Le football vietnamien fait sa cure d'assainissement anti-corruption
HANOI - Traversé depuis des années par d'innombrables scandales de corruption et de matches achetés, le football vietnamien s'est attelé à un grand nettoyage, en faisant appel à la police pour en finir avec les influences occultes et bâtir, selon les responsables, un sport sain. Des "forces noires" ont "manipulé plusieurs joueurs et arbitres", a déclaré à l'AFP Vu Quang Vinh, vice-président de la Fédération vietnamienne (VFF), dénonçant "les violations de la loi" dans le milieu du ballon rond.
"Nous devons éliminer résolument toute personne corrompue (...), même si nous devons pour ce faire nous priver de compétitions nationales et internationales. C'est le prix à payer pour reconstruire totalement le football vietnamien, le rendre fort, propre et solide", a-t-il souligné.
Fin août, l'arbitre Luong Trung Viet et le manageur du club de première division professionnelle Dong A, Vu Tien Thanh, ont été placés en détention provisoire, accusés d'avoir arrangé un match en avril dernier contre 20 millions de dongs (environ 1000 euros).
Il y a quelques jours, une dizaine d'autres arbitres se sont rendus aux autorités.
"Alliances diaboliques"
Thanh avait été il y a quelques années l'un des assistants de l'Autrichien Alfred Riedl, entraîneur du onze national. Son club, autrefois l'équipe de la police, rachetée depuis par une entreprise d'acier, risque aujourd'hui la relégation.
Nul désormais ne le nie, la corruption a gagné des réseaux d'arbitres, d'entraîneurs, de dirigeants de clubs et de joueurs impliqués dans l'achat de matches.
En 2002, la police avait même fait le lien entre le milieu du foot et le réseau du parrain de la mafia de Ho Chi Minh-Ville (sud), Nam Cam, condamné à mort depuis, et exécuté, pour d'autres affaires.
Sollicitée par la VFF, la police est intervenue en 2004. Dénonciations, aveux, rapports "internes" et enregistrements divers ont permis de mettre à jour des "alliances diaboliques", selon la presse vietnamienne.
"Ces gens ne courent que derrière l'argent. Ils ont trahi des millions de supporteurs ici", s'indigne Dang Tuan Hung, journaliste du quotidien sportif The Thao de Ho Chi Minh-Ville (sud).
La VFF argue de l'absence de preuves pour expliquer son immobilisme depuis des années. "Voici des preuves", ont répondu certains journaux en révélant les arrestations.
"Plus le choix"
Les noms des clubs et des personnalités impliqués sont à ce jour encore tenus secrets. La police doit livrer ses premières conclusions début octobre.
"Jamais le prestige des footballeurs et des arbitres vietnamiens n'a été aussi entaché par la corruption", insiste Hung, le journaliste.
En 2004, la VFF avait reconnu l'existence d'une "liste noire" de 75 personnes, dont des joueurs de haut niveau. Celle-ci n'a jamais été rendue publique.
Faute de mieux, les deux équipes de football nationales, masculine et féminine, sont escortées depuis le 11 septembre par des agents de sécurité lors des tournois à l'étranger, mesure préventive contre la corruption.
Les responsables de la Fédération hésitent entre faire tomber quelques têtes symboliques ou prendre le risque de laisser la police fouiller dans ses dossiers.
La VFF "n'a plus le choix et doit en poursuivre quelques-uns en justice", assure Thanh Thao, journaliste du quotidien Thanh Nien, considéré comme le commentateur du foot au Vietnam le plus influent.
"Mais comment assainir puis reconstruire le football vietnamien? Je n'y crois plus", avoue-t-il.
Agence France Presse - 02 Octobre 2005
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