Le Vietnam célèbre la fin de la guerre
Le Vietnam a célébré samedi le trentième anniversaire de sa victoire dans la guerre contre les États-Unis. À cette occasion, un défilé a été organisé à Ho Chi Minh-Ville, connue autrefois sous le nom de Saigon.
Les dirigeants de l'État et du Parti communiste vietnamien ont participé aux festivités, dont le général Vo Nguyen Giap, 92 ans, héros militaire de Dien Bien Phu et icône vietnamienne, et Raul Castro, numéro deux du régime communiste cubain et frère du président Fidel Castro.
Plus de 50 000 personnes, dont 10 000 soldats, policiers et étudiants, ont été mobilisées pour ce rassemblement qui a eu lieu dans la capitale économique du sud. La sécurité était assurée par d'importants effectifs policiers et des militaires venus en renfort.
Le président Tran Duc Luong a rendu hommage au rôle de locomotive joué par une ville qui représente officiellement 8,6 % de la population du pays, mais 20 % de son PNB et 40 % de sa production industrielle et de ses exportations. L'année passée, Ho Chi Minh-Ville enregistrait une croissance de 10 %.
La ville « est capable de s'appuyer sur ses capacités propres très importantes et d'attirer beaucoup d'investissements étrangers [...]. Elle constitue une force motrice accélérant le développement de cette région et du pays », a souligné le chef de l'État vietnamien.
L'ex-ennemi américain, devenu l'indispensable partenaire de l'intégration économique internationale, n'a été victime d'aucune forme d'attaque. Vendredi, le premier ministre vietnamien avait souligné combien le pays entendait guérir les dernières plaies de la guerre, qui a causé la mort de 2 millions de Vietnamiens et 58 000 soldats américains.
Malgré ce changement de cap, la démocratie n'est toujours pas de mise dans ce pays. D'ailleurs, les opposants réclament toujours une ouverture démocratique. « Il n'y a toujours pas de démocratie au Vietnam. Pas de partis d'opposition, pas de syndicats libres, pas de presse libre, pas d'organisation humanitaire indépendante », a déclaré Vo Van Ai, président du Comité Vietnam pour la défense des droits de l'homme, basé à Paris.
Radio Canada - 30 Avril 2005
Les crimes impunis de l'agent orange...
Trente ans après, Ho-Chi-Minh-Ville a commémoré -ce week-end- sans triomphalisme la chute de Saïgon, marquant la victoire des forces communistes et la fin de la guerre du Vietnam. Rompant avec les démonstrations de masse et de puissance des années précédentes, les autorités vietnamiennes se sont contentées d'un défilé a minima de quelques centaines de soldats autour de la reproduction d'un char américain en carton-pâte, devant le palais où siègeait le gouvernement du Sud soutenu par les Etats-Unis. Deux millions de Vietnamiens et plus de 58 000 soldats américains ont péri lors du conflit, dont les traces sont encore visibles parmi la population et dans les paysages. Mais, trente ans après la chute -le 30 avril 1975 à 11 heures du matin- de l'ancienne capitale du Sud-Vietnam, l'heure est au développement de relations cruciales avec les Etats-Unis qui n'ont rétabli leurs relations diplomatiques qu'il y a dix ans mais qui sont, aujourd'hui le premier partenaire commercial du pays. Une croissance de 7,5% par an en moyenne depuis l'an 2000, qui fait du Vietnam l'économie la plus dynamique au monde derrière celle de la Chine, a permis de panser certaines plaies de la guerre.
Certaines. Parce qu'une arme silencieuse, invisible, continue de menacer -dans certaines régions- une population dont plus de la moitié n'a pas connu le fracas des bombardements. L'agent orange, qui fut, pendant dix ans, l'un des principaux défoliants utilisés par l'aviation américaine, poursuit ses ravages sur les hommes et l'environnement. Les experts militaires estiment que plus de 75 millions de litre d'herbicides -dont 61% au moins d'agent orange- ont été déversés en dix ans sur le Vietnam, ce qui représente près de 400 kilos de dioxine. Et selon les mêmes sources, quelques trois millions d'hectares ont été la cible des épandages, affectant directement entre 2 et 5 millions de personnes.
En 1984, sept entreprises chimiques américaines ont versé une somme de 180 millions de dollars dans le cadre d'un procès intenté par des anciens combattants américains victimes de cancers. Aujourd'hui, ce sont les victimes vietnamiennes qui entendent obtenir réparation. L'association qui les défend a déposé, devant un tribunal de New York, une plainte pour violations des lois internationales et crimes de guerre contre les entreprises qui ont produit l'agent orange. Mais les arguments avancés par les anciens combattants n'ont pas joué en faveur des victimes civiles vietnamiennes.
