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M. Nong Duc Manh s'entretien avec la correspondante du "Times"

HANOI - A la demande de Kay Johnson, correspondante du journal américain Times, le Secrétaire général du Parti communiste du Vietnam, M. Nong Duc Manh, lui a accordé le 11 janvier 2002 une interview. Nous reproduisons ci-après le texte intégral.

- Le gouvernement vietnamien s'est fixé l'objectif de croissance du PIB d'au moins 7% pour les années à venir et envisage d'attirer davantage d'investissements étrangers. Pour atteindre cette cible, il lui faut entreprendre des réformes, tout d'abord la restructuration des entreprises étatiques afin d'obtenir une transparence financière. Face à la régression de l'économie mondiale et asiatique, le gouvernement vietnamien a-il pris des mesures concrètes pour accélérer ces réformes ?
Comment faire pour attirer davantage d'investissements étrangers est la question qui nous préoccupe maintenant. Les ressources intérieures constituent l'élément décisif et les ressources extérieures un élément extrêmement important. Nous considérons que les ressources extérieures jouent un rôle capital dans le développement économique du Vietnam, contribuant considérablement à faire progresser le pays dans le sens de l'industrialisation et de la modernisation, à catalyser son processus de renouveau ainsi que son intégration à la communauté économique internationale. Ces derniers temps, nous avons opéré des ajustements afin de mieux nous adapter à la nouvelle situation et d'aérer le milieu d'investissement étranger. Depuis 1997, nous avons à quatre reprises réajusté la loi sur les investissements étrangers. Récemment, l'Assemblée nationale a décidé d'apporter des amendements, reconnaissant que les entreprises dotées de capitaux étrangers font partie de l'économie vietnamienne. Il y a peu, nous avons pris une série de mesures consistant à réduire l'impôt sur le revenu, les exportations, le prix des services de première nécessité, le prix de location des terrains ; à assurer aux entreprises à participation étrangère la suffisance des devises étrangères. D'autre part, nous avons cherché à simplifier les formalités administratives relatives à la délivrance de la licence d'investissement étranger. Et encore beaucoup d'autres mesures que je ne cite pas ici. Les rencontres annuelles entre le gouvernement et des investisseurs ont en partie contribué à régler les problèmes auxquels ces derniers se heurtaient. Dans le futur, nous continuerons à améliorer ce terrain en vue de le rendre plus attrayant aux yeux des investisseurs étrangers. Ainsi, avec la ferme volonté de revaloriser les ressources intérieures ainsi que les ressources extérieures, nous sommes convaincus que nous atteindrons l'objectif de croissance de 7 % fixé par l'Assemblée nationale.

- Quelles difficultés rencontrez-vous dans la restructuration des entreprises étatiques ? Quels sont les moyens pour les surmonter ? Y-a-t-il des choses qui ne sont pas transparentes ?
Lors de son III plénum, le PCV a élaboré une résolution traitant de la restructuration, du développement et de la compétitivité des entreprises étatiques. Ce travail est en cours et il sera réalisé de manière plus rapide et sous un oeil plus sévère de notre part. Nous procédons à la reclassification des entreprises étatiques dans le but de savoir dans quels domaines et quels secteurs l'État devra exercer son contrôle entier. Par ailleurs, pour les domaines où l'État juge qu'il n'est pas nécessaire de détenir à 100 %, il préconise la reconversion des entreprises en entreprises à actions. Pour celles de petite envergure et non rentables, nous envisageons les vendre, les mettre en forfait ou en location. Il s'agit d'une manière de réconforter le secteur étatique et de le faire fonctionner efficacement. Nous voulons faire en sorte de disposer d'un mécanisme de gestion nous permettant de contrôler toutes les activités d'investissement et de production des entreprises étatiques. Dans le processus de réorganisation de ces entreprises, il reste encore, bien sûr, des desiderata mais cela n'est absolument point synonyme d'absence de transparence. L'essentiel, c'est d'avoir un mécanisme servant de levier pour les entreprises étatiques.

- Autrefois, le Vietnam était considérée comme une société mystérieuse. Je ne sais pas si cela est juste ? D'après vous, comment faire pour modifier cette conception dans l'actuel contexte où la concurrence économique au niveau mondial est âpre?
Depuis la politique de renouveau (Doi Moi) et d'ouverture, je pense que notre processus de développement n'a rien d'incompréhensible et de mystérieux. Mais des gens qui ne sont jamais venus au Vietnam, ne le comprennent pas. Au Vietnam, la démocratie, la liberté etc, sont assurées et réalisées conformément à la loi, il n'y a rien de mystérieux. Je trouve que tout doit fonctionner selon la loi. Comme les autres pays, notre pays a sa loi. Auparavant, les sessions de l'Assemblée nationale étaient à huis clos. Récemment, les interpellations et les discussions ont été retransmises en direct à la télévision. Il semble ainsi que le Vietnam s'ouvre plus afin d'attirer les investissements étrangers et d'étendre ses débouchés. Etes-vous d'accord sur ce point ? Dans le monde, peu de pays pratiquent la retransmission directe des interpellations, et des réponses des membres du gouvernement à l'Assemblée, comme au Vietnam (celles-ci se font en trois jours). Je le souligne, parce que j'ai assisté à plusieurs sessions parlementaires de nombreux pays. Il faut dire que nous les avons faites avec transparence, et nos interpellations abordent divers domaines, aux yeux de tout le peuple, et du monde entier. Ce sont là des progrès que nous avons enregistrés. Nous nous engageons à en faire mieux dans l'avenir.

