Le Premier ministre vietnamien effectue une visite historique
Phan Van Khai est le premier chef de gouvernement vietnamien à effectuer une visite officielle aux Etats-Unis depuis la fin de la guerre du Vietnam. Très forte sur le plan symbolique, celle-ci comporte également un volet économique important, le Vietnam recherchant le soutien de Washington pour rejoindre l'OMC.
Le Premier ministre vietnamien Phan Van Khai savait que sa présence sur le sol américain ne laisserait pas indifférente la communauté vietnamienne qui vit aux Etats-Unis, estimée à 1,5 million de personnes. Beaucoup ont en effet fui le régime communiste de Hanoi et s'opposent à cette visite historique, Phan Van Khai étant le premier chef de gouvernement vietnamien invité officiellement aux Etats-Unis depuis la fin de la guerre entre les deux pays, voici trente ans.
Le Seattle Times rapporte ainsi que plusieurs centaines de personnes se sont réunies sous les fenêtres du Fairmont Olympic Hotel dans lequel était logée la délégation vietnamienne lors de la première étape de sa visite de trois jours aux Etats-Unis. "Nous sommes dans un pays libre mais, au Vietnam, les gens sont opprimés", a expliqué Sai Nguyen, venu réclamer la chute du régime communiste en compagnie de nombreux membres de la Coalition américano-vietnamienne du nord-ouest des Etats-Unis. "Pour beaucoup d'Américano-Vietnamiens, Khai, qui a commencé son militantisme révolutionnaire en 1947 et qui était un conseiller du gouvernement nord-vietnamien pendant la guerre du Vietnam, représente toujours le régime répressif qu'ils ont fui", note le journal texan The Monitor dans un éditorial consacré à cette visite.
Phan Van Khai s'était employé à minimiser la portée de ces manifestations prévisibles avant de s'envoler pour Seattle. "Il y a un petit groupe de gens qui, à cause de leur passé, ont toujours une vision dépassée du Vietnam et beaucoup de préjugés", avait-il expliqué dans une interview accordée la semaine dernière au Washington Post. Et leurs demandes de réformes démocratiques n'ont, selon lui, aucun fondement. "Au cours des soixante-dix dernières années, le Parti a consacré tous ses efforts au bien-être du peuple, ce que reconnaît toute la population du pays. Au Vietnam n'existe pas le besoin d'un autre parti, car les Vietnamiens ont toujours une grande confiance dans le Parti", estime Phan Van Khai.
La question du pluralisme politique sera sans nul doute abordée au cours de l'entretien prévu avec le président américain George Bush. Cette rencontre historique devrait également permettre aux Etats-Unis de tourner définitivement la page de la guerre et de panser certaines plaies héritées de ce conflit qui a pris fin voici trente ans, notamment en participant à la destruction des mines antipersonnel ou en accordant une aide aux victimes de l'agent orange, un produit toxique utilisé par l'armée américaine qui continue de toucher durement la population. Différentes rencontres avec des associations de vétérans américains sont également programmées.
Si la portée historique de cette visite ne fait pas de doute, elle est surtout destinée à renforcer les liens économiques. "Les deux pays disposent de grandes potentialités de coopération commerciale, que la signature d'un accord de coopération a permis d'exploiter. Les échanges commerciaux sont passés de 1,5 milliard de dollars en 2001 à 6,4 milliards l'an dernier, ce qui est vingt fois supérieur à ceux de 1995", rappelle Le Courrier du Vietnam. Or, "le Vietnam n'étant pas encore membre de l'OMC, ses exportations vers les Etats-Unis se heurtent à des quotas". Les autorités vietnamiennes attendent, du coup, que le président Bush "déclare son soutien à la future adhésion du Vietnam à l'OMC".
Elles espèrent également que les Etats-Unis renoncent à appliquer l'amendement Jackson-Vanick, adopté en 1974 pour inciter les pays communistes à autoriser l'émigration et à démocratiser leurs pratiques politiques et commerciales en imposant des restrictions à ceux qui ne le font pas.
Par Olivier Bras - Courrier International - 21 Juin 2005
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