Hanoi adopte une nouvelle stratégie vis-à-vis des dissidents bouddhistes
L'Eglise bouddhiste unifiée du Vietnam (EBUV),
officiellement interdite depuis 1981 et victime
d'une répression constante, fait l'objet depuis
plus d'un mois d'une liberté de manoeuvre sans
précédent, signe d'une nouvelle stratégie du
pouvoir vis-à-vis de ses responsables.
Le Vénérable Thich Huyen Quang, 86 ans, leader
de l'EBUV, et son second Thich Quang Do, 75
ans, qui ne s'étaient rencontrés que deux fois
entre 1981 et cette année, ont pu récemment
converser longuement à Ho Chi Minh-Ville.
Début mai, Quang avait été reçu par Le Thanh
Hai, président du Comité populaire de la capitale
économique du sud.
Et vendredi, il s'est entretenu dans l'ex-Saïgon
avec le consul général des Etats-Unis, Emi
Yamauchi. "C'était une conversation privée et
nous ne souhaitons pas en révéler les détails",
a indiqué le consulat.
Le Bureau international d'information bouddhiste
(IBIB), dont le siège est à Paris, a indiqué que le
moine avait apprécié l'entretien, précisant que
l'EBUV était "déterminée à rester indépendante
de tout contrôle politique".
La main-mise de l'Etat sur les activités
spirituelles s'est certes relâchée dans les
années 90, laissant chacun suivre librement son
culte. Mais les organisations religieuses restent
sous le contrôle vigilant du Parti communiste
vietnamien (PCV). C'est précisément en refusant
cette tutelle que l'EBUV était entrée en
dissidence.
La fin de l'ostracisme avait été signifiée un peu
par surprise, par la rencontre le 2 avril dernier
entre Quang et le Premier ministre vietnamien,
Phan Van Khai. Deux jours après, le patriarche
avait rencontré l'ambassadeur américain à
Hanoi, Raymond Burghard.
Quang, de retour dans sa pagode de Quang Nai
(centre), où il est de facto en résidence
surveillée depuis 1982, avait été accueilli par
une foule de fidèles, dont quelques membres de
l'Eglise bouddhiste du Vietnam (EBV), l'organe
officiel fondé en 1981 sous l'autorité du puissant
Front de la Patrie.
Pour certains diplomates, la question est
aujourd'hui moins religieuse que politique.
"La liberté de culte existe au Vietnam. Là où les
problèmes commencent, c'est quand des
responsables religieux commencent à parler de
politique", explique l'un d'entre eux.
La nouvelle attitude du pouvoir "est un geste
presque humanitaire", ajoute-t-il. "Quang ne fait
plus beaucoup parler de lui au Vietnam. C'est un
vieux monsieur".
Hanoi a-t-il plié devant la pression étrangère?
"Le gouvernement reconnaît qu'il n'est pas
approprié de les soumettre à un contrôle strict.
Mais si on considère que sa position vis-à-vis de
l'Eglise n'a pas fondamentalement changé, alors
cela devient cyniquement une prise de
conscience qu'elle ne présente plus une
menace", renchérit un autre diplomate.
Le porte-parole du ministère des Affaires
étrangères, Mme Phan Thuy Thanh, refuse de
son côté d'évoquer un revirement.
"Notre politique est constante. Le Vietnam
respecte la liberté des groupes religieux et non
religieux. Cette liberté est écrite dans la
constitution et appliquée dans les faits",
affirme-t-elle.
Les semaines à venir seront riches en
enseignement. Le 1er juin, s'achève
théoriquement la peine de deux ans de
résidence surveillée à laquelle avait été
condamné Do en 2001, pour avoir notamment
lancé un "Appel à la démocratie".
"Nous regardons attentivement s'il sera libéré
sans condition", prévient Daniel Alberman,
d'Amnesty International. "Cela serait le premier
signe concret que tout ceci n'est pas qu'un décor
de cinéma".
Agence France Presse - 13 Mai 2003.
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