- Pensez-vous qu'ayant été interdit, le PCV, de nature de parti révolutionnaire, avait dû protéger tous les secrets ? Est ce que le secret a été une clé pour votre existence? Est-ce nécessaire que les informations ne sont plus confidentielles?
Lorsque la révolution n'avait pas remporté sa victoire, notre Parti devait obligatoirement mener des activités clandestines. Maintenant qu'il est au pouvoir, nous procédons à l'édification nationale selon la devise : le Parti dirige, l'État gère, le peuple est maître. La cause révolutionnaire étant celle du peuple, le Parti communiste doit donc s'appuyer sur celui-ci et placer sa confiance en lui. Nous préconisons d'édifier un État de droit socialiste, de valoriser le mécanisme de démocratie à la base pour que le peuple soit maître, c'est-à-dire, "le peuple connaît, le peuple discute, le peuple exécute et le peuple contrôle". C'est l'orientation que nous suivons.

- J'apprends, lors d'échanges avec certains députés, qu'il y aurait des candidats indépendants (non membres du PCV), aux prochaines élections législatives. Quel est votre commentaire? Est-ce vrai?
Les élections à l'AN (XIe législature) auront lieu en 2002. Pour qu'elles soient bien faites, la chose la plus importante est d'élire les députés selon les critères stipulés par la loi de l'AN. Le processus sera donc le suivant : le Front de la Patrie -qui représente toutes les couches populaires, classes, ethnies, religions- présente des candidats pourvus des critères qui peuvent être membres ou non membres du PCV. Il sera réglementé prochainement dans la loi qu'on élit un député sur deux ou trois candidats. Il y a aussi des candidats libres qui posent eux-même leur candidature. L'Assemblée compte actuellement quelques députés issus des candidats libres. Au Vietnam, nous n'avons pas la conception de "candidat indépendant", mais "candidat libre". Car, nous avons un but commun qui est d'édifier le Vietnam en un pays puissant, avec une population prospère, une société équitable, démocratique et moderne. Je suis fier que lors des discussions à l'Assemblée, il y ait des opinions différentes, mais toutes dans l'esprit constructif. Je sais bien que l'Assemblée nationale est le représentant des larges couches populaires, et j'ai entendu beaucoup de félicitations sur le caractère démocratique de l'Assemblée. J'ai bien étudié l'article 4 de la Constitution de 1992 du Vietnam, selon lequel : le Parti communiste est l'unique parti politique dirigeant au Vietnam, et le pays est géré selon la loi.

- A votre avis personnel, pourrait-il y avoir au Vietnam dans dix ans, dans vingt ans ou plus, d'autres partis politiques ? Ou cela ne sera jamais nécessaire ?
Le rôle dirigeant du PCV est reconnu par le peuple à travers l'histoire révolutionnaire durant près d'un siècle. Le PCV est l'avant-garde de la classe ouvrière et le représentant fidèle des intérêts de cette classe, du peuple travailleur et de la nation toute entière. Le Manifeste de notre Parti a souligné clairement : "Le PCV n'a d'autre intérêt que de servir la Patrie et le peuple". L'article 4 de la Constitution exprime la volonté du peule vietnamien de considérer le PCV comme le dirigeant de la société. C'est pourquoi, je ne pense pas à l'émergence d'un parti d'opposition au Vietnam.

- Je voudrais savoir votre point de vue sur les opérations militaires menées en Afghanistan par les États-Unis. Selon vous, cette guerre est-elle différente de celle menée par les Américains au Vietnam, durant les années 1960 et 1970 ?
A mon avis, il ne faut pas effectuer une telle comparaison. Notre point de vue immuable est de soutenir la lutte anti-terroriste et de lutter contre le terrorisme sous quelque forme que ce soit, mais il faut respecter les obligations de la Charte de l'ONU ainsi que les principes de la loi internationale. Cependant, il ne faut pas profiter de la lutte anti-terroriste pour intervenir dans les affaires intérieures d'un pays souverain, indépendant, disposant de l'intégrité territoriale et ne pas nuire à la population civile. Certains pays, comme le Vietnam, estiment que le gouvernement américain est en train de protéger et tolérer une poignée de Vietnamiens réactionnaires vivant aux États-Unis, précisément en Californie, opposés au gouvernement vietnamien.

