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Désintoxication, des chances limitées de s'en sortir


YEN BAI - A 24 ans,Tran Quang Minh s'est porté volontaire pour une "rééducation" de trois mois qui lui ferait à jamais oublier le goût de l'héroïne, mais il doute déjà de ses chances de s'en sortir.
C'est l'un des 122 drogués ayant échoué au centre de désintoxication de Yen Bai, situé en pleine campagne, à une quarantaine de km de Hanoï, où l'on tente avec des moyens restreints de répondre au problème croissant posé par la drogue au Vietnam.
Minh, qui a étudié quatre années à l'Université de Hanoï, explique qu'il est devenu "accro" à l'héroïne il y a un an et a choisi la rigueur du centre quand sa mère a découvert sa dépendance.
"En général chaque patient retrouve une bonne condition physique ici", explique-t-il, après un léger repas de riz, de légumes verts et de viande."Mais quand on réintègre la société, il y a de la joie, mais aussi du chagrin et on risque fort de replonger sous l'influence des copains".
"Entre 60 et 70 % d'entre eux reprennent de la drogue après la sortie",admet Nguyen Van Diet, directeur du centre.
"C'est bien en-dessous de la réalité", rétorque Rafi Kot, un médecin israélien qui travaille à Hanoï depuis des années et a vu des centaines de drogués. "C'est au moins 85%, voire 90%".
"Même avec les meilleures méthodes de désintoxication en Europe, on constate un taux de rechute de 60% à 70%", explique pour sa part un expert du Programme de l'ONU du contrôle de la drogue, Guillaume Lehigarat.
Le directeur a demandé une expansion du centre pour qu'il puisse recevoir 500 drogués, et sur une période de six mois pour plus d'efficacité.
Le centre de Yen Bai a des moyens très limités. L'Etat accorde l'équivalent de six dollars par mois par toxicomane et 20 dollars pour le traitement médical, qui ne suffisent pas. Ce sont les économies réalisées sur les traitements, et la nourriture apportée par les familles, qui permettent au centre de joindre les deux bouts.
La journée des patients commence à 5h30 puis se déroule au rythme de divers travaux physiques: fabrication de briques, réfection de routes, peinture,réparation de toitures.
Pour l'aspect médical, M. Diet explique que pendant les dix premiers jours de séjour au centre les drogués reçoivent un traitement de médecine traditionnelle destiné à réduire la dépendance.
Mais, le Dr Kot est sceptique sur les chances de réussite. "Tant qu'il y aura des gens qui profiteront du trafic de drogue, et je ne dirai pas qui, il ne sera pas possible de régler cette question", estime-t-il, laissant entendre que les trafiquants disposent d'importantes protections.
Le Vietnam a pourtant renforcé sa législation anti-drogue et la possession de 100 grammes d'héroine est désormais passible de la peine de mort.Vingt-six trafiquants ont été condamnés à mort l'an dernier.
Selon un expert étranger, Hanoï compte plus de 50.000 drogués sur une population de 4 millions d'habitants et 60% d'entre eux ont moins de 25 ans.
Contrairement à Minh, la plupart des patients du centre de Yen Bai ont été amenés de force par la police. Une majorité sont des chômeurs, mais certains ont des diplômes. "La drogue touche la jeunesse et celle de toutes les couches sociales", explique le Dr Kot.
La consommation a nettement aumgenté au cours de la décennie et selon le Programme de l'ONU du contrôle de la drogue, le Vietnam compterait 200.000 drogués.
Ce pays est aussi particulièrement exposé en raison de sa proximité du Triangle d'or --Birmanie, Laos, Thaïlande-- premier producteur d'héroïne au monde, et est devenu un important centre de transit des stupéfiants vers l'Europe et l'Amérique du nord.

Par N.JAYARAM - AFP, le 24 Juillet 1998.