"Un Américain bien tranquille" et bien séduisant pour le Vietnam
HANOI - "Un Américain bien tranquille", le film de
l'Australien Phillip Noyce tiré du roman de Graham Greene, a
été projeté pour la première fois mardi à Hanoï, dans une
atmosphère enjouée qui contrastait avec l'accueil parfois glacial
réservé par ce pays aux films touchant à son histoire.
Début décembre, le comité de censure vietnamien avait levé le suspense en
autorisant la projection dans l'ensemble du pays de "The Quiet American", premier
grand film financé par Hollywood et tourné au Vietnam.
"Le Comité national de censure cinématographique a été unanime dans son éloge
du film, expliquant qu'il était progressiste dans sa perception de l'histoire du
Vietnam", avait déclaré Nguyen Thi Hong Ngat, directrice du département du
cinéma.
Le film a été diffusé dans la salle comble du Centre national du cinéma, et ce dans
la grande tradition du pays, une voix off féminine unique couvrant en langue locale
l'ensemble des dialogues du film.
Particulièrement fidèle au roman de Greene, aujourd'hui vendu par les gamins en
exemplaire photocopié dans les rues de Hanoï et de Hô Chi Minh-Ville (sud), Noyce
dépeint la lutte d'un Anglais et d'un Américain pour une même femme vietnamienne.
Une lutte amoureuse sous forme d'allégorie guerrière dans le Vietnam du début des
années 50, au moment où la France est en train de perdre le conflit et où
l'engagement américain s'accroît inexorablement.
Le film plonge brièvement dans l'atmosphère des fumeries d'opium du Saïgon des
années 50. Mais il flatte surtout la fierté vietnamienne en fustigeant un Occident
aveugle, fasciné par le pays mais incapable de le comprendre, subjugué par sa beauté mais condamné à lui faire
mal.
Mi-2002, le film "We Were soldiers" consacré à l'une des premières grandes batailles américano-vietnamiennes, en
1965, avait été interdit par les autorités, pour cause de "distorsion de la réalité". Cette fois, "Un Américain bien
tranquille" a bénéficié du tapis rouge dans la capitale, avant d'être projeté à Hô Chi Minh-Ville.
Mardi, le réalisateur Phillip Noyce et l'acteur Brendan Fraser se sont entretenus pendant près de quatre heures avec
les étudiants de l'Ecole de cinéma de Hanoi, puis avec des membres de l'Association vietnamienne du cinéma.
L'occasion de constater que l'évocation de la guerre n'est confortable pour personne. "Le contenu du film est un peu
général sur la guerre du Vietnam et ne donne pas de point de vue clair. Je ne suis pas née pendant cette période et
donc j'ai peu d'éléments pour commenter", éludait la journaliste Le Hai Van.
"Je ne veux ni critiquer ni encenser le film. C'est intéressant", se risquait Bach Diep, comédienne.
Le film aura eu aussi le mérite de faire venir dans le pays, dont l'industrie cinématographique manque moins d'idées
que de finances, une grosse production américaine et son cortège de moyens techniques.
"C'était très agréable de travailler avec l'équipe. L'image et tous les détails ont été très soignés", se félicitait Nguyen
Kieu Thu, une des maquilleuses les plus en vue du pays, régulièrement mise à contribution par les cinéastes
étrangers.
Et de regretter de n'avoir pu discuter plus longuement avec les acteurs, dont Brendan Fraser, qui interprète le jeune
et troublant Pyle. "Fraser est vraiment un Américain bien tranquille, à l'écran comme dans la vie. Il ne parle pas
beaucoup".
Agence France Presse - 17 Décembre 2002.
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