- Quelle est l'attitude du gouvernement vietnamien ? Quelles mesures le Vietnam va prendre afin de faire face à cette poignée de Vietnamiens ?
Nous ne pouvons pas soutenir qu'on laisse les forces réactionnaires agir contre un autre pays. Je pense que tous les pays sont appelés à coopérer avec nous, afin d'empêcher les desseins ainsi que les actes hostiles contre le Vietnam. Nous proposons à la partie américaine de coopérer avec nous pour lutter ensemble contre le terrorisme. Les deux pays ont établi des relations diplomatiques et signé l'accord commercial sur la base du respect de l'indépendance, de la souveraineté, sans ingérence dans les affaires intérieures, sur la base de l'égalité et de l'avantage réciproque. C'est pourquoi, il n'existe aucune raison pour que le gouvernement américain laisse ces personnes s'opposer à nous. Si des questions sont à discuter, nous pouvons le faire ensemble.

- Le Vietnam est accusé par une organisation internationale de violer les droits de l'homme. Je connais le point de vue immuable du Vietnam qui est de ne pas devoir intervenir dans les affaires intérieures, mais je veux tout de même connaître votre point de vue personnel. Un acte ou une parole est-il considéré comme un sabotage du bloc d'union nationale ?
A cette occasion, je voudrais exprimer le point de vue du Vietnam sur la question des droits de l'homme. Il est inexact que nous arrêtons les personnes dont les idées sont différentes. Nous arrêtons seulement celles coupables de violer la loi, avec des preuves à appui. Nous constatons que les droits de l'homme sont au centre du souci de l'humanité. Au Vietnam, nous considérons les droits de l'homme sont ceux de chaque personne, dont le droit est de vivre dans l'indépendance, la liberté, de décider de son propre destinée et de se développer sur tous les plans. Les droits de l'homme englobent les droits à l'économie, la culture, la société, aux droits politiques et civils, les droits de chaque individu et de toute la communauté et la nation. Lors qu'on définit les droits de l'individu, il faut les lier aux devoirs à l'égard de la société. Nous constatons que le traitement et la protection des droits de l'homme sont de la responsabilité et du pouvoir de chaque nation, de chaque peuple et doivent être conformes aux caractéristiques historique, politique, économique, social et culturel de chaque pays. Ils doivent être conformes à la fois aux objectifs, aux normes et aux principes mondialement reconnus. Nous accordons une attention particulièrement importante à l'édification et au perfectionnement du système de loi actuel et dans l'avenir, où une attention suffisante doit être prêtée à la protection des droits de l'homme. Ce pour garantir de mieux en mieux les droits de tous les Vietnamiens. Depuis le dôi moi (renouveau) en 1986 jusqu'à maintenant, l'Assemblée nationale a adopté 13.000 textes de lois et décrets-loi, dont une quarantaine de codes et de lois parmi les plus importants, comme le Code pénal, celui de procédure pénale, le code civil (et celui de procédure civile en cours d'élaboration), le code du travail, la loi sur les soins et l'éducation des enfants. De 1998 jusqu'à maintenant, nous exhortons la pratique de la démocratie à la base suivant la devise: "le peuple connaît, le peuple discute, le peuple exécute et le peuple contrôle". Je pense que nous pourrions dialoguer ensemble de la question (des droits de l'homme), sur la base du respect des points de vue de chacun et du respect des principes fondamentaux de la loi internationale en tenant compte des circonstances historiques, du niveau de développement et des conditions spécifiques de chaque nation. Nous n'acceptons pas que la partie étrangère impose son point de vue sur les droits de l'homme et qu'elle profite des droits de l'homme pour intervenir dans les affaires intérieures d'autrui et poser des conditions aux les relations internationales. Nous sommes disposés à dialoguer avec les autres pays sur des problèmes d'intérêt commun, dont celui des droits de l'homme, sur la base de l'égalité, du respect mutuel, du respect de l'indépendance, de la souveraineté et de la non ingérence dans les affaires réciproques visant à intensifier la compréhension mutuelle. Ce n'est qu'en agissant ainsi que nous pouvons parvenir à nous comprendre. Je veux insister qu'au Vietnam, il n'y a aucun prisonnier politique, ni de détenu pour raison d'opinion. Ceux qui ont commis des infractions à la loi doivent être sanctionnés en conformité à la loi vietnamienne et aux réglementations législatives de notre pays. Les droits sur les libertés fondamentales des citoyens vietnamiens sont mentionnés dans la Constitution du Vietnam et respectés dans la réalité.

- En ce qui concerne le prêtre Nguyên Van Ly, est-ce qu'il a été détenu pour avoir écrit une lettre au Congrès américain, dans laquelle il a exprimé son point de vue ? Exprimer seulement sa propre opinion, est-ce commettre une infraction à la loi ? Comment qualifier cette action ?
Il est clair que Nguyên Van Ly avait commis une infraction à la loi, avec ses pièces à conviction. Nous avons jugé, non pas le prêtre Nguyên Van Ly, mais le citoyen Nguyen Van Ly, qui avait commis une infraction à la loi. Je ne sais pas si vous aviez disposé de cette lettre, mais nous avons sanctionné Nguyên Van Ly pour ses infractions commises sur le sol où il était. Il a été jugé lors d'un tribunal ouvert, avec de solides pièces à convictions suivant la loi du Vietnam.

Agence Vietnamienne d'Information, le 29 Janvier 2002.