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Malgré la surveillance, les catholiques du Vietnam veulent espérer

Si le nouveau Pape Benoît XVI devait renouer des liens diplomatiques avec le Vietnam, les fidèles seraient nombreux à espérer sa visite à Phat Diem, le fief catholique du pays, où trône une étonnante cathédrale aux faux airs de temple oriental. Jusqu'à 10% des 82 millions de Vietnamiens sont catholiques et ils ne sont pas moins de 150.000 à Phat Diem, le plus grand des 25 diocèses du Vietnam, à 120 kilomètres au sud de Hanoï.

Sur la très lourde tutelle de l'Etat et du parti communiste vietnamien (PCV), le Père Phero Nguyen Hong Phuc, 48 ans, affirme : "nous sommes indépendants". Mais quatre responsables locaux écoutent ses réponses. Depuis plusieurs années, le sort des catholiques vietnamiens s'est amélioré. Et ils étaient près de 1.000, dimanche dernier, à assister à la deuxième messe de la journée, dont les prières sont couvertes par les chants des grillons. "Je suis très heureuse", dit Maria Tran Thi Kinh, 82 ans, vêtue de la robe traditionnelle vietnamienne avec un fichu sur la tête. "Ca me donne envie de vivre longtemps et de profiter de la vie", ajoute-t-elle, précisant que c'est la dixième fois qu'elle vient de son village natal pour voir la cathédrale. L'édifice du XIXe siècle à l'architecture sino-vietnamienne offre un superbe exemple du syncrétisme vietnamien, qui permet à chaque religion d'ajouter à l'orthodoxie dogmatique un peu de croyances locales et de culte des ancêtres.

Mais le rapport des croyants au pouvoir de Hanoï reste complexe. Les catholiques de Phat Diem se sont battus aux côtés des Français pendant la période coloniale, dans les années 1940 et 1950. Après l'indépendance de 1954, beaucoup ont fui vers le sud. Quelques-uns en sont revenus après l'unification du pays sous la bannière communiste, en 1975. Aujourd'hui, leur foi est toujours considérée comme suspecte aux yeux d'un PCV qui craint de voir contestée l'allégeance du peuple. L'ordination des prêtres est limitée et la nomination des évêques contrôlée.

Depuis la mort de Jean Paul II, guère apprécié par Hanoï tant il était considéré comme le fossoyeur du communisme, l'espoir renaît d'une vraie normalisation. Hanoï a envoyé ses condoléances au Vatican. Et l'évêque de Phat Diem, Joseph Nguyen Van Yen, a pu se rendre aux funérailles du souverain pontife. "Nous avons des problèmes pour rénover les églises en ruines dans certaines régions, nous ne pouvons pas récupérer des terres dans d'autres", admet le prélat dans un entretien uniquement possible au téléphone. "Le gouvernement est assurément capable de libérer les terrains, mais cela reste compliqué pour nous de les récupérer. Je ne sais pas pourquoi". Il admet néanmoins aussi une vraie amélioration du contexte général. "Nous voulons avant tout voir l'établissement rapide de relations diplomatiques entre le Vietnam et le Vatican (...). Nous croyons en un avenir meilleur".

Un diplomate étranger à Hanoï confirme que les temps changent. Les prêtres peuvent ainsi désormais aller d'un diocèse à l'autre. "Ils pourraient avoir cinq ou dix fois plus de prêtres. Mais c'est toujours envisagé de façon très restrictive par les autorités vietnamiennes", reconnaît-il toutefois. En attendant, les fidèles font avec ce dont ils disposent. "Je veux apporter la foi aux autres", affirme Nguyen Thi Thuy, 20 ans, qui a parcouru 50 kilomètres pour assister à la messe à la cathédrale. Mais les mentalités sont lentes à évoluer. L'enthousiasme de Thuy agace un peu un responsable local. "Elle veut partir maintenant", assure-t-il, impatient. La visite est terminée.

Agence France Presse - 3 Juin 2005