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Le chef des armées vietnamiennes en visite historique aux Etats-Unis

L'armée vietnamienne surmontera samedi un tabou de près de trente ans avec le départ à Washington du ministre de la défense Pham Van Tra, qui consacre l'adoption par Hanoi d'une conception désormais pragmatique de ses relations militaires avec les Etats-Unis.

Pour la première fois depuis la fin de la guerre du Vietnam en 1975, et alors que les relations commerciales entre les deux pays explosent, le général Tra viendra témoigner à son ancien ennemi d'une ouverture il y a peu inimaginable. "Si la visite de Tra est porteuse d'un message de réconciliation finale entre les deux anciens adversaires, elle est aussi dans les faits riche en substance. Le Vietnam sera poussé à se prêter à plus d'activités militaires avec les Etats-Unis", estime Carl Thayer, de l'Australian Defense Force Academy.

La visite du général Tra répond à celle au Vietnam, en mars 2000, du secrétaire d'Etat américain à la Défense, alors William Cohen, qui entendait donner le départ à une coopération nouvelle entre les deux armées. Hanoi n'avait cependant pas voulu risquer le clash avec la Chine, incontournable voisin et seul partenaire communiste de poids planétaire. Mais les temps ont changé. En initiant une coopération militaire informelle avec Washington, Hanoi "s'assure lui-même contre les incertitudes de ses relations avec la Chine, sans aller jusqu'à faire sonner l'alarme" à Pékin, analyse David Koh, de l'Institut des études d'Asie du sud-est, à Singapour.

"Il y a trois ans et au delà, le Vietnam était très sensible aux réactions de la Chine. La guerre en Yougoslavie et la première guerre du Golfe avaient rendu le Vietnam timide dans ses relations d'armée à armée avec les Etats-Unis", renchérit Carl Thayer. Depuis les attentats aux Etats-Unis 11 septembre 2001, Washington a renforcé sa présence dans la région et a poussé Hanoi à changer de stratégie.

"A l'exception du Laos et de la Birmanie, virtuellement tous les autres pays, dont la Chine, coopèrent avec les Etats-Unis contre le terrorisme", poursuit l'expert australien. Cette visite "sera un développement positif", a commenté le général Nguyen Dinh Uoc, de l'Institut d'histoire militaire du ministère de la défense à Hanoi. "Elle complètera les relations bilatérales entre les deux pays en développant les liens militaires". L'agenda précis de Tra n'a pas été précisé. Il a simplement indiqué qu'il rencontrerait notamment la conseillère à la sécurité nationale Condoleezza Rice, le secrétaire d'Etat Colin Powell et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld.

Ce voyage précède de quelques jours un autre symbole fort, avec l'arrivée d'un navire de guerre américain dans le port de Ho Chi Minh-Ville (sud), l'ex-Saïgon d'où les derniers soldats américains avaient fui le pays le 30 avril 1975, au dernier jour de leur débâcle vietnamienne.

Autant de signaux qui n'ouvrent pas pour autant une ère sans nuage entre les deux pays. Une partie influente du personnel politique vietnamien reste suspicieuse à l'égard des visées "impérialistes" de Washington et ne supporte pas ces critiques récurrentes en matières de droits de l'homme. Hanoi entend pourtant mettre, au moins momentanément, les tabous de côté. Tra a indiqué que la question des droits de l'homme serait peut-être évoquée avec Colin Powell, si la partie américaine évoque le sujet.

Par Ben Rowse - Agence France Presse - 6 Novembre 2003.