~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Manger du chien, une fête au Vietnam

Manger du chien, c'est tabou chez nous comme dans la plupart des pays occidentaux. Le Vietnam et quelques autres contrées asiatiques se moquent toutefois de cette coutume qui protège le «meilleur ami de l'homme». À Hanoi, les établissements spécialisés dans ce domaine sont nombreux et très prisés.

HANOI - Curieux de savoir si la règle non écrite des Occidentaux repose davantage sur la sensiblerie- après tout, on mange bien du cheval- que sur le peu d'intérêt gastronomique de la viande canine, j'ai proposé à un couple ami de se dévouer avec moi pour informer nos lecteurs. Le soir venu, nos deux femmes nous ont accompagnés avec réticence, mais en arrivant au restaurant Anh Tu Béo de Hanoi, nous avons vite compris qu'elles étaient venues par curiosité féminine davantage que par soif de découverte. L'une a prétexté n'avoir aucun appétit parce qu'elle avait mangé une collation tard en après-midi, l'autre qui était enceinte, avait été saisie d'une fringale et avait acheté un genre de petit «empanada» au boeuf avant de monter dans le taxi pour aller au resto.

Il faut avouer que l'apparence extérieure du Anh Tu Béo n'a rien de bien attrayant. En fait, il ressemble plus à un vaste hangar qu'à un restaurant avec ses murs en planches grossières, sa façade entièrement ouverte sur la route et son toit surmonté d'une immense affiche de bière. Les convives sont invités à s'asseoir sur des nattes étendues au sol, un bar rudimentaire est installé dans un coin et la seule table des lieux sert de comptoir pour la caissière de même que de débarras pour le service. Les brochettes de chien sont cuites sur un BBQ installé près de la porte avant si bien que la colonne de fumée qui s'élève dans le ciel se replie parfois vers l'intérieur de la salle. Heureusement, les trois groupes de fêtards sur place ne s'en rendent même pas compte étant donné qu'ils semblent déjà sous l'emprise de l'alcool de riz et autres élixirs de mise avec la viande de chien.

La patronne et son adjoint nous reçoivent avec amabilité et insistent pour que nous prenions place à la table plutôt que de nous installer sur des nattes. En guise de nappe, ils étendent de pages du journal local devant nous et apportent ensuite verres et assiettes. Le menu est assez simple: du rôti de chien froid, des brochettes de chien et des nouilles de riz dans un bouillon de chien. Bien sûr, il y a aussi des abats, mais nous avons préféré nous abstenir. Comme c'est un festin pour carnivore, il n'y a pas de verdure au menu.

«Les Vietnamiens viennent dans ces restaurants en groupe lorsqu'ils veulent s'amuser. C'est une façon de fêter en parlant fort, en chantant et en prenant un petit coup... comme dans nos cabanes à sucre», explique Francis, mon compagnon de dégustation, qui vit dans ce pays depuis quatre ans. Le premier plat arrive rapidement, c'est une assiette remplie d'un amoncellement de tranches de rôti de chien froid. La texture et le goût se situent à mi-chemin entre le porc et le boeuf. Avec un peu de sel et une lampée de bière, c'est assez savoureux. Le deuxième plat est moins heureux, ce sont des brochettes trop cuites, voire partiellement calcinées, la viande est sèche et insipide. Enfin, le plat de résistance est une soupe vietnamienne composée de bouillon de chien et de nouilles de riz. Nous y goûtons mais sans plus, le bouillon dégage une odeur très forte et le goût nous dissuade rapidement de poursuivre l'expérience. Non, merci! Suivront quelques bouchées de pastèques en guise de dessert.

Le Anh Tu Béo n'est peut-être pas le meilleur, nous dira plus tard un vieux Vietnamien, mais il est représentatif de la longue file de restaurants spécialisés qui bordent la route de l'aéroport. Ce sont des établissements très simples mais aux prix tout aussi modestes, soit trois ou quatre dollars par personne. En quittant les lieux, je me suis contenté de jeter un coup d'oeil par la porte de la cuisine pour constater que celle-ci était aussi rudimentaire que les restos sur le trottoir, mais j'ai renoncé à visiter le local où sont enfermés les chiens. On ne sait jamais, je pourrais m'attacher à ce joli petit pékinois dont la photo illustre le menu.

Par Gilles Paquin - La Presse - 11 Janvier 2005.