Et lorsqu'il a dû se prononcer sur ce dossier -le 10 mars dernier- le juge fédéral Jack Weinstein s'est rangé aux avis du département d'Etat et du Pentagone. Il a déclaré que la démarche des plaignants est sans fondement et prononcé le rejet de la plainte. Les associations de victimes civiles de l'agent orange et les autorités vietnamiennes ont fait appel de cette décision...
Par Richard Labévière - Radio France Internationale - 02 Mai 2005
Au Vietnam, les festivités de la victoire de 1975 ont ménagé l'ex-Saïgon
A l'occasion du 30e anniversaire de la victoire communiste de 1975, Ho Chi Minh-Ville a été traitée en douceur et plutôt royalement avec un beau feu d'artifice et plusieurs spectacles publics. Un étrange défilé a également été organisé, samedi 30 avril, au cours duquel des unités marchant au pas de l'oie ont précédé une série de pastiches en hommage au développement économique de l'ancienne Saïgon. Des entreprises d'Etat ont parrainé ces scènes bigarrées et mouvantes, entre lesquelles étaient brandis des portraits de Ho Chi Minh.
Il n'y a eu, délibérément, rien de martial dans ces réjouissances : ni blindés ni canons. Devant un parterre assez complet de dignitaires communistes parmi lesquels le général Vo Nguyen Giap le moment le plus intéressant a été une petite reconstitution de l'arrivée des Vietcongs à Saïgon, le 30 avril 1975, autour d'un char en contreplaqué sur roues surmonté du drapeau à deux bandes, l'une bleu délavé et l'autre rouge, avec son étoile jaune au milieu. C'est l'une des rares réapparitions de ce drapeau, celui du Front de libération du sud du Vietnam, créé en 1960, depuis la proclamation officielle de la réunification du pays, en 1976, un an après la fin des combats.
Les deux tiers des Vietnamiens étant nés après cette date, le pays est loin de s'immerger dans la nostalgie de faits d'armes héroïques. "La jeunesse doit désormais s'atteler au développement du pays" , a déclaré, vendredi, le premier ministre, Phan Van Khai, tout en ajoutant, notamment à l'attention des Américains : "Fermons le passé, regardons l'avenir." Mais certains se sont aventurés un peu plus loin en réclamant un temps de réflexion et en suggérant des rééquilibrages.
Débat feutré
Dans deux entretiens publiés le 15 avril par un quotidien de Ho Chi Minh-Ville et le 27 avril par un quotidien de Hanoï , Vo Van Kiet, qui a précédé Phan Van Khai à la tête du gouvernement, a lancé un appel à davantage d'ouverture et d'écoute. Il a estimé que le 10e congrès du Parti communiste vietnamien (PCV), en 2006, devrait revoir les relations entre le parti et le peuple. Si le premier, a-t-il dit en substance, s'éloigne du second, il y aura à la fois danger et preuve d'un manque de démocratie au sein de l'appareil.
Lors d'une conférence de presse donnée à la suite du défilé du 30 avril, des membres du comité populaire de Ho Chi Minh-Ville ont réitéré que 1975 "ne représentait pas une victoire d'un camp sur un autre mais une victoire du peuple vietnamien" . Vo Van Kiet, qui semble demeurer le ténor sudiste du PCV, a déclaré, selon la très officielle revue du ministère des affaires étrangères : "Nous devons poursuivre sur la voie des réformes et nous garder de l'autosatisfaction et de trop vanter nos exploits."
Le Vietnam de ce début de XXIe siècle doit s'accommoder d'une donnée : Ho Chi Minh-Ville est la locomotive de son développement, avec 40 % du produit intérieur brut, 58 % de la production industrielle, 70 % des exportations et un taux de croissance estimé, cette année, à 12,4 %. Le siège de l'ancien "régime de Saïgon" , très malmené au lendemain de la victoire, mérite donc certains égards et même, aux yeux de certains communistes, quelques réparations.
Un débat feutré s'est ouvert, à ce propos, sur ce qui s'est passé le 30 avril 1975. Y a-t-il eu reddition ou passation de pouvoirs ? Répondant à un appel à l'arrêt des combats lancé, le 28 avril 1975, sur les antennes de Radio-Hanoï et de la radio vietcong, le dernier chef de l'Etat sud-vietnamien, le général Duong Van Minh, avait écrit aux chefs vietcongs pour les informer qu'il en acceptait les termes, ce qui plaide en faveur de la passation de pouvoirs.
Le fait que même des membres du PCV, qui gère le pays sans partage, souhaitent que l'on reconnaisse ce point d'histoire n'est peut-être pas indifférent. Après tout, le général Minh avait accepté la présidence avec une seule idée en tête : mettre un terme au bain de sang.
Par Jean Claude Pomonti - Le Monde - 02 Mai 2005
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