canards hors de la ville, ce qui veut dire sacrifier mes affaires pour le pays. Mais le gouvernement ne devrait pas traiter tout le monde come ça", se plaint-il. Sa ferme offre un triste tableau après la vente de ses 2.000 canards. Des herbes folles poussent ici et là et les équipements gisent sur le sol.

Son fils est en colère. "Bien sûr, la santé de la communauté est très importante, mais je pense que la raison principale de l'interdiction de l'élevage en ville est que les autorités craignent de ne plus voir les touristes", souffle-t-il.

Agence France Presse - 23 Février 2005.