~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
Le portail de l'actualité vietnamienne

Année :      [2005]      [2004]      [2003]      [2002]      [2001]      [2000]      [1999]      [1998]      [1997]

OMC-Textile : le Vietnam file un mauvais coton

HANOI - Au Vietnam, “petit dragon” d’Asie du Sud-est, l’industrie du textile traverse une période agitée, dans l’attente de l’adhésion à l’OMC. Pour la main-d’œuvre du secteur, jeune et féminine, l’essentiel est d’abord de ne pas perdre son travail. En attendant les inévitables restructurations.

Quatre ans après son arrivée à Hô Chi Minh-Ville, Trang ne dissimule pas sa joie. Elle prépare son retour "à la maison". Cette ouvrière d’une grande entreprise de textile s’apprête à rentrer dans sa région natale, à Quang Ngai, une province rurale à près de mille kilomètres au nord de la mégapole du Sud. Une usine de confection vient d’y sortir de terre. "Nous y gagnerons moins qu’ici. Mais l’important, c’est d’être avec la famille", confie la jeune femme de 23 ans. Elle n’est pas la seule à avoir pris cette décision : "C’est notre rêve à toutes de trouver un vrai boulot chez nous."

Alors que le Vietnam accélère les derniers rounds de négociations pour rejoindre l’OMC, avec une adhésion attendue pour la mi-2006, Trang et ses amis font partie des "chanceux". Ils peuvent profiter de la décentralisation de l’industrie du textile vietnamienne. La tendance semble être incontournable pour le secteur, qui doit réduire au maximum le coût de production, en profitant de la main-d’œuvre à la campagne, pour ne pas se noyer face aux produits chinois.

Avec cette intégration au marché mondial, une nouvelle étape du doi moi – le renouveau lancé il y a bientôt vingt ans –, beaucoup attendent un déclic pour l’économie nationale. "Avec la levée des quotas d’exportation, il y aura plus de recrutements dans les secteurs nécessitant beaucoup de main-d’œuvre", estime M. Le Quoc An, président de l’Association du textile du Vietnam. Pour lui, d’ici à 2010, le besoin en travailleurs du secteur devrait presque doubler, pour atteindre 3,5 millions d’employés. Soit près de 5% de la population vietnamienne. Mais en même temps, ce qui paraît paradoxal, "on constatera une augmentation spectaculaire du nombre de "chômeurs du textile". Seuls seront épargnés les plus qualifiés."

Des "victimes" de la mondialisation

A quelques mois de l’entrée dans la "cour des grands", des milliers d’entreprises du textile vietnamiennes peinent et souffrent. "Une restructuration du secteur est inévitable ; les travailleurs non qualifiés perdront leur travail et les petites entreprises vont faire faillite !" Face à ce constat pessimiste, M. Diêp Thanh Kiêt, secrétaire général de l’Association du textile de Hô Chi Minh-Ville, montre du doigt la formation de la main-d’œuvre : "Trois mois est le délai minimal pour former un bon ouvrier. Et il s’agit là de formations intensives, dans des établissements professionnels. Au moment de l’entrée à l’OMC, c’est sûr que nous n’auront pas assez de travailleurs qualifiés."

Malgré un besoin réel, le Vietnam compte seulement quatre établissements de formation du textile qui, chaque année, fournissent… 2 000 ouvriers ! Le reste, soit la plupart des 2 millions qui vivent aujourd’hui de ce secteur, est formé sur le tas et "ne répond plus aux nouvelles exigences". "On paie maintenant la mauvaise gestion et la méconnaissance des lois internationales qui sont les premiers défauts du textile vietnamien alors qu’il s’intègre à l’économie mondiale.", conclut M. Kiêt.

Dans un secteur qui se prépare à un tremblement de terre, seules les plus grandes sociétés voient poindre "le bout du tunnel", poursuit le responsable du plus grand pôle textile vietnamien. Qui ajoute aussi que ces sociétés "tentent de survivre sous une double pression : les quotas actuellement attribués par l’Etat "au compte-gouttes" et le manque de main-d’œuvre qualifiée."

Cette dernière est une des premières exigences des grands marchés. C’est ce qu’affirme Herb Cochran, directeur de la Chambre de commerce américaine à Hô Chi Minh-Ville : "Il suffit d’avoir un ou deux "maillons faibles" dans la chaîne pour que la qualité baisse. Les importateurs américains pourront même annuler des contrats déjà signés, sans garantie "noir sur blanc" en matière de qualité de la part des producteurs locaux."

Choix de la précarité

Dans le secteur du textile vietnamien, la concurrence pour "attirer les meilleurs" est plus que jamais vive. Pour une fois, des milliers d’ouvriers du textile ont le choix entre nombre d’usines qui leur proposent des conditions "favorables" : logements et cantine à prix préférentiel, prêts pour l’installation… Mais ces facilités accordées par certaines entreprises ne font qu’"habiller" un salaire mensuel rarement supérieur à 1 million de dông (environ 52 €). Pour quarante-huit heures de travail par semaine, soit plus de 200 heures par mois.

"Trop juste pour survivre", estime Huong, qui partage depuis trois ans avec Trang un taudis de 20 mètres carrés en banlieue de Hô Chi Minh-Ville. "Après le loyer et les repas, il ne reste plus rien." Cette jeune femme originaire du delta du Fleuve Rouge (Nord) a elle aussi décidé de partir en même temps que sa colocataire. Un choix radical, puisqu’elle se retrouve sans travail : "Avant d’aller dans le Sud, je vivais de petits boulots dans mon village. En y revenant, au moins ma famille n’aura plus à m’envoyer de l’argent chaque mois."

Par Nam Hoang - InfoSud - 13 Decembre